Les météorites en France
L’extinction des dinosaures serait due à la chute d’une météorite. Le ciel est scruté en permanence par les astronomes afin de prévenir une éventuelle nouvelle extinction de masse. Le blog Gallica explore l’histoire et la minéralogie de quelques météorites sur les 72 découvertes en France depuis 1492.
Une météorite est un fragment d’astéroïde, issu le plus souvent du choc qui advient entre deux d’entre eux dans la zone appelée ceinture principale située entre le Soleil et Mars.
Météorite d’Ensisheim
La plus ancienne météorite répertoriée tombe en France en Alsace à Ensisheim le 7 novembre 1492. Appelée «pierre du tonnerre d’Ensisheim», elle pèse 127 kilogrammes à l’origine. Il s’agit d’une chondrite, famille de météorites constituée de chondres et représentant environ 85 % des météorites trouvées sur la Terre.
Le roi de Germanie, Maximilien 1er, dont dépend la région en 1492, voit dans cette roche tombée du ciel un signe divin, ce qui l’amène à guerroyer contre le roi de France Charles VIII. Lors de sa visite à Ensisheim, après la chute de la météorite, il ordonne aux habitants d’arrêter d’en prélever des morceaux et de la suspendre dans l’église. Elle y reste jusqu’à son transfert en 1793 à la bibliothèque nationale de Colmar. En 1794, Ernst Chladni, un physicien allemand vient l’étudier et émet le premier l’hypothèse de l’origine extra-terrestre des météorites.
Récupérée en 1803 par la ville d’Ensisheim, la météorite retourne dans l’église et fait l’objet d’une nouvelle analyse chimique détaillée par Étienne-Gilbert de Drée. Quand l’église s’effondre en 1854, la météorite est remisée à l’école puis installée à l’hôtel de la régence, future mairie. Divisée par la suite en divers morceaux disséminés dans plusieurs musées, un morceau de 55,75 kilogrammes demeure depuis 1992 au musée municipal d’Ensisheim.
Melencolia, Dürer, Albrecht (1471-1528), 1514
Albrecht Dürer, peintre allemand, immortalise l’évènement en 1494 à l’arrière de son œuvre «Saint-Jérôme au désert». Il illustre peut-être aussi la chute et le météore lui-même dans sa gravure «Mélancolie». Sébastien Brant, poète allemand, en fait un poème, «Donnerstein von Ensisheim», offert au roi Maximilien 1er.
Météorite de Laigle (ou L’Aigle)
Le 6 floréal de l’An XI (26 avril 1803), les habitants apeurés de Laigle (ou l’Aigle) et de ses environs, dans l’Orne (Normandie), entendent dans le ciel un épouvantable vacarme, semblable aux roulements de tambour de toute une armée. Une énorme boule de feu est visible de très loin, jusqu’à Caen, Alençon, Falaise, Verneuil, Pont Audemer.
Sous la pression de l’intérêt populaire pour cet évènement, Jean-Baptiste Biot est missionné pour enquêter sur les milliers de pierres tombées sur plusieurs communes aux alentours de Laigle, pierres qu’il nommera Laiglittes. Le 18 juillet 1803 Jean-Baptiste Biot rend à Paris un rapport dans le lequel il donne plusieurs preuves incontestables de l’origine extra-terrestre des météorites :
- la large surface de dispersion des morceaux de la météorite (50 kilomètres carrés) avec carte jointe, et la zone de trente lieux de rayon (environ 120 kilomètres) d’où l’on a pu observer et entendre leur arrivée ;
- les témoignages concordants des habitants dans les nombreux hameaux de la zone d’atterrissage ;
- l’analyse chimique, dont une forte odeur de soufre, qui montre que ces pierres sont inconnues sur Terre.
La météorite de Laigle marque le début réel des études scientifiques sur les météorites en France et leur origine car depuis bien longtemps les savants de l’époque nient la possible origine extra-terrestre des météorites observées par des témoins considérés comme affabulateurs ou fous. Mais les académiciens et scientifiques doivent désormais reconnaître que les phénomènes de flamboiements sonores dans le ciel, et de chutes consécutives de pierres noires, observés en France et ailleurs par le passé, comme à Laigle, viennent bien de météorites, et non d’autres phénomènes comme de multiples coups de foudre qui feraient noircir un certain type de pierre terrestre qui les attirerait, comme la coagulation de fragments de pierre et de métal à partir de poussières atmosphériques ou bien encore comme l’éjection de pierres par des volcans lunaires.
La majorité des fragments de la pluie de météorites de Laigle sont conservés au Museum d’histoire naturelle de Paris.
Météorite d’Alais (ou de Valence)
Le 15 mars 1806, près d’Alès dans le Gard (Alais à l’époque), plusieurs morceaux de pierre tombent du ciel. La météorite d’Alais (ou de Valence) vient de s’écraser, entre les communes de Castelnau-Valence et Saint-Étienne-de-l’Olm, impact précédé de deux puissantes détonations dans le ciel. Les habitants qui la trouvent, croyant à du charbon, cherchent tout d’abord à en brûler des morceaux puis la confie aux scientifiques.
[Portrait du baron Louis Jacques Thénard] : [photographie] / Gustave Le Gray, 1856-1857
Elle est analysée par Louis Jacques Thénard. Les résultats montrent une forte proportion de silice et de fer oxydé, ainsi que de la magnésie, du nickel, du manganèse, du chrome, du soufre et du carbone. Sa composition diffère tellement des autres météorites que Cyprien-Prosper Brard en fait un type distinct qu’il nomme à l’époque météorite charbonneux.
La météorite d’Alais est une des plus rares en France car sa composition minérale et chimique se rapproche le plus de la composition de la nébuleuse solaire, le nuage de gaz à partir duquel le système solaire s'est formé. Cette caractéristique la fait classer dans les chondrites CI ou C1 (de l’anglais Carbonaceous) qui sont aussi appelées météorites carbonées. En 1834 des composés organiques sont trouvés dans la météorite d’Alais, attestant pour certains scientifiques l’existence d’une vie extra-terrestre.
Aspect des silicates phylitteux de la météorite d’Alais (vue au microscope électronique)
Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences. Série D, Sciences, 07/1974
Les deux morceaux tombés en France, de consistance légère et friable, constitués de silicates phylliteux ou phyllites, pèsent à l’origine 2 et 4 kilogrammes. Suite aux nombreux examens scientifiques au cours du temps, il n'en reste actuellement que 260 grammes dans le monde, dont un fragment de 40 grammes environ se trouve au Muséum national d'histoire naturelle à Paris.
Météorite de Caille :
Cette météorite est la plus grosse de toutes celles trouvées en France ; elle pèse 620 kilogrammes et est tombée sur la commune de Caille, dans les Alpes Maritimes.
Ce n’est qu’en 1828 qu’elle est identifiée par Cyprien Prosper Brard. Depuis plusieurs dizaines d’année, les habitants la nomment «pierre de fer» et en ont fait un banc installé devant l’église, après l’avoir fait tracter par plusieurs bœufs depuis le lieu de la chute. Le Museum royal d’histoire naturelle de Paris la fait rentrer rapidement dans ses collections avec la mention :
c’est le fer de Brard. Il a dû tomber vers 1600.
Etudes synthétiques de géologie expérimentale , par A. Daubrée, 1879
La météorite de Caille est classée dans la catégorie des météorites ferriques, plus précisément des holosidères. Le Duc de Luynes qui en fait la première analyse restitue une très forte teneur en fer mais aussi environ 17 % de nickel, avec des traces de manganèse et de cuivre. Une analyse ultérieure faite par Louis-Edouard Rivot ne mentionne plus ni nickel, ni cuivre mais la présence de chrome et de cobalt. L’hétérogénéité des analyses est telle que la composition d’alliage ferrique du météore de Caille le rend unique à l’époque, et qu’une nouvelle catégorie de météorite est créé : la caillite. Gabriel Auguste Daubrée fait un compte rendu à l’Académie des sciences le premier janvier 1867, avec une description détaillée de la météorite.
Un traitement à l’acide révèle à l’intérieur de la structure minérale des réseaux de lignes parallèles, connus sous le nom de figures de Widmanstaetten. Ces réseaux sont dus à la cristallisation et la juxtaposition de lamelles formées par les différents alliages de fer.
Météorite d’Orgueil :
La météorite d’Orgueil s’écrase le 14 mai 1864, dans le Tarn-et-Garonne au sud de Montauban. Les habitants ramassent une vingtaine de morceaux pour un poids de 14 kilogrammes. Cette fragmentation lors de l’entrée dans l’atmosphère terrestre s’accompagne de fortes incandescences et de puissantes détonations. La chute est observée du nord de la France jusqu’au nord de l’Espagne, soit dans presque toute la France. Quelques jours plus tard, l’Académie des sciences de Paris envoie Gabriel Auguste Daubrée sur place pour les premières analyses et études. Il mentionne la grande friabilité de sa structure. Aspect renforcé par une étude chimique détaillée faite la même année par Félix Pisani qui note la forte porosité de la structure pouvant absorber de grandes quantités d’eau.
Tout comme la météorite d’Alais, la météorite d’Orgueil est une chondrite carbonée de type C1 et a de très fortes similitudes avec la composition de la nébuleuse solaire. Elle est très étudiée à l’époque comme de nos jours et participe grandement aux études sur la composition du Soleil et plus largement sur celle de l’univers avant la naissance de la Terre.
Au niveau astronomique, la météorite d’Orgueil a été mise en avant à de nombreuses reprises du fait d’observations ou de spéculations sur la présence de matières organiques pouvant étayer l’hypothèse de l’existence de vie extra-terrestre. Dans ses analyses chimiques Gabriel Auguste Daubrée note la présence de :
composés organiques de constitution analogue aux principes organiques », tout en déclarant qu’il n’a trouvé «aucun élément étranger» à notre planète.
François Stanislas Cloez fait une dissolution de la matière charbonneuse avec de l’acide et note une analogie plus précise entre le produit obtenu et «la partie organique de plusieurs variétés de tourbe et de lignite» terrestres ; conclusions remises en question par Michel-Eugène Chevreul. En 1869, Marcellin Berthelot note lui aussi
Au cours du temps, d’autres assertions favorables à cette hypothèse apparaissent régulièrement, venant de scientifiques reconnus comme Gaston Tissandier en 1910 ou Bartholomew Nagy en 1961. Cependant, La thèse de la présence de vie extra-terrestre dans les météorites n’obtient pas de preuves tangibles, avérées et admises par la communauté scientifique jusqu’à présent.
L’étude des météorites récoltées en France ou ailleurs sur Terre et les prélèvements effectués sur la Lune et Mars sont au cœur des recherches actuelles et à venir en astronomie.
Pour aller plus loin
Sur le blog de Gallica :
Les lunettes astronomiques
Quand la planète Mars avait des canaux
Neptune, quand le calcul précède l'observation
La pluralité des mondes (cycle mmerveilleux scientifique)
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