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Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel… (épisode 2)

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À l’approche des fêtes, Gallica vous emmène sur les traces du Père Noël dans la littérature et la presse pour la jeunesse. Découvrons comment ce personnage s’impose au tournant des XIXe et XXe siècles.
 

Dès le début du XIXe siècle, la figure du Père Noël est citée, mais sans nécessairement être représentée. George Sand, dans l’Histoire de ma vie (1854), évoque ses premiers souvenirs :

Ce que je n’ai pas oublié, c’est la croyance absolue que j’avais à la descente par le tuyau de la cheminée du petit père Noël, bon vieillard à la barbe blanche qui, à l’heure de minuit, devait venir déposer dans mon petit soulier un cadeau que j’y trouverais à mon réveil.
Dans ses Mémoires d’une enfant (1866), Mme Michelet évoque également un bonhomme Noël qui descend dans la cheminée pour « mettre un souvenir dans les souliers des petits enfants ». L’arbre de Noël, tradition allemande, s’installe également dans toute l’Europe.
 

Adèle de Nouvion, La fée sucrée ou La nuit de Noël, 1860

Dans le courant du XIXe siècle, le don de cadeaux va progressivement se déplacer du Jour de l’an au 25 décembre et le Père Noël va progressivement prendre le pas sur les autres figures de donateurs au tournant des XIXe et XXe siècles. Plusieurs éléments se conjuguent pour faire de Noël une véritable fête des enfants.

En premier lieu, c’est la représentation de l’enfant qui devient plus positive : plus l’on perçoit sa nature profonde, plus on la respecte et plus l’on tient compte de son désir d’avoir des jouets. Les romantiques allemands, notamment E.T.A. Hoffmann et son Casse-Noisette (1816), font beaucoup pour cette révolution des valeurs et cette valorisation de l’imaginaire ludique dans la littérature et l’art. Pour Victor Hugo, héritier des romantiques allemands, le jeu est une activité vitale pour l’enfant : dans Les Misérables, il place ainsi en position centrale la rencontre de Jean Valjean et de Cosette un soir de Noël autour d’une poupée.

La fête de Noël s’installe également comme une fête de famille incontournable. Au siècle des Lumières apparaît une sensibilité moderne à la famille et à son intimité. La littérature romantique contribue à forger une nouvelle représentation de Noël et de l’enfance. Avec le Christmas Carol de Charles Dickens (1843) qui rencontre un succès foudroyant et international, le nouvel « esprit de Noël » réunit famille, enfance et charité. Le recentrement de la bourgeoisie victorienne sur la famille et le foyer concourt à la privatisation des anciennes traditions collectives. Dickens donne à voir la famille Cratchit soudée par l’affection, la compassion et la bonté en dépit de la pauvreté. Chez les plus riches, le don de jouets est là pour manifester cette circulation de l’amour familial. A contrario, la littérature met en scène des enfants malheureux au moment de Noël, comme la Petite fille aux allumettes ou Rémi Sans famille :

Il y aura des enfants bien joyeux et qui, tout émus de gourmandises, se jetteront dans les bras de leurs parents. Et en imagination, tout en courant les rues, pauvres misérables que nous sommes, nous voyions ces douces fêtes de famille, aussi bien dans le manoir aristocratique que dans la chaumière du pauvre. Gai Noël pour ceux qui sont aimés !
La littérature pour la jeunesse met en scène l’enfant riche qui vient au secours de l’enfant pauvre, pour offrir un apprentissage de la philanthropie. Dans les Quatre filles du docteur March de Louisa May Alcott (1868), les Contes de la vieille poupée (1873), ou Les deux Marie ou les étrennes (1878), des jeunes filles découvrent que le plus beau des cadeaux sera une action charitable pour plus pauvres qu’elles.
 

Au Pauvre Jacques, Jouets, Etrennes : affiche, 1890

Enfin, le siècle est celui des mutations du commerce : il voit le développement des marchés de Noël comme le marché du Pont-Neuf, vers 1815-1835, évoqué par Eugène Sue dans les Mystères de Paris et par Jean-Henri Marlet, des « magasins de nouveautés » puis des grands magasins. La consommation devient un nouvel art de vivre de la bourgeoisie. Les affiches d’étrennes et la presse montrent des achats qui se font en famille, avec la mère ou la grand-mère. Puis, après le Bon-Homme Etrennes, les années 1890 voient apparaître le Père Noël, par exemple dans ces enseignes : Au Pauvre Saint Jacques, le Bazar des halles et des postes, ou À l’économie ménagère.

De façon parallèle, la figure de Santa Claus (héritée de Saint Nicolas) naît et s’impose aux États-Unis dans le courant du XIXe siècle, popularisée par le poème de Clement Clarke Moore A visit from St Nicolas (1823). De nombreux illustrateurs s’emparent de ce personnage, dont Thomas Nast, dessinateur humoristique d’origine allemande. C’est lui qui lui donne la physionomie que l’on connaît aujourd’hui et qui invente en 1885 le pays du Père Noël, situé au Pôle nord. La couleur rouge est utilisée en 1886, reprenant un livre pour enfants publié en 1821 : elle préexiste donc à la célèbre marque de soda. Santa Claus pénètre en Europe à partir de la fin du XIXe siècle et dans la foulée de la Première guerre mondiale.

La fête commerciale se mêlant à la fête familiale, le personnage du Père Noël s’impose progressivement dans la première moitié du XXe siècle, ce qui ne l’empêche pas de continuer d’apparaître parfois aux côtés d’autres donateurs. Il est présent dans les vitrines des magasins. En 1906, trois pierrots descendent même les escaliers de la Tour Eiffel pour lui prêter main forte, avant que le catalogue d’étrennes des Galeries Lafayette de 1936 ne montre un défilé de Pères Noël qui envahit les rues.
 
Pour aller plus loin :

Michel Manson, Histoire(s) des jouets de Noël. Paris : Téraèdre, 2005.
Martyne Perrot, Le cadeau de Noël : histoire d'une invention. Paris : Autrement, 2013.

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