Document unique en son genre, le Journal de l’Opéra fournit les titres des spectacles de l’Opéra de Paris, depuis les premières représentations lyriques de l’institution – Pomone de Cambert en mars 1671 – jusqu’à celles de Don Quichotte de Noureev, en décembre 1981, soit au total 311 années disponibles.
C’est Charles Nuitter, alors archiviste de l’Opéra de 1866 à 1899, qui eut l’idée de constituer ce Journal pour garder une trace de la programmation lyrique et chorégraphique du théâtre. Pour l’alimenter, il eut recours à des sources imprimées et archivistiques diverses. Malgré tous ses efforts, des lacunes demeurent : les trente premières années d’activité du théâtre sont très mal documentées, seules les dates de création et de reprises, connues par les livrets d’opéra et de ballets, ont pu être reportées. Pour étoffer l’information, Nuitter n’hésita pas à glaner des anecdotes dans les gazettes de l’époque : on apprend ainsi que le 30 juillet 1683, l’ouverture de Phaéton fut interrompue par l’annonce de la mort de la reine Marie-Thérèse. Pour les XIXe et XXe siècles en revanche, les données sont plus complètes car elles ont pu être collectées au jour le jour. En effet, tous les successeurs de Nuitter prirent soin de continuer son travail, d’en compléter rétrospectivement les données, jusqu’à Martine Kahane, directrice de la bibliothèque-musée de l’Opéra, qui alimenta le registre de façon quotidienne jusqu’en 1981.
Selon les époques et selon les rédacteurs, les informations reportées dans le Journal ne sont pas homogènes. Outre le nom du spectacle, apparaissent le plus souvent les quantièmes des représentations, ainsi que les recettes – au centime près – engrangées par l’institution. Une importante page de notes offre la possibilité de mentionner divers événements tels que les remplacements inopinés et changements de distribution (ex. en juillet 1972). Au XXe siècle, sont rapportés tous les discours précédant le lever de rideau, qu’il s’agisse des problèmes de machinerie, des grèves perturbant les représentations ou encore des hommages rendus à une personnalité disparue. Les grands bouleversements administratifs ne sont pas oubliés (ex. novembre et décembre 1860), ainsi que les événements politiques : la représentation des Huguenots du 3 août 1914 n’eut pas lieu en raison de la mobilisation générale déclarée la veille.
À la tête de l’Opéra en 1973, Rolf Lieberman imagina de nouveaux supports d’information : les programmes de saison, incluant un calendrier récapitulatif des spectacles, et les encarts, comportant la distribution. Dès lors, la rédaction du Journal de l’Opéra parut redondante. Elle cessa en 1981, à mesure que se développaient l’informatique documentaire et les bases données, dont la plus récente, MémOpéra, peut être considérée comme le dernier avatar du Journal de l’Opéra.