Dans son
testament daté du 6 mars 1661, Mazarin commanda la création d’un collège destiné à accueillir 60 boursiers nobles issus de quatre provinces nouvellement
annexées à la France, à savoir les Flandres, le Roussillon, l’Alsace, et Pignerol. Il lègue à cette nouvelle fondation l’ensemble de sa bibliothèque, conservée jusqu’alors dans son palais parisien rue de Richelieu.
Façade sur cour de l'aile qui abritait la bibliothèque du cardinal, Agence Robert de Cotte, 1734.
Amoureux des arts et des lettres, Mazarin avait pris grand soin de ses collections d’œuvres : dès 1644 il fit élever par
Mansart une galerie sur deux niveaux pour ses collections muséales. En 1646, il confia à l’architecte
Le Muet, secondé par Maurizio Valperga, le soin de réaliser une
grande aile de 144 m de long à l'ouest de la propriété de son palais, qui fut achevée en 1648. Les écuries furent logées au rez-de-chaussée, tandis que la bibliothèque du cardinal occupait
tout l’étage. La galerie, percée de huit grandes fenêtres, était ornée de boiseries aux armes du cardinal, occupées par des rayonnages de livres sur toute leur hauteur. Les niveaux les plus hauts étaient desservis par une coursive, supportée par cinquante-quatre colonnes cannelées.
On ne saurait parler de la bibliothèque de Mazarin sans évoquer la figure de son premier bibliothécaire,
Gabriel Naudé. Celui-ci s’employa dès 1642 à concevoir pour son maître la plus grande bibliothèque de son temps. Naudé est le premier théoricien d’une bibliothèque organisée avec un classement systématique, qu’il décrit dans son
Advis pour dresser une bibliothèque. Mais en 1652, la
Fronde vint disperser la première collection constituée patiemment par l’érudit. Les ouvrages passent en vente publique, Naudé réussissant cependant à en faire racheter au moyen de prête-nom. Après le retour de Mazarin en 1653, le collaborateur et successeur de Naudé,
François de la Poterie, s’employa à restaurer la bibliothèque du cardinal. A la
mort du prélat, le 9 mars 1661, cette seconde bibliothèque égalait la première.
Tombeau du cardinal Mazarin tel qu'il était présenté au Louvre au début du XXe siècle, avant de retourner quai de Conti.
Le
site choisi pour édifier le Collège des Quatre-Nations fut celui de la porte Nesle,
face au Louvre, que l’on abattit. L’architecte royal Louis Le Vau conçut un bâtiment à mi-chemin entre le baroque italien et le classicisme français, organisant l’ensemble autour de
la chapelle funéraire du cardinal, surmontée d’une couple. Un pavillon fut destiné à la bibliothèque cardinalice. Lorsqu’il fut achevé, on déménagea non seulement les livres, mais aussi le décor du palais Mazarin conçu pour eux, réadapté aux nouveaux espaces.
Dessin pour la chapelle du Collège des Quatre-Nations, 1670, fonds Robert de Cotte.
La Bibliothèque Mazarine, première bibliothèque publique de France ouverte dès 1643 aux érudits, put rouvrir aux lecteurs en 1691. Quelques années plus tard, en 1721,
la Bibliothèque royale s’installe dans le palais Mazarin, à l’emplacement même de la bibliothèque du cardinal. Le site de la rue de Richelieu retrouve ainsi sa fonction de bibliothèque, ouverte au public lettré, qu’il conserve jusqu’à ce jour.
La bibliothèque Mazarine en 1877 - gravures disponibles sur la bibliothèque numérique de la ville de Paris, via Gallica.
Le Collège des Quatre-Nations devint à la Révolution le collège de l'Unité, avant d’être supprimé en 1793. Mais il ne reste pas longtemps vide : dès 1805 on y installe le prestigieux
Institut de France, cependant que la bibliothèque reste elle ouverte au public, demeurant à ce jour la plus ancienne bibliothèque publique de France toujours en activité.
Pour aller plus loin :
Richelieu. Quatre siècles d'histoire architecturale au cœur de Paris, dir. Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin et Christine Mengin, BnF Éditions/INHA, 2017.
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