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Grandeur et misère des chiffonniers de Paris (1/2)
Reconnaissable à sa hotte, sa lanterne et son crochet, le chiffonnier a inspiré la littérature, le cinéma et les Beaux-arts. On le connaît par les Misérables, le film Mon oncle de Jacques Tati ou les photographies d’Atget, mais sait-on quel acteur efficace du recyclage des déchets il était au XIXème siècle ?
Le chiffonnage, une activité bien documentée
Mettons de côté la Littérature, qui représente certes une source de connaissance foisonnante sur les chiffonniers, et qui a été remarquablement analysée par Antoine Compagnon. L’activité chiffonnière a fait l’objet de nombreuses études sanitaires, économiques, ethnologiques, sociologiques qui permettent de s’en forger une connaissance précise…
Études de chiffonniers, estampe de Gustave Doré, 1849
Ainsi, le chimiste Victor Hippolyte de Luynes (1828-1904) rédige, en 1886, au nom du Conseil d’hygiène publique et de salubrité du département de la Seine et à la demande du préfet de police, un Rapport sur les dépôts de chiffons. Il y dresse une liste des cités du département au sein desquelles les chiffonniers vivaient et entreposaient le fruit de leur collecte, avec appréciation de leur importance et de leur état sanitaire. Jean Joseph Barberet (1837-1920), fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, puis au ministère du Travail, publie, quant à lui, des monographies professionnelles, de 1886 à 1890, sous le titre Le travail en France. L’une d’elles porte sur les chiffonniers. Le Figaro s’est intéressé en 1909 à Joseph Durieu. Également fonctionnaire, mais au ministère des Finances, celui-ci passe son jour de repos hebdomadaire à étudier « les types sociaux d’Ile-de-France », et publie en 1910 Les Parisiens d’aujourd’hui, comprenant une partie substantielle sur les chiffonniers. Il marche dans les pas de Louis Paulian (1847-1933), l’auteur de La Hotte du chiffonnier, ouvrage qui rencontre le succès et est édité cinq fois de 1885 à 1910. S’il ne fallait en retenir qu’un, ce serait effectivement ce volume fourmillant de détails et illustré. Paulian inaugurait la démarche de l’enquête de terrain par immersion dans le milieu étudié.
Couverture et affiche publicitaire extr. de Renault Georges, Les rois du ruisseau, Paris, Le Livre moderne, 1900
La loi de Lavoisier adaptée par les chiffonniers : « rien ne meurt sur la terre : tout se transforme »
« Rien ne meurt sur la terre : tout se transforme », Série encyclopédique des leçons de choses illustrées, 1884
Affiche publicitaire de la conserverie Amieux frères, Henri Gustave Jossot, 1897
Cheveux pour dames, affiche, 1880
Un effectif incertain, mais une importance reconnue
Médaille de chiffonnier délivrée en 1872, dans Paulian Louis, La hotte du chiffonnier, 1896, p. 15
Journal des chiffons, de l'effilochage et de la papeterie, 1865
Grâce au chiffonnier, nous pouvons nous vêtir, nous chausser et nous coiffer à bon marché ; grâce à lui, le prix d’un grand nombre d’objets d’une consommation courante a baissé de plus de moitié. Les chiffonniers ? Mais ce sont de véritables créateurs, et leur hotte est certainement une corne d’abondance d’où s’échappent des trésors de toute nature.
Lettre trouvée par Benjamin Sacrobille, chiffonnier sous le n. 47... Paris, J. N. Barba, et au magasin des pièces de théâtre, 1830
Une industrie qui profite peu aux ramasseurs
Jusqu’aux années 1850, il se divise en trois catégories : les chiffonniers de nuit ou piqueurs, qui collectent le meilleur, les secondeurs, lesquels viennent fouiller au petit matin les tas déjà visités par les piqueurs, les gadouilleurs, enfin, les plus misérables, qui vont jusqu’aux dépôts à boues ou chez les agriculteurs, où ils collectent ce qu’ont laissé les précédents mêlé aux gadoues.
« Enlèvement des ordures à Paris », La République illustrée, s.d. : un chiffonnier-tombereautier ?
Boutiques parisiennes. Vêtements. Brocanteur, chiffonnier : vendeur de nappes, jupes, jupons, [1905-1915]
Les os, vendus au maître chiffonnier trois francs les cent kilos, sont revendus par lui au négociant de quatre francs vingt-cinq à quatre francs cinquante, et par le négociant à l’usinier, six francs. Soit cent pour cent de plus que la valeur initiale. Les chiffons blancs payés par le maître chiffonnier de dix à quatorze francs les cent kilos, par le négociant de vingt à trente francs, par le fabricant de quarante à cinquante-quatre francs, sont modestement majorés de trois cent pour cent – une paille…
Commentaires
MERCI
Votre article est une source inépuisable, merci infiniment pour ce travail qui stimule le mien...
Merci
Merci pour ces informations et précisions. Eric, un descendant des branches BOHIN et SCHEIRE, biffins/chiffonniers banlieue ouest de Paris.
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