Les débuts de l’imprimerie à Amiens

En 2029 ouvrira à Amiens le nouveau site de conservation de la BnF. Il accueillera le Conservatoire national de la presse et des ateliers de numérisation. Découvrez dans cet article les lieux et les noms qui ont fait l’histoire des premiers imprimés de la ville picarde, à travers des documents méconnus disponibles sur Gallica.

A la fin du XVe siècle, Abbeville, dans le comté du Ponthieu, est la première ville de la province de Picardie à posséder une imprimerie. Dirigée par les typographes associés Jean Dupré et Pierre Gérard, elle reproduit entre autres La Cité de Dieu de Saint Augustin, apologie du christianisme, et Le Triomphe des Neuf Preux, incarnation de l’idéal chevaleresque.

Représentation de Charlemagne défenseur de la chrétienté, Le Triomphe des Neuf Preux, 1487

A Amiens, la naissance de cette activité est datée de 1507 avec la parution des Coustumes généralles du bailliage d’Amiens imprimées par Nicolas le Caron demeurant rue des Lombards. Ces actes publics, constitués par la répétition de pratiques admises par les membres d’une communauté, ont force de loi.

Marque de l’imprimeur Nicolas le Caron, Coustumes généralles du bailliage d’Amiens, 1507

Après l’apaisement des guerres et troubles en Picardie, Jacques Hubault serait en 1609 le premier imprimeur-libraire à s’établir durablement à Amiens, rue du Beau-Puits. Son fils Robert lui succède en 1635. D’autres noms se distinguent pour leurs travaux de qualité. On peut retenir ceux de Jean Musnier imprimeur d’ouvrages littéraires et de pièces de théâtre, et de Guislain Lebel, imprimeur d’une Histoire de Notre-Dame de la Mercy et d’un Almanach spirituel.

Portrait de la ville d’Amiens assiégée par le Roy de France et Navarre, estampe, 1597

Pourtant, du XVIe à la fin du XVIIIe siècle, Amiens ne compte jamais plus de trois imprimeries, selon le bibliographe local Ferdinand Pouy. Au cours de cette période, l’évêque (autorité ecclésiastique), l’intendant (autorité royale), le maire ou les échevins (autorité municipale) délivrent les autorisations et exercent les droits de répression.

Déclaration du roi Louis XV sur l’exercice de l’imprimerie, ordonnant la pose d’une enseigne publique et d’un simple loquet, et défendant l’usage d’une « porte de derrière » et de rouleaux sur les presses

Ainsi, en janvier 1755, Le Spectateur picard, premier journal publié à Amiens et attribué à l’abbé Choquet du diocèse d’Amiens, disparaît brusquement. Dans son premier numéro de 29 pages, il révèle son programme : des observations, des débats, des comptes rendus d’ouvrages. Il annonce en outre le discours de Jean-Baptiste Gresset, natif d’Amiens, à l’Académie française.

Gravure polychrome par Maximilien Rapine d’après une composition de Victor-Armand Poirson illustrant une réédition du poème Vairvert ou les Voyages du perroquet de la Visitation de Nevers de Jean-Baptiste Gresset, 1887

Le 18 mars 1755, une sentence déclare sa suppression parce qu’imprimé sans permission et contenant des « expositions vicieuses de plusieurs faux principes de religion et de mœurs ». Il faut attendre le 6 janvier 1770 pour voir un nouveau journal éclore, avec la permission du Roi et du lieutenant-général de police d’Amiens. Il s’intitule Annonces, affiches et avis divers de Picardie, Artois, Soissonnais et Pays-Bas François.

Gravure de Pieter Franciscus Martinesie d’après un dessin de Charles Eisen, Affiches, annonces et avis divers (Paris), c. 1770

Son fondateur, Louis Godart fils, libraire, est établi rue des Rabuissons, où sa mère dirige l’imprimerie. Le journal paraît sur quatre pages tous les samedis et contient parfois un supplément de deux pages. Il est vendu sous la forme d’un abonnement au prix de 7 livres et 10 sols payables d’avance.
 

Sol dit « à la vieille tête », Louis XV, monnaie, 1770

Comme partout en France, les avis sur la vie publique, les nouvelles de la province, les annonces de ventes et d’emplois, le cours des changes couvrent largement les colonnes. D’autres articles portent sur l’agriculture, l’histoire naturelle, la médecine, les arts et métiers, le commerce ou la jurisprudence. On peut y lire enfin les bonnes feuilles d’un Eloge de Racine, des traités sur l’éducation des enfants, ou les récits d’un Voyage pittoresque dans la ville d’Amiens, tous proposés par ailleurs à la vente.

Exemple d’un logogriphe, jeu de mots en vogue dans les affiches du XVIIIe siècle. Tiré des Annonces, affiches, nouvelles et avis divers de l'Orléanois, numéro du 5 janvier 1770

En 1777, Jean-Baptiste Caron fils reprend le journal, dont les presses sont transférées place de Périgord. Il se maintiendra sous la Révolution et l’Empire, devenant Affiches du département de la Somme puis Journal du département de la Somme, et résistant à la concurrence dans une période faste pour la presse régionale.

Pour aller plus loin :

Les pages Gallica consacrées aux origines de l’imprimerie.
La sélection de titres de presse locale et régionale disponibles sur Gallica.