Le jardin de la maison pompéienne Hippolyte Taine
Presque partout, au centre de la maison, est un jardin grand comme un salon, au milieu un bassin de marbre blanc avec une fontaine jaillissante, à l’entour un portique de colonnes. Quoi de plus charmant et de plus simple, de mieux choisi pour passer les heures chaudes du jour ? Les feuilles vertes entre les colonnes blanches, les tuiles rouges sur le bleu du ciel, cette eau murmurante qui chatoie vaguement parmi les fleurs, cette gerbe de perles liquides, ces ombres des portiques tranchées par la puissante lumière, y a-t-il un meilleur endroit pour laisser vivre son corps, pour rêver sainement et jouir, sans apprêt ni raffinement, de ce qu’il y a de plus beau dans la nature et dans la vie ? Quelques-unes de ces fontaines portent des têtes de lions, des petites statues gaies, des enfants, des lézards, des lévriers, des faunes qui courent sur la margelle. Dans la plus vaste de ces maisons, celle de Diomède, des orangers, des citronniers, semblables probablement à ceux d’autrefois, font briller leurs pousses vertes ; un vivier luit, une petite colonnade enferme une salle à manger d’été ; tout cela s’ordonne dans l’enceinte carrée d’un grand portique. Plus on essaye de réformer ces mœurs dans son imagination, plus elles semblent belles, conformes au climat, conformes à la nature humaine.
Hippolyte Taine (1828-1893), Voyage en Italie, 1864
> texte intégral dans Gallica : Paris, Hachette, 1874