La science spectacle

Expérience de l’abbé Nollet sur l’électricité

Au XVIIIe siècle, la vogue pour les sciences et les inventions prend pleinement son essor. En adoptant des formes spectaculaires, elle parvient à toucher un public populaire, et contribue ainsi à diffuser les Lumières dans la société. Les publications de savants comme Fontenelle, Entretien sur la pluralité des mondes (1686), ou Euler, Lettres à une princesse d'Allemagne (1768-1772), illustrent ce penchant pour la vulgarisation scientifique. Cette passion partagée par tous pour les sciences et ses réalisations explique la diffusion facile et rapide d’inventions en tous genres, et parfois leur immense succès, à l’instar du mesmérisme. Ces travaux ont notamment un fort écho dans la presse, où les sciences occupent peu à peu une place privilégiée à travers les questions d’électricité, de magnétisme, d’aérostation, ou de chimie pneumatique. La multiplication d’autres lieux d’échange et de débats (clubs, musées, cafés, sociétés) tend également à amoindrir le monopole de l’Académie des sciences. En échappant au contrôle officiel, la science devient ainsi l’affaire de tous, y compris des illuminés et des charlatans.

Les expériences électriques

Si la chimie et la chirurgie intéressent le grand public, la physique est la discipline la plus à même d’attirer les amateurs d’expériences spectaculaires, de mécanique, d’optique, ou d’électricité.
A la fin du règne de Louis XV, l’électricité est à la mode et s’est répandue dans toutes les cours européennes. L’abbé Nollet (1700–1770), qui tient chez lui une école de physique expérimentale très fréquentée, contribue à diffuser une physique de démonstrations jusqu’à Versailles. À l’aide de ses instruments, il déploie à la cour de véritables spectacles : œil artificiel, camera obscura, ou lanterne magique. Ce sont surtout ses expériences de production d’électricité qui fascinent, notamment sa démonstration de la propagation de l’électricité (connue à l’époque sous le nom de « commotion électrique ») par des chaînes humaines qui s’étendent jusqu’à cent quarante personnes.
Les expériences de Benjamin Franklin sur le paratonnerre ont également un succès immense, de même que les travaux d’Alessandro Volta qui, suite à sa controverse avec Luigi Galvani sur l’électricité animale, aboutit à la découverte de la pile électrique, présentée en 1801 devant l’Académie des Sciences en présence de Napoléon Bonaparte.

Les automates

Jacques de Vaucanson (1709–1782) reste célèbre pour ses automates sophistiqués, parmi lesquels un joueur de flûte et un « canard digérateur ». Pour ce dernier, Vaucanson veut représenter l’animal dans toutes ses actions, buvant, mangeant, se mouvant, cancanant, et surtout digérant. Son fonctionnement reste mystérieux et il semble cependant que le mécanisme de digestion n’est pas aussi parfait qu’on a tenté de le faire croire.
L’objectif de Vaucanson, plus que de divertir, est d’instruire et de faire progresser la médecine. Sa conception des corps fonctionnant comme des machines rejoint les thèses de l’homme-machine qui sont partagées, depuis le XVIIe siècle, par Descartes ou Gassendi, et dont La Mettrie a donné une nouvelle version au XVIIIe siècle.

Les premiers vols en ballon

Les débuts de l’aérostation et ses progrès doivent beaucoup à des scientifiques comme Faujas de Saint-Fond (1741-1819) qui marquent leur soutien en lançant des souscriptions pour la construction de ballons. Les organes de presse, tel le Journal de Paris, ont également un rôle décisif dans le lancement de ces expériences. Dans la course au premier vol officiel, les frères Montgolfier arrivent vainqueurs : leur ballon s’élève en août 1783 depuis le Champ de Mars et atterrit à Gonesse en provoquant la terreur des paysans qui en sont témoins. Moins d’un mois plus tard, l’expérience est réitérée avec un mouton, un canard et un coq comme passagers. Enfin, le 21 novembre 1783, Pilâtre de Rozier (1754–1785) et le marquis d’Arlandes effectuent le premier vol habité à Paris dans une montgolfière.

Le mesmérisme et les charlatans

Le succès de la science-spectacle à tous les niveaux de la société donne parfois lieu à des pratiques qui s’apparentent davantage à de l’illusionnisme qu’à de véritables expériences scientifiques. A l’image de l'électricité médicale qui est parfois pratiquée par des hommes qui ne sont ni médecins ni physiciens, certaines inventions sont reprises par ce qu’on a appelé communément des « charlatans ».
De même que Cagliostro – de son vrai nom Joseph Balsamo – qui prétendait posséder une eau de jouvence, Franz Anton Mesmer fait partie de ces aventuriers itinérants dénoncés comme charlatans. Le succès mondain du mesmérisme s’appuie sur cette crédulité face aux spectacles scientifiques : Mesmer théorise l’existence d’un fluide magnétique qui provoque une sorte de flux et reflux dans tous les organismes vivants. Le traitement magnétique vise à rétablir le mouvement naturel de ce fluide, empêché ou gêné par les maladies. Le fameux « baquet » utilisé à cette fin est rempli d’eau, de fer, de sable, de verre pilé et de soufre. L’Académie des sciences, dans sa croisade contre le charlatanisme, condamne le mesmérisme mais parvient difficilement à mettre fin aux expériences.


EN SAVOIR PLUS
> Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes, 1686
> Expériences électrostatiques (1735)
> La pile électrique (1799) 
> Le paratonnerre (1752) 
> Les automates (1738) 
> La montgolfière (1783)
> Magnétisme de Mesmer (1779)