Les inondations de 1856, un exemple de solidarité horticole
Le secteur horticole est aujourd'hui durement éprouvé par les mesures de confinement qui empêchent l'écoulement de la production. Malheureusement pour les professionnels de l'horticulture, c'est loin d'être la première crise de leur histoire. Les dévastatrices inondations de 1856 vont susciter une forte mobilisation et diverses actions de solidarité envers les sinistrés.
Au mois de mai 1856, la France est traversée par une succession d'intempéries. Dans la Sarthe, tous les jours sont couverts ou pluvieux, avec des orages les 21, 22 et 23 mai. À Bordeaux, les pluies torrentielles sont fréquentes, les températures peu élevées et les vents soufflent fort. Le Rhône, la Loire et leurs affluents sont en crue ; à la fin du mois, les inondations sont dévastatrices.
À Lyon, la digue de la Tête d'Or cède et des quartiers entiers sont envahis et détruits par les eaux, comme les Brotteaux. À Avignon, une partie des remparts est emportée par les flots.
Dans la Vallée de la Loire, une première crue le 3 mai fait peu de dégâts, mais une deuxième crue, le 15 mai, puis une troisième début juin, inondent notamment les communes de Savigny-en-Véron, Avoine et Huismes, détruisant par la même occasion les récoltes et les nouvelles semences qui avaient été faites après la deuxième crue. À Orléans, les jardiniers-maraîchers du faubourg Saint-Marceau perdent tous leurs légumes. Le bilan humain est aussi terrible, plusieurs dizaines de morts sont à dénombrer à travers la France.
Dès le 1er juin 1856, Napoléon III se rend auprès des sinistrés, en passant d'abord à Dijon, puis à Lyon, Vienne, Tournon, Valence, Avignon, Tarascon et Arles, avant de remonter sur Orléans, Beaugency, Blois, Amboise, Tours, etc. Il y distribue de premières sommes d'argent pour aider la population : 10 000 francs à Vienne, 4 000 francs à Montélimar, etc.
Dans le même temps, les secours s'organisent, d'abord à l'aide de canots et de barques pour venir en aide aux inondés, puis de souscriptions lancées un peu partout en France, relayées par la presse quotidienne. Mais pour éviter d'autres catastrophes humaines, il faut planter et semer rapidement de nouvelles plantes potagères pour remplacer les récoltes détruites. Des appels aux dons de plants et de graines sont ainsi lancés pour secourir les jardiniers, maraîchers et horticulteurs ayant tout perdu. Les jardiniers-maraîchers d'Orléans reçoivent plusieurs milliers de plants de légumes de leurs confrères de Pithiviers mais aussi des maraîchers de Paris et du département de la Seine. La Société impériale et centrale d'horticulture de Paris fait plusieurs envois de graines au préfet du Loiret, chargé de les redistribuer aux communes les plus sinistrées, et la maison Vilmorin-Andrieux et Cie fait également don de plusieurs paquets de graines de diverses plantes potagères.
Dans les semaines et mois suivants, des études sont menées sur les causes des inondations, les moyens d'en empêcher le retour, mais aussi la manière de profiter de leurs avantages et de transformer les inondations en de fécondes irrigations pour l'agriculture. On réfléchit au rôle des digues et à l'influence que pourrait avoir le déboisement sur l'abondance des pluies et la variation des climats.
Les revues horticoles publient quant à elles les travaux de professionnels de l'horticulture prodiguant des conseils sur les variétés à planter ou semer sur une terre détrempée et les soins à y donner. Dans le Journal d'agriculture pratique, de jardinage et d'économie domestique de janvier-juin 1856, Louis Moll (1809-1880), professeur d'agriculture au Conservatoire national des Arts et Métiers, publie un article sur les moyens de réparer les ravages causés par les inondations, que le ministère de l'Agriculture fait tirer à part en 20 000 exemplaires afin de le diffuser auprès des sinistrés. La plantation de pommes de terre, carottes ou betteraves y est notamment recommandée.
En 1857, on ressent encore un peu les effets de ces inondations, notamment dans les concours d'animaux de boucherie où les bêtes sont moins nombreuses qu'à l'accoutumée, mais les expositions d'horticulture reprennent, notamment à Orléans et Lyon, qui avait dû annuler son exposition de juin 1856. La terre, recouverte de vase, sable ou cailloux, et le sol raviné, sont peu à peu restaurés, et les horticulteurs peuvent retourner à leurs anciens combats : l'oïdium de la vigne, les courtilières, et autres joyeusetés… jusqu'à l'inondation suivante, celle de 1866 !
À lire aussi sur le blog de Gallica, 23 juin 1875 : les crues catastrophiques du Midi de la France vues par la presse et Paris sous les eaux : fluctuat nec mergitur
Commentaires
Les inondations de 1856, un exemple de solidarité horticole
Travail remarquable.
Récit bien écrit et fort bien documenté.
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