Le défi de Rastignac
Quatrième partie : La mort du père
Au Père-Lachaise, où le père Goriot a été enterré, Eugène défie Paris et la Société. C’est la dernière page du roman.
Le jour tombait, il n'y avait plus qu'un crépuscule qui agaçait les nerfs ; il regarda la tombe et y ensevelit sa dernière larme de jeune homme, cette larme arrachée par les saintes émotions d'un cœur pur, une de ces larmes qui, de la terre où elles tombent, rejaillissent jusque dans les cieux. Il se croisa les bras et contempla les nuages. Christophe le quitta. Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine, où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s'attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses : — À nous deux maintenant !
Il revint à pied rue d'Artois, et alla dîner chez madame de Nucingen.
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835.
> Texte intégral dans Gallica : Furne, Paris, 1842-1848