J'ai du bon tabac...
Introduit en France en 1556, le tabac fait débat depuis des siècles. En 1675, le Cours de Chymie de Nicolas Lemery montre que les risques étaient déjà connus et son caractère addictif ne l’était pas moins. Les usages du tabac étaient très divers : d’abord chiqué, il fut ensuite consommé plus volontiers sous la forme prisée (« J’en ai du fin et du râpé, Ce n’est pas pour ton fichu nez », dit la chanson), avant que la pipe et la cigarette supplantent les autres formes de consommation. En 1806, un auteur fait ainsi dialoguer des anti et pro-tabac, sans dissimuler l’addiction qu’il génère : « Pour moi, dit celui-ci, c’est me prêcher en vain ; Je me passerais moins de tabac que de pain. »
Pourtant, dans le quotidien de la société française, il est loin d’être diabolisé.
Au XIXe siècle, des artistes renommés tels Jules Chéret, Georges Meunier, Alphonse Mucha illustrent de manière élégante et parfois comique des publicités pour papiers à cigarette. Au XXe siècle, on organisait des Congrès de fumeurs au cours desquels on disputait des concours de vitesse (cigares), de lenteur (pipe), et d’élégance (cigarette).
Cependant, la question médicale ne cesse de faire débat, et au XIXe siècle on s’interroge sérieusement : le tabac, contenant « le plus violent des poisons, la nicotine », abrège-t-il l’existence ? La nicotine était certes vue comme un agent toxique, mais elle entrait également dans la composition de certains traitements, parfois étonnants : dans les maladies de la bouche, du pharynx, et du larynx, par exemple, ou en pommade pour guérir la gale (même si l’on notait le risque d’intoxication).
L’Association contre l’abus du tabac (ancêtre du Comité national contre le tabagisme) existe depuis 1868, et déjà en 1870, elle expliquait que l’usage du tabac était si fréquent qu’elle ne pouvait avoir pour but de l’empêcher, et que son souhait était simplement d’informer des effets nocifs, à court et long terme, de sa consommation.
Marie Boissière
Département Sciences et techniques
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