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Des jardins à la BnF, une histoire séculaire

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24 juin 2018

Au cœur du deuxième arrondissement, entre la rue Richelieu et la rue Vivienne, un ancien palais princier abrite depuis trois siècles les collections de la Bibliothèque nationale de France. Découvrez l’histoire de ce site à travers des documents méconnus disponibles sur Gallica.

Bibliothèque impériale, jardin Vivienne, Henri Labrouste, 1854-1859

Il y a très exactement 143 ans, le 24 juin 1875, s’éteignait Henri Labrouste. Architecte de la bibliothèque impériale pendant 21 ans, on lui doit en grande partie la physionomie actuelle du site Richelieu. Mais si la grande salle à coupole qui porte son nom et son magasin attenant sont connus  dans le monde entier, l’œuvre de paysagiste de Labrouste est souvent méconnue. C’est pourtant lui qui aménagea le jardin Vivienne, aujourd’hui situé dans la zone en travaux. Véritable poumon vert du site, son histoire remonte néanmoins bien avant le XIXe siècle, à l’époque où le locataire des lieux s’appelait Mazarin.

A partir de 1643 Mazarin s’installe dans un hôtel particulier de la rue des Petits-Champs, propriété du contrôleur général des finances Jacques Tubeuf. Avant même de l’acheter pour son compte, Mazarin fait agrandir l’édifice en lui ajoutant deux galeries superposées dans l’axe nord-sud. Ces dernières donnent alors sur un jardin. On ignore à quel moment exactement le jardin fut aménagé, sans doute existait-il déjà avant l’installation de Mazarin. On sait en revanche qu’après la fronde, le jardin totalement délabré dû être réaménagé. Les plans figurent un jardin à la française plus proche du carré que du rectangle actuel (peut-être ne faut-il y voir qu’un manque de précision des plans), avec un agencement assez sobre : quatre quartiers séparés par quatre petites allées qui se rejoignent au centre du jardin. Son emprise correspond déjà à peu près à l’actuel jardin Vivienne, entre la galerie Mazarine et la rue Vivienne. A la même époque, la cour d’honneur ne semble pas avoir été plantée, mais sert de cour aux écuries du cardinal.
Si l’on ignore la composition du jardin de l’hôtel Mazarin au XVIIe siècle, on connaît en revanche la typologie des plantes présentes dans le jardin de la Bibliothèque du Roi. Cette dernière occupe un bâtiment situé rue Vivienne, à proximité de l’hôtel Colbert. Les plans n’indiquent cependant pas l’aspect de ce jardin, mais on sait que l’on y trouvait du buis, des treillages et diverses fleurs colorées.

Après la mort de Mazarin en 1661 le jardin appartient au lot d’Hortense Mancini, avant que l’ensemble du palais ne soit racheté par John Law qui y installe la Banque royale et la Compagnie des Indes. Après la banqueroute de l’écossais, les bâtiments qui entourent le jardin sont affectés à la Bourse et à la Compagnie des Indes. Cet espace n’appartient donc pas à proprement parler à la bibliothèque du roi.
Sur les plans de la fin du XVIIIe siècle, il est nommé « Préau de la Bourse », et semble se présenter sous l’aspect d’un rectangle planté de petits arbres, traversé par un chemin. On peut relever la présence d’un jardin plus travaillé à cette époque dans l’une des petites cours de la Compagnie des Indes, ainsi que l’apparition de ce qui semble être une large pelouse avec un bassin en son centre dans la cour d’Honneur.

On retrouve dans la première moitié du XIXe siècle la grande pelouse de la cour d’honneur et le petit jardin, beaucoup moins travaillé (ou tout du moins peu détaillé par les plans), mais côté Vivienne il semble qu’il n’y ait plus qu’une cour sans ornements. En revanche on peut noter un élément intriguant dans cette cour Vivienne : la présence d’un petit édifice qui n’existait pas sur le plan dressé vers 1799 par Bélanger, et qui est déjà détruit en 1845. Le plan de Laborde paru en 1845 mentionne ainsi en légende pour l’espace « n » : «Ancienne construction, utilisée comme forge, et aujourd'hui démolie ». Cependant il est bien présent sur le cadastre parisien dressé entre 1810 et 1836. Si ce bâtiment a été utilisé comme forge, on ignore s’il s’agissait là de son utilité première, et pourquoi une forge fut-elle installée dans cette cour.

La prise en considération du jardin et de son aménagement sont le fait d’Henri Labrouste, l’architecte à « l’origine » du quadrilatère moderne, dans la seconde moitié du XIXe siècle. On constate un retour aux parterres « à la française » dans les projets de l’architecte, mais c’est une option plus simple qui est finalement choisie. On y retrouve néanmoins les quartiers séparés par des sentiers qui se rejoignent au centre de la composition où siège une fontaine.

Labrouste soigne également l’ornementation qui borde le jardin dans ses plans et ses croquis. Il imagine divers éléments décoratifs, tous n’étant pas nécessairement réalisés. Il crée un cadre de verdure agréable au cœur de la pierre, où la fontaine joue un rôle central, véritable point de convergence. Cette dernière fait l’objet de nombreux croquis (vasques, système d’alimentation...). Les premières photographies connues du jardin sont celles prises par Eugène Atget en 1902. On y retrouve le bassin, plus sobre que sur la gravure, les parterres fleuris, les vases ornementaux, et tout un bandeau végétalisé le long de la Galerie Mazarine. On note également la présence de chaises qui ne sont pas sans rappeler le jardin du Luxembourg.
Côté rue de Richelieu, c’est à Pascal que l’on doit la transformation en vaste cour d’Honneur de l’espace vert qui fut un temps arborée au court du XIXe siècle. Sur les clichés pris par Atget en 1902, on trouve en effet déjà une cour pavée.
 
Dans la seconde moitié du XXe siècle, le jardin Vivienne perd ses parterres qui sont remplacés par du gravier et ne conserve que ses arbres et sa fontaine. Cette modification semble intervenir entre 1976 et 1989. En 1987, la ville de Paris commande une statue de Jean-Paul Sartre à Roseline Granet. Elle est retirée pour permettre l’installation des modulaires et le début des travaux du quadrilatère en 2009. Actuellement épicentre du chantier de rénovation de la zone 2 du site, le jardin Vivienne sera réaménagé pour l’ouverture complète du site en 2021.
 

Pour aller plus loin :
Richelieu. Quatre siècles d'histoire architecturale au cœur de Paris, dir. Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin et Christine Mengin, BnF Éditions/INHA, 2017.
 

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