Si la Cisleithanie m'était comptée...
Parmi les curiosités cartographiques disponibles dans Gallica, il est une carte particulièrement surprenante par son aspect et son contenu : ses couleurs vives et bigarrées font croire à une carte géologique, mais il s'agit d'une carte électorale donnant les résultats d'élections législatives de 1907.
Cette curieuse carte électorale conservée au département des Cartes et plans de la BnF ne renseigne donc pas sur les structures géologiques de l’espace qu’elle représente, elle donne plutôt le résultat de ces élections législatives de 1907. Le territoire représenté pourrait faire penser à quelques contrées exotiques, mais nous sommes ici en Europe, au cœur de la Mitteleuropa. C'est une carte de l'Autriche-Hongrie sans la Hongrie, un état aujourd'hui disparu qui s'étendait des frontières de la Suisse aux marges de la Moldavie, des montagnes septentrionales de la Bohême aux côtes du Monténégro. Ce territoire vaste de 300 200 km² et peuplé de plus de 26 millions d'habitants était la création du compromis austro-hongrois de 1867 qui avait divisé l'empire de François-Joseph Ier en deux états autonomes. La partie autrichienne était aussi appelée Cisleithanie du nom de la rivière Leitha qui séparait la double monarchie, mais le nom officiel utilisé par l'administration était plutôt : « royaumes et pays représentés au Reichsrat ».
Les élections de 1907 devaient renouveler les 516 représentants à la chambre des députés et les élire pour la première fois au suffrage universel, ce qui entraina la montée des populismes. La principale caractéristique de ce Reichsrat était l'impossibilité de constituer une majorité sans compromis, en raison des profondes divisions nationales et politiques. Le parti le plus nombreux de la chambre était l'union des chrétiens-sociaux, dont le chef était Karl Lueger, le très controversé maire antisémite de Vienne. Ce parti, composé de 96 députés allemands, représentait moins de 19% des élus et ne lui permettait pas de former un gouvernement seul. Le président de l'assemblée, Richard Weiskirchner avait été choisi dans ses rangs. Le second parti politique était le parti social-démocrate dirigé par Viktor Adler. Il avait été le grand bénéficiaire du suffrage universel en passant de 10 à 87 députés. Il était aussi le seul parti véritablement multinational comptant, parmi d'autres, 4 députés italiens de Trieste. Les Polonais venant principalement de Galicie formaient un groupe influent de 72 députés car ils étaient capables de surmonter leurs divisions politiques pour défendre leurs intérêts nationaux. Ils prenaient part aux coalitions gouvernementales et avaient obtenu deux postes ministériels, dont celui des finances. A côté des grands partis, siégeaient de nombreux petits partis. L’association des Slaves du sud regroupaient des Slovènes, des Croates et des Serbes, venant des provinces méridionales, comme la Dalmatie. Le club des Roumains était constitué de députés de Bucovine. Il existait aussi un parti pangermaniste, réclamant l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne, et un parti sioniste, favorable à la création d’un état juif.
Pour aller plus loin
- Retrouvez les cartes de l'Autriche disponibles dans Gallica dans la sélection "L' Europe en cartes"
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