Titre : Musée des familles : lectures du soir
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : Ch. DelagraveCh. Delagrave (Paris)
Date d'édition : 1879-01-01
Contributeur : Berthoud, Samuel-Henry (1804-1891). Directeur de publication
Contributeur : Pitre-Chevalier (1812-1863). Directeur de publication
Contributeur : Wallut, Charles (1829-1899). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32820948x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1879 01 janvier 1879
Description : 1879/01/01 (A46,N1)-1879/11/30 (A46,N11). 1879/01/01 (A46,N1)-1879/11/30 (A46,N11).
Description : Collection numérique : Littérature de jeunesse Collection numérique : Littérature de jeunesse
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t53799589
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-5215
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/08/2022
81
LECTURES DU SOIR
Après être resté quelques instants immobile de
vant ce magnifique spectacle, Cortès, se tournant
vers ses compagnons émus, leur répéta la parole de
Moïse sur le mont Phasgah : « Voici la terre pro
mise ! » Les plus timides de ces hommes de fer
purent se demander comment ils triompheraient
d’une telle civilisation, mais le temps des hésitations
était depuis longtemps passé! Quant aux guerriers
Tlascalans, ils rugissaient de joie, espérant rendre
à leurs ennemis tout le mal qu’ils leur avaient fait.
Le père Almedo dit la messe pendant la halte, et
la petite troupe, se remettant en marche, commença
à descendre la sierra.
Cortès s’avançait lentement à travers ces champs
embaumés, au milieu d’un concours immense de
peuple qui le regardait avec une curiosité avide, et
dont les manifestations de joie n’étaient retenues
que par la sombre et menaçante présence des Tlasca
lans ; l’aspect des cavaliers, des canons, remplissait
d’étonnement ces populations ; ils les couvraient de
fleurs, hommages embaumés rendus à des puissan
ces mystérieuses. Marina, souriante, parlait aux
principaux caciques qui se présentaient, elle s’effor
cait d’exalter le pouvoir redoutable des êtres dont
elle suivait la fortune, faisait admirer leur sévère
discipline, qui s’imposait même aux Tlascalans.
Comme son maître, elle parlait du reste avec un
profond respect de l’empereur. Tous les jours elle
avait aussi à répondre aux ambassades que, coup
sur coup, envoyait Montezuma, offrant des présents
et même un tribut annuel si les étrangers consen
taient à suspendre leur marche. Et les Espagnols
avançaient toujours à travers ces campagnes cou
vertes de villes, de villages, de maisons de luxe
entretenues avec un soin que la rude Espagne de la
jeunesse de Charles-Quint ne connaissait guère.
A Mexico, on ne savait quelle résolution prendre.
Cuitlahua, le frère de l’empereur, voulait que l’on
poussât le cri de guerre, tandis que Cacama, son
neveu, roi de Tezcuco, conseillait la paix. Monte
zuma, indécis, quoique personnellement très-brave,
flottait éperdu, interrogeant ses prêtres, ses dieux,
et faisant couler à flots le sang humain sur les
pierres du sacrifice. Et les Espagnols avançaient
toujours ; ils étaient parvenus sur le bord des lacs,
à Ajotzinco, où, pour la première fois, les conqué
rants voyaient une ville bâtie sur pilotis et les
constructions navales des Aztèques. Là, Cortès, toute
idée de résistance ayant disparu, reçut comme am
bassadeur le jeune roi de Tezcuco ; il descendit
d’un palanquin admirablement ouvragé couvert de
lames d’or, de pierreries et surmonté de gerbes de
plumes vertes, couleur favorite de la maison impé
riale. Le prince, suivi d’une longue et brillante
escorte, souhaita la bienvenue à Cortès, lui offrit
trois perles d’une grosseur prodigieuse, et se retira
laissant les Espagnols stupéfaits de cet appareil et
de cette pompe.
Enfin, quittant la terre ferme, ils s’engagèrent sur
la chaussée, solide construction de pierre, d’une
longueur de plus d’une lieue. Les lacs étaient cou
verts de barques et ils virent alors ces îles flottan
tes, corbeilles de fleurs et de fruits qui se prome
naient sur les eaux, toutes les rives étaient couvertes
de maisons de campagne défendues des ardeurs du
soleil par des ombrages fleuris. Sur la digue ils ren
contrèrent une ville, Cuitlahuac, où ils admirèrent
les plus beaux édifices qu’ils eussent vus jusqu’alors.
A Iztapalapan, autre ville, ils furent accueillis par
le frère de l’empereur et ils entrèrent dans son pa
lais dont les plafonds étaient faits en cèdre odorant;
ils visitèrent des jardins où la main des fées sem
blait avoir apporté des fleurs de tous les pays, ras
semblé dans d’élégantes volières des oiseaux de tous
les climats, et dans des bassins, des poissons de
toutes les espèces; un rêve de poésie orientale! et
en face s’élevait l’immense ligne des édifices de
Mexico. Cortès passa la nuit à Iztapalapan; le len
demain la petite armée forte tout au plus de sept
mille hommes, parmi lesquels on ne comptait pas
plus de quatre cents Espagnols, se mit en marche.
Tout à coup elle s’arrêta, elle avait devant elle un
fort solide construit en énormes blocs de pierre qui
barrait complètement la digue. C’est là qu’il eût été
facile à Mon ezuma d’écraser ses ennemis! Les
Espagnols franchirent rapidement cet ouvrage qui
n’était point gardé, et passèrent un pont-levis. Si les
Mexicains le relevaient derrière eux et les atta
quaient de front, ce petit coin de terre resserré entre
les eaux profondes des lacs, serait probablement le
théâtre de leur fin. Cette pensée vint à tous, mais pas
un visage ne trahit la moindre émotion, tant ces
hommes avaient foi en leur chef et en leur courage.
Enfin, ils aperçurent sur la chaussée, débouchant de
la principale rue de Mexico un immense cortège,
des éclairs jetés par l’or et comme une rivière de
plumes ondulant dans les airs au milieu d’un nuage
d’encens. Au centre de cet éblouissant décor, le pa
lanquin impérial ruisselant littéralement de pierre
ries. Arrivé à une certaine distance il s’arrêta et
Montezuma en descendit appuyé sur son frère et son
neveu. Les Espagnols firent halte et le monarque
obéissant à sa fatale destinée s’avança vers Cortès
qui descendit de cheval et l’attendit orgueilleuse
ment de pied ferme.
Devant les pas de Montezuma ses serviteurs éten
daient des tapis de coton qu’il foulait avec des san
dales à semelles d’or. Il portait la ceinture et l’am
ple manteau (tilmatli) de sa nation. Ce manteau du
coton le plus fin était semé de perles et d’éme
raudes, ses extrémités brodées rassemblées en
nœud autour du cou, et il avait sur la tête non sa
tiare d’empereur, mais une touffe de plumes, insi
gne du chef militaire. Il paraissait avoir près de
quarante ans, sa taille était élevée et noble; sa che
velure assez longue, noire et plate, son teint pâle
clair, un peu cuivré, son visage mélancolique et
doux faisait douter du caractère cruel qu’on lui don
nait. Montezuma accueillit Cortès avec des paroles
d’une courtoisie toute royale, Cortès le remercia des
dons dont il l’avait comblé, et passa à son cou un
collier de verre (1), et comme il voulait embrasser
l’empereur, les officiers le retinrent et la belle Ma
rina dit à son maître que toucher à Sa Majesté était
commettre une profanation. Montezuma chargea son
frère de conduire les Espagnols, et remontant dans
son palanquin s’éloigna au milieu de ses sujets
prosternés.
Bien des années après, Bernai Diaz a raconté
l’émotion profonde que lui et ses compagnons éprou-
1. Les Mexicains ne connaissaient pas le verre.
LECTURES DU SOIR
Après être resté quelques instants immobile de
vant ce magnifique spectacle, Cortès, se tournant
vers ses compagnons émus, leur répéta la parole de
Moïse sur le mont Phasgah : « Voici la terre pro
mise ! » Les plus timides de ces hommes de fer
purent se demander comment ils triompheraient
d’une telle civilisation, mais le temps des hésitations
était depuis longtemps passé! Quant aux guerriers
Tlascalans, ils rugissaient de joie, espérant rendre
à leurs ennemis tout le mal qu’ils leur avaient fait.
Le père Almedo dit la messe pendant la halte, et
la petite troupe, se remettant en marche, commença
à descendre la sierra.
Cortès s’avançait lentement à travers ces champs
embaumés, au milieu d’un concours immense de
peuple qui le regardait avec une curiosité avide, et
dont les manifestations de joie n’étaient retenues
que par la sombre et menaçante présence des Tlasca
lans ; l’aspect des cavaliers, des canons, remplissait
d’étonnement ces populations ; ils les couvraient de
fleurs, hommages embaumés rendus à des puissan
ces mystérieuses. Marina, souriante, parlait aux
principaux caciques qui se présentaient, elle s’effor
cait d’exalter le pouvoir redoutable des êtres dont
elle suivait la fortune, faisait admirer leur sévère
discipline, qui s’imposait même aux Tlascalans.
Comme son maître, elle parlait du reste avec un
profond respect de l’empereur. Tous les jours elle
avait aussi à répondre aux ambassades que, coup
sur coup, envoyait Montezuma, offrant des présents
et même un tribut annuel si les étrangers consen
taient à suspendre leur marche. Et les Espagnols
avançaient toujours à travers ces campagnes cou
vertes de villes, de villages, de maisons de luxe
entretenues avec un soin que la rude Espagne de la
jeunesse de Charles-Quint ne connaissait guère.
A Mexico, on ne savait quelle résolution prendre.
Cuitlahua, le frère de l’empereur, voulait que l’on
poussât le cri de guerre, tandis que Cacama, son
neveu, roi de Tezcuco, conseillait la paix. Monte
zuma, indécis, quoique personnellement très-brave,
flottait éperdu, interrogeant ses prêtres, ses dieux,
et faisant couler à flots le sang humain sur les
pierres du sacrifice. Et les Espagnols avançaient
toujours ; ils étaient parvenus sur le bord des lacs,
à Ajotzinco, où, pour la première fois, les conqué
rants voyaient une ville bâtie sur pilotis et les
constructions navales des Aztèques. Là, Cortès, toute
idée de résistance ayant disparu, reçut comme am
bassadeur le jeune roi de Tezcuco ; il descendit
d’un palanquin admirablement ouvragé couvert de
lames d’or, de pierreries et surmonté de gerbes de
plumes vertes, couleur favorite de la maison impé
riale. Le prince, suivi d’une longue et brillante
escorte, souhaita la bienvenue à Cortès, lui offrit
trois perles d’une grosseur prodigieuse, et se retira
laissant les Espagnols stupéfaits de cet appareil et
de cette pompe.
Enfin, quittant la terre ferme, ils s’engagèrent sur
la chaussée, solide construction de pierre, d’une
longueur de plus d’une lieue. Les lacs étaient cou
verts de barques et ils virent alors ces îles flottan
tes, corbeilles de fleurs et de fruits qui se prome
naient sur les eaux, toutes les rives étaient couvertes
de maisons de campagne défendues des ardeurs du
soleil par des ombrages fleuris. Sur la digue ils ren
contrèrent une ville, Cuitlahuac, où ils admirèrent
les plus beaux édifices qu’ils eussent vus jusqu’alors.
A Iztapalapan, autre ville, ils furent accueillis par
le frère de l’empereur et ils entrèrent dans son pa
lais dont les plafonds étaient faits en cèdre odorant;
ils visitèrent des jardins où la main des fées sem
blait avoir apporté des fleurs de tous les pays, ras
semblé dans d’élégantes volières des oiseaux de tous
les climats, et dans des bassins, des poissons de
toutes les espèces; un rêve de poésie orientale! et
en face s’élevait l’immense ligne des édifices de
Mexico. Cortès passa la nuit à Iztapalapan; le len
demain la petite armée forte tout au plus de sept
mille hommes, parmi lesquels on ne comptait pas
plus de quatre cents Espagnols, se mit en marche.
Tout à coup elle s’arrêta, elle avait devant elle un
fort solide construit en énormes blocs de pierre qui
barrait complètement la digue. C’est là qu’il eût été
facile à Mon ezuma d’écraser ses ennemis! Les
Espagnols franchirent rapidement cet ouvrage qui
n’était point gardé, et passèrent un pont-levis. Si les
Mexicains le relevaient derrière eux et les atta
quaient de front, ce petit coin de terre resserré entre
les eaux profondes des lacs, serait probablement le
théâtre de leur fin. Cette pensée vint à tous, mais pas
un visage ne trahit la moindre émotion, tant ces
hommes avaient foi en leur chef et en leur courage.
Enfin, ils aperçurent sur la chaussée, débouchant de
la principale rue de Mexico un immense cortège,
des éclairs jetés par l’or et comme une rivière de
plumes ondulant dans les airs au milieu d’un nuage
d’encens. Au centre de cet éblouissant décor, le pa
lanquin impérial ruisselant littéralement de pierre
ries. Arrivé à une certaine distance il s’arrêta et
Montezuma en descendit appuyé sur son frère et son
neveu. Les Espagnols firent halte et le monarque
obéissant à sa fatale destinée s’avança vers Cortès
qui descendit de cheval et l’attendit orgueilleuse
ment de pied ferme.
Devant les pas de Montezuma ses serviteurs éten
daient des tapis de coton qu’il foulait avec des san
dales à semelles d’or. Il portait la ceinture et l’am
ple manteau (tilmatli) de sa nation. Ce manteau du
coton le plus fin était semé de perles et d’éme
raudes, ses extrémités brodées rassemblées en
nœud autour du cou, et il avait sur la tête non sa
tiare d’empereur, mais une touffe de plumes, insi
gne du chef militaire. Il paraissait avoir près de
quarante ans, sa taille était élevée et noble; sa che
velure assez longue, noire et plate, son teint pâle
clair, un peu cuivré, son visage mélancolique et
doux faisait douter du caractère cruel qu’on lui don
nait. Montezuma accueillit Cortès avec des paroles
d’une courtoisie toute royale, Cortès le remercia des
dons dont il l’avait comblé, et passa à son cou un
collier de verre (1), et comme il voulait embrasser
l’empereur, les officiers le retinrent et la belle Ma
rina dit à son maître que toucher à Sa Majesté était
commettre une profanation. Montezuma chargea son
frère de conduire les Espagnols, et remontant dans
son palanquin s’éloigna au milieu de ses sujets
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Bien des années après, Bernai Diaz a raconté
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