À propos de l'œuvre
Sous la direction de Diderot et d'Alembert, plus de deux cents collaborateurs connus ont collaboré à cette entreprise, l'une des plus ambitieuses qu'ait tentées l'édition française sous l'Ancien Régime. Médecins, écrivains, juristes, artisans, artistes, grands commis, officiers, amateurs d'art, prêtres ou pasteurs, ils avaient le projet commun de présenter à l'Europe cultivée de leur temps un tableau aussi clair que possible de l'ensemble des connaissances acquises depuis la Renaissance. Quelques-uns, les "Philosophes", pensaient en outre modifier chemin faisant la commune façon de penser en matière de religion ou de politique. Par là, l'Encyclopédie déborde de beaucoup le projet initial des éditeurs, Le Breton, Briasson, David l'aîné et Durand : traduire et adapter pour un public francophone la Cyclopædia d'Ephraïm Chambers, publiée à Londres en 1728.
Une histoire mouvementée
L'histoire de l'Encyclopédie connaît de nombreuses péripéties. La publication est suspendue en 1752, après l'affaire de la thèse de l'abbé de Prades, collaborateur de l'Encyclopédie, soupçonné de sensualisme. Les deux premiers volumes de texte déjà parus sont alors supprimés. C'est grâce à l'appui de Malesherbes que Diderot et d'Alembert pourront continuer leur tâche. En 1757, le tome VII paraît. Il contient l'article "Genève" dans lequel d'Alembert souligne le socinianisme des pasteurs de cette ville, suscitant leur vive protestation ainsi que celle du parti dévot en France. En 1759, le Parlement examine huit ouvrages, dont l'Encyclopédie et De l'Esprit d'Helvétius, jugés subversifs. Le Conseil du Roi révoque alors le privilège pour la publication acquis en 1746. Un arrêt ordonne le remboursement des souscripteurs. À Rome, Clément XIII condamne la publication.
Afin d'échapper à la banqueroute, les Libraires-Associés, avec Diderot, proposent de rembourser les souscripteurs en leur proposant des volumes de planches. Un nouveau privilège est accordé pour un Recueil de mille planches en taille-douce sur les sciences, les arts mécaniques, avec les explications des figures en quatre volumes in-folio. Les adversaires de l'Encyclopédie ne désarmeront pas pour autant, bientôt surviendront les attaques de Fréron, Lefranc de Pompignan et Palissot ainsi qu'en 1759 l'affaire des "plagiats", à propos des planches, qui oppose les Libraires à l'Académie royale des sciences. Cependant en 1762, Diderot et les Libraires-Associés voient disparaître leurs plus virulents adversaires, les jésuites, après la condamnation papale et la suppression de leur ordre. Par ailleurs, pour adoucir certains passages jugés trop virulents, Le Breton n'hésite pas de son côté à censurer certains articles des encyclopédistes destinés aux volumes à venir.
En 1765, paraissent les dix derniers volumes de texte avec l'adresse à Neuchâtel, mais l'impression s'est certainement faite à Paris. L'affaire Luneau de Boisjermain, souscripteur mécontent qui intente un procès aux Libraires en 1769, a le mérite de nous introduire au sein de la fabrication de l'Encyclopédie.
En plaçant l'homme au centre de l'univers, l'Encyclopédie marque une étape essentielle dans l'histoire de l'humanité. Elle est liée à tous les mouvements de pensée de la fin du siècle, aux progrès de "l'entendement de l'homme". Son influence est difficile à cerner mais immense, comme en témoigne le succès de l'encyclopédisme du XIXe siècle et l'émergence de nouvelles sciences que l'ouverture au monde de l'Encyclopédie a largement favorisée.