Aux origines du musée Carnavalet
Fermé depuis 2016 pour travaux, le musée Carnavalet rouvre ses portes avec un parcours des collections renouvelé et l’ambition d’accueillir un plus large public. L’occasion de revenir sur la naissance de ce lieu classé monument historique qui retrace l’évolution de Paris de ses origines à nos jours à travers plus de 600 000 œuvres.
Eugène Atget, Façade du musée Carnavalet,1898.
Parfois, la coquille importe autant que la perle qu’elle abrite, ainsi il est des musées dont l'histoire et la conception des bâtiments, salles et galeries comptent tout autant que les collections qu’ils accueillent. Le musée Carnavalet est assurément de ceux-là. L’édifice est l’un des plus anciens hôtels du Marais mais surtout l’un des rares témoins de l’architecture Renaissance à Paris, avec la cour carrée du Louvre. Il est conçu entre 1548 et 1560 par l’architecte Pierre Lescot pour Jacques des Ligneris, président au parlement de Paris. Encore visibles aujourd’hui, les sculptures qui ornent le bâtiment sont l’œuvre de Jean Goujon, auteur également des décorations de la fontaine des Innocents. Particulièrement réputées, les reliefs de la cour d’honneur représentent les Quatre Saisons sous les traits de Flore, Cérès, Bacchus et d’un vieillard évoquant les frimas de l’hiver.
Après la mort de Jacques des Ligneris, le bâtiment est cédé par son fils à Françoise de La Baume, veuve de François de Kernevenoy qui a été notamment gouverneur du duc d’Anjou et dont le nom d’origine bretonne s’est trouvé transformé par la prononciation au XVIe siècle en « Carnavalet ». Voici donc d’où lui vient son nom d’hôtel Carnavalet ! Au siècle suivant, c’est le fameux architecte François Mansart qui s’occupe d’ajouter un étage aux trois ailes basses tout en faisant appel au sculpteur Gérard van Obstal pour compléter harmonieusement les reliefs de Jean Goujon, particulièrement avec des allégories des quatre éléments.
Eugène Atget, la cour d'honneur du musée Carnavalet, 1898.
Par la suite, l’hôtel est habité par plusieurs locataires. « Je suis logée à l'hôtel de Carnavalet. C'est une belle et grande maison ; je souhaite d'y être longtemps », écrivait à son propos l'illustre épistolière Mme de Sévigné qui y réside de 1677 à 1696, année de son décès. Célèbre pour avoir été la dernière demeure de la marquise, le musée a conservé bon nombre de ses effets personnels et plusieurs peintures exposées lui sont consacrées.
Portrait de M. de Rabutin Chantal, marquise de Sévigné, en buste, estampe, 17e s.
Après la Révolution, l’hôtel Carnavalet accueille l'École des ponts et chaussées avant d’être racheté par la Ville de Paris en 1866 sous la supervision du baron Haussmann à une époque où la capitale change drastiquement de visage. Il est choisi pour abriter les futurs musée et bibliothèque historiques de la ville. Après plusieurs années de restauration et d’agrandissement, le lieu ouvre au public en 1880.
Le musée a pour objectif de rendre compte de la vie quotidienne, intellectuelle et artistique parisienne au fil des époques à travers les collections historiques de la ville. Le premier fonds provient en grande partie d’un don de la collection personnelle d’Alfred de Liesville, un aristocrate amateur d’histoire – particulièrement de la période révolutionnaire - qui fut nommé conservateur adjoint et peut être considéré comme l’un des pères fondateurs du musée, avec le bibliothécaire Jules Cousin, le tout premier conservateur.
Estampes, tableaux, autographes, monnaies, objets d'art, meubles, céramiques ou boiseries anciennes se partagent ainsi le lieu avec les livres de la bibliothèque. Mais le manque de place se fait rapidement sentir et la mise en valeur des collections s’avère difficile. C’est la raison qui pousse dès 1898 la bibliothèque à quitter l'hôtel Carnavalet pour l’hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau, un hôtel voisin construit en 1688, sur les plans de l’architecte du Roi et de la Ville Pierre Bullet. Un véritable acte de (re)naissance pour le musée, officialisé le 23 juin 1898 par la venue du Président de la République d'alors, Félix Faure.
Extrait de Relation officielle de l'inauguration du musée historique de la ville de Paris (hôtel Carnavalet)
et de la Bibliothèque historique de la ville de Paris (hôtel Lepelletier de Saint-Fargeau) le jeudi 23 juin 1898, Paris, Musée Carnavalet, 1899.
A l’occasion de cette inauguration, Mr Navarre, Président du Conseil municipal, prononce un discours pour rendre hommage à l’édifice considéré comme une « œuvre », fruit d’une « collaboration étroite entre les deux plus grandes époques de notre architecture nationale ». Il entérine surtout l’importance du rôle que joue le musée dans la préservation de l’histoire de France.
C’est fort de cette ambition que le lieu se structure alors sous l’égide du très apprécié conservateur Georges Cain, un peintre et écrivain qui a fait de la capitale sa principale source d’inspiration.
Atelier Nadar, photographie de M. Cain. Directeur du Musée Carnavalet, date d'édition : 1900-1916.
Divisé en trois grandes catégories (histoire parisienne, topographie parisienne et art parisien ou salle de styles), le musée gagne sept nouvelles salles. Un guide explicatif exhaustif est édité en 1903 afin que les visiteurs s’y retrouvent dans la richesse des collections exposées dont certaines pièces remontent à la Préhistoire. Particulièrement représentée dans les salles du musée, la peinture fait également l’objet d’un ouvrage publié quelques années plus tard.
La Peinture au musée Carnavalet, par Alcanter de Brahm , 1909.
Achevant de figer définitivement les premières années du musée, une série de photographies de presse de l’Agence Rol datant de 1911 donne à voir la façon dont sont disposées les collections, avant que le lieu ne connaisse de nouveau une extension quelques années plus tard avec vingt-neuf nouvelles salles.
Musée Carnavalet, vue des collections, photographie de presse - Agence Rol, 1911.
Musée Carnavalet, vue des collections, photographie de presse - Agence Rol, 1911.
Musée Carnavalet, vue des collections, photographie de presse - Agence Rol, 1911.
Au final, ces premières années semblent représentatives de ce que vivra le musée au cours des XXe et XXIe siècles, s’agrandissant et se modernisant sans cesse tout en préservant savamment son passé - notamment architectural - à travers moult restaurations. En 1989, il eut la possibilité de s’étendre jusqu’à l'hôtel Le Peletier dans lequel était auparavant installée la bibliothèque, les deux hôtels étant reliés par une galerie transparente qui traverse le Lycée Victor Hugo. Chose plus méconnue, la Crypte archéologique de l'île de la Cité et les Catacombes furent rattachées administrativement à l’établissement dans les années 2000, formant ainsi un parcours de l'histoire de Paris sur trois sites distincts.
Hotel de Madame de Sévigné : facade (musée Carnavalet), Agence Meurisse, 1926.
Les récents réaménagements sur le site Carnavalet confiés aux agences Snøhetta, Nathalie Crinière Scénographe et François Chatillon Architecte (architecte en chef des Monuments Historiques) auront notamment permis un conséquent travail d’identification, préservation et numérisation des œuvres, l’élaboration d’une nouvelle muséographie adaptée à un public plus large, par exemple aux enfants et aux touristes, et l’apparition de dispositifs interactifs numériques. De quoi donner envie de découvrir ou redécouvrir les foisonnantes collections de ce musée désormais incontournable qui vient de fêter son 140e anniversaire.
Pour aller plus loin :
Découvrir les ouvrages de la BnF sur le musée Carnavalet
Préparer sa visite au musée Carnavalet
Le musée Carnavalet en image dans Gallica
Le musée Carnavalet en image sur le site des Bibliothèques spécialisées de la ville de Paris
Jules-Adolphe Chauvet, Cette arcade qui faisait partie des bâtiments de la Préfecture de Police fut transportée en ... au Musée Carnavalet
ou elle figure comme porte d'entrée sur la rue des francs-Bourgeois (1890) : [St Germain l'Auxerrois, Louvre] : [Arcade de la Rue de Jérusalem - Préfecture de Police], dessin, 1890.
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