Lettre sur les aveuglesDiderot, 1749
La Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient remet en cause les « évidences » de ceux qui voient et la preuve de l’existence de Dieu par la beauté de la Création. L’aveugle devient l’image d’un penseur réduit au tâtonnement de l’expérience et aux hypothèses.
Partant de l'observation et de l'expérimentation, Diderot s'élance dans des spéculations philosophiques audacieuses. Il s’interroge sur la psychologie des aveugles et sur leur perception du monde. Examinant le cas du mathématicien Saunderson, aveugle-né, il rapporte le dialogue (fictif) de Saunderson sur son lit de mort avec le pasteur Holmes : « Si vous voulez que je croie en Dieu, il faut que vous me le fassiez toucher. » Diderot formule des intuitions : émergence d'un sixième sens, sensibilité et énergie de la matière, idées transformistes et notion d'évolution où le hasard joue un rôle, calcul des probabilités, etc. Tout cela mène d'un scepticisme proche de l'athéisme à un matérialisme qui se révèle au fil de la lecture. Les audaces de ce texte envoient Diderot quelques mois en prison. Libéré grâce à l’intervention des libraires, il s’engage à ne plus publier d’œuvres subversives qui, désormais, resteront dans ses cartons.