« De la langue allemande dans ses rapports avec l’esprit de conversation »Madame de Staël, De l’Allemagne, 1814
En étudiant l’esprit et le caractère d’une langue, on apprend l’histoire philosophique des opinions, des mœurs et des habitudes nationales, et les modifications que subit le langage doivent jeter de grandes lumières sur la marche de la pensée […] L’allemand se prête beaucoup moins à la précision et à la rapidité de la conversation. Par la nature même de sa construction grammaticale, le sens n’est ordinairement compris qu’à la fin de la phrase. Ainsi le plaisir d’interrompre, qui rend la discussion si animée en France, et force à dire si vite ce qu’il importe de faire entendre, ce plaisir ne peut exister en Allemagne, car les commencements de phrases ne signifient rien sans la fin, il faut laisser à chacun tout l’espace qu’il lui convient de prendre ; cela vaut mieux pour le fond des choses, c’est aussi plus civil, mais moins piquant […].