La poésie parnassiennepar Vincent Vives
Un mouvement hétérogène
L’histoire littéraire a conservé le souvenir d’un rassemblement de poètes qui, pendant le Second Empire et durant les premières années de la IIIe République, ont collaboré à des publications communes principalement centrées sur les trois volumes collectifs du Parnasse contemporain (1866, 1871 et 1876). Mais ce rassemblement ponctuel fut sans réelle direction, et se caractérise même par le refus de prise de position esthétique commune précise. Pour certains, tels Verlaine ou Catulle Mendès, les parnassiens prolongeraient ou renouvèleraient le romantisme, pour d’autres, comme Xavier de Ricard, il s’oppose à lui. On a dit de la poésie parnassienne qu’elle était fondée sur le souci de la forme, guidée par des mots d’ordre (celui, fameux, d’art pour l’art, ou encore celui d’impassibilité), orientée enfin par des figures tutélaires telles que Baudelaire, Gautier, Leconte de Lisle ou encore Théodore de Banville. La réalité est fort difficile à cerner : si l’on délaisse bon nombre de poètes sollicités pour de simples raisons éditoriales dans les diverses livraisons du Parnasse contemporain, l’hétérogénéité des positions est fort prononcée, les ralliements déclarés, imprécis, ne sont pas suivis dans les faits, les poètes majeurs (Verlaine, Mallarmé) ayant un temps accepté la bannière parnassienne suivent des voies divergentes, les figures de proue (Leconte de Lisle, Banville et Gautier) auxquelles on prête les rares mots d’ordre produisent des œuvres dont la poétique est souvent assez éloignée de la mythologie parnassienne.
Des artisans du style en réaction à la modernité
La poésie du Parnasse contemporain ne se résume cependant pas à une démarche publicitaire centrée autour d’une revue, assez éphémère. Des réunions amicales ont lieu, ainsi que des lectures en commun, tout particulièrement chez Leconte de Lisle. Une communauté s’organise au sein d’un regroupement de poètes cherchant à combattre le « débraillé » de l’époque. Verlaine, faisant un portrait du mouvement, insiste sur le fait qu’il « est impossible de nier que les jeunes poètes du premier Parnasse aient seuls créé, autant par leur fraternelle association d’un jour de rude vaillance que grâce à leurs travaux subséquents, la salutaire agitation d’où est résulté l’heureux, le bienfaisant changement… ». Posture aristocratique, amour du vers… Ainsi résume-t-on, chez les poètes, ce qu’est le Parnasse contemporain. De fait, chacun, en des poétiques diverses, loue l’artisanat du style en réaction à la modernité définie depuis le commerce et les lois de reproductibilité qui, sous couvert de démocratisation, donnent des gages à l’industrie de la presse et abandonnent les enjeux esthétiques. L’attention au vers, quelle que soit d’ailleurs cette attention, et quelle que soit la réalité intellectuelle qu’elle recouvre (l’épopée de Leconte de Lisle n’a presque rien à voir avec les camées de Gautier, pas plus qu’avec les visées naissantes de Verlaine et Mallarmé, qui elles-mêmes sont aux antipodes de la poésie bourgeoise d’un Coppée), vient signifier l’aporie, les contradictions, les ambivalences de toute une génération littéraire qui, sous le Second empire, hésite entre résistance intellectuelle, repli esthétique et acceptation bourgeoise de l’ordre établi.
En savoir plus :
> Le Parnasse contemporain : recueil de vers nouveaux, première série, 1866
> Le Parnasse contemporain: recueil de vers nouveaux, deuxième série, 1869-71
> Le Parnasse contemporain : recueil de vers nouveaux, troisième série, 1876