La religion
Chapitre II : Morale et religion des Mégapatagons. Art et littérature.
— Vous ne m’avez encore rien dit de votre religion, Seigneur ?
— Pardonnez-moi : par l’idée que je vous ai donnée du Premier-principe je vous ai fait entendre quelle devait être notre Religion.
— Mais en quoi consiste votre culte ?
— En un seul point. A faire usage de nos organes d’une manière conforme aux vues de la Nature ; à ne rien outrer, à ne rien négliger.
— Vous n’avez donc pas de Temples ?
— Si (montrant la Terre) ; le voilà. Quatre fois l’année, aux solstices et aux équinoxes, quatre fêtes générales rassemblent la Nation, et le plus Ancien des Vieillards présente notre hommage, d’abord à la Terre-mère, ensuite au Soleil-père. Après quoi, une même formule les réunissant tous deux les supplie de porter ce pieux hommage au Souverain-Etre. Voici les trois formules :
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" O Terre ! mère-commune, fille puissante de l’auguste Soleil, nous, tes Enfants, sommes rassemblés pour te rendre notre filial hommage : O Terre sainte et sacrée, notre mère commune, nourris-nous ! "
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" Soleil auguste ! père de l’intelligence, de la lumière et de la chaleur, du mouvement et de la vie, Fils de Dieu, Père et Mari de la Terre notre Mère, nous les Enfants de ton auguste et vénérable Fille-Epouse, la Terre, nous sommes rassemblés pour te rendre notre filial et respectueux hommage : O Soleil saint et sacré, vivifie-nous ! "
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" Terre féconde ! Soleil producteur, Enfants du grand Dieu, qui vous a donné l’être, l’intelligence et la puissance générative, pour communiquer la surabondance de votre vie et aux Hommes, et aux Animaux, et aux Plantes, augustes et puissantes Déités, portez, avec le vôtre, notre hommage à votre divin Père, afin qu’il nous bénisse en vous et par vous. Honneur à la Terre-mère ! Honneur au Soleil-père ! Adoration profonde au grand Etre, Père de tout, pouvant tout, contenant tout ! "
" La Nation répète ces dernières paroles, "Honneur à la Terre-mère, etc." Quel attendrissement n’ont pas excité, à la dernière fête, ces paroles saintes, prononcées par notre Vieillard de 220 ans, soutenu par Un-autre de 219, et par un Troisième de 210 !… Il y a ensuite des festins, des jeux, des danses et des plaisirs de toute espèce ; car nous avons pour maxime que le plaisir est la manière la plus efficace d’honorer la Divinité, le Soleil notre Père, et la Terre notre Mère commune.
" Ceci devrait me conduire à parler de notre manière de vivre journalière, dans laquelle les divertissements entrent comme partie essentielle ; mais certains devoirs m’appellent, dont je ne puis me dispenser : d’ailleurs c’est à mon Fils à me remplacer, pour vous expliquer nos usages…
Rétif de la Bretonne, La Découverte australe par un homme volant, 1781.
> Texte intégral : 1781