L’hiver 1709 dans Gallica
L’hiver 1709 a été si meurtrier et si abondamment décrit qu’il est resté dans la mémoire collective comme l’hiver de référence. Gallica vous invite à le redécouvrir à travers les témoignages de ceux qui l’ont vécu, à la cour, mais aussi à la campagne et dans les villes de province.
Distribution du pain du roy au Louvre, estampe, 1er état, Paris, 1693.
L’hiver 1709 à la cour de Louis XIV
Louis De Rouvroy, duc de Saint-Simon, emménage au château de Versailles en 1702 et c’est là qu’il passe l’hiver 1709. Dans ses Mémoires écrites à partir de 1739 sur la base des notes qu’il a prises tout au long de sa vie à la Cour, il ne manque pas de revenir à plusieurs reprises sur les rigueurs de l’hiver. À Versailles comme partout, il fait froid : "il prit subitement à la veille des Rois et fut près de deux mois au-delà de tout souvenir". Pour donner une idée de l’intensité du froid, Saint-Simon nous précise que "l’eau de la reine de Hongrie, les élixirs les plus forts et les liqueurs les plus spiritueuses cassèrent leurs bouteilles". Il insiste sur la perte d’arbres fruitiers, y compris la vigne : "il ne resta plus ni noyers, ni oliviers, ni pommiers, ni vignes", sur les problèmes de cherté du pain : "le pain enchérit à proportion du désespoir de la récolte". Les émeutes de subsistance sont évoquées à plusieurs reprises. Saint-Simon fait également état de la triste condition des Armées du roi, alors que le pays est en pleine guerre de succession d’Espagne : "les officiers particuliers mouraient de faim avec leurs équipages". À l’affût des rumeurs et des petites intrigues qui agitent la cour, Saint-Simon ne résiste pas au plaisir de nous conter la mésaventure de Monseigneur (le fils aîné de Louis XIV) dont le "carrosse est assailli... par des femmes en grand nombre, criant du pain", alors qu’il se rend à l’Opéra, et qui, en conséquence, n’ose plus se rendre à Paris. Enfin, Saint-Simon note la multiplicité des pamphlets publiés contre le roi.
Dans La clef du cabinet de mars 1709, qui, habituellement, ne traite que de politique étrangère, on trouve, outre une chronologie précise de l’arrivé du froid sur le royaume, cette mention : "Il est mort partout une infinité de personnes de tout sexe & tout âge, principalement des enfants & des vieillards, parmi ceux qui n’avaient pas les commodités de se garantir contre un froid si extraordinaire, on a trouvé des familles entières mortes de froid..."
Pour sa part, Boileau, dans sa correspondance avec Claude Brossette qui vit à Lyon, ne manque pas de mentionner la famine qui sévit, la cherté du pain à Paris et surtout les séditions qui en découlent, même si celles-ci ne l’empêchent pas d’aller à l’opéra.
Dans les villes de province et à la campagne
Il faut également citer le récit que fait, a posteriori, Valentin Jamerei Duval de sa vie d’adolescent errant pendant l’hiver 1709. Ce témoignage reste vibrant de vérité, même si le temps, l’éducation et l’expérience atroce subie pendant cet hiver en ont peut-être altéré les souvenirs.
Pour compléter cet exemple, le cabinet pittoresque publie, en 1854, une liste de témoignages extraits d’un placard imprimé à Paris en 1709. Ils sont tous plus édifiants les uns que les autres, comme, par exemple : "Le Perche est en pareille misère que dans la seule ville de Mortagne et dans la banlieue on y compte plus de quinze mille pauvres dont grand nombre meurt tous les jours".
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