Rire de l’organisation du Salon et de ses protagonistes
Les salons comiques et caricaturaux, genre satirique en vogue à partir des années 1840, prennent pour cible, outre les œuvres, tous les aspects de l’organisation et du déroulement du Salon : préparatifs et indiscrétions, sélection par le jury, dépôt des œuvres, accrochage, vernissage, ainsi que les divers protagonistes. Allons donc rire au Salon…
Un dépôt des œuvres périlleux
Le Salon, c’est tout d’abord un immense convoiement d’œuvres, de toutes tailles, qui convergent vers les salles d’exposition… La précipitation et les embarras du transport des tableaux et sculptures, les embouteillages et les aléas rencontrés par les commissionnaires, entraînent parfois de fâcheuses conséquences pour les œuvres. L’arrivée dans la cohue est elle aussi propice à scènes prêtant à rire.
Un vernissage pittoresque
Précédant l’ouverture au public, au jour du « vernissage », réception d’inauguration du Salon et de découverte de l’accrochage des œuvres, se presse une foule sélectionnée d’artistes, de critiques et de visiteurs pour ce très grand évènement mondain. Les artistes sont autorisés à apporter de dernières retouches à leurs œuvres et à les vernir in situ.
Un accrochage toujours contesté par tous
L’accrochage des tableaux sur les cimaises, question sensible, est immanquablement contesté par tous, artistes, visiteurs… et constitue aussi un thème privilégié de moquerie dans les salons caricaturaux.
Le grand nombre de toiles exposées, les cimaises trop chargées du sol au plafond, sont sans cesse objets de critiques, l’opinion généralement admise étant que la quantité nuit à la qualité. Les caricaturistes imaginent des solutions pour parcourir ces kilomètres de peintures sans trop de fatigue... vélocipède, patins à roulettes, chemin de fer de ceinture…
Journal amusant, 1870, 21 mai Le Charivari. 1876, 30 avril
Le Salon pour rire 1872 / Cham, 1872
Un jury à la légitimité remise en cause
Depuis la fin de l’Ancien Régime, c’est un jury qui est chargé de la sélection des œuvres qui seront exposées au Salon. Tout au long du XIXe siècle, on conteste à la fois sa nécessité, sa composition, sa compétence, ses critères de jugement, son intransigeance, ainsi que le tout le fonctionnement du système académique et le goût qu’il impose.
En voici quelques exemples éloquents :
« Tribunal sans Appelles » (référence au peintre grec de l’Antiquité),
« Jury travaillant au classement des œuvres d’art. » :
Ce jury est réputé aveugle… âgé… terrifiant… hostile à la modernité…
Des gardiens aux aguets
Les gardiens, personnages indispensables au bon déroulement du Salon et acteurs immuables de celui-ci, sont très souvent représentés par les caricaturistes : féroces, en proie à l’ennui, assoupis, aux prises avec des situations cocasses et des comportements inappropriés de visiteurs ou d’artistes…
Ils sont aussi les premiers témoins des réactions du public, comme l’évoquent ces fictifs et humoristiques Mémoires d’un gardien du Salon, (et suite) parus dans La Caricature en 1883.
Les trois états de l’artiste : exempt, refusé, reçu
Le nombre d’artistes augmente considérablement au cours du siècle, ils sont donc toujours plus nombreux à présenter leurs œuvres au jury dans l’espoir d’être admis, alors que le Salon représente un enjeu considérable pour la réussite d’une carrière. Du rapin (artiste débutant ou artiste médiocre), à l’Académicien de l’Académie des beaux-arts, au sommet du cursus honorum, ils peuplent les salles de l’exposition.
Si la composition du jury connaît des réformes au cours du siècle (et même l’absence de jury en 1848 et une composition du jury déterminée par les artistes en 1870), son existence entraîne une distinction en trois statuts pour les artistes : exempt, reçu ou refusé…
Les artistes « exempts » qui ont le privilège de pouvoir exposer sans être soumis à l’épreuve du jury d’admission sont les académiciens et les médaillés des salons antérieurs. Ces exempts sont souvent jalousés.
Ce court Salon comique de Hadol, ci-dessous, présente une sélection d’œuvres, assez sanglantes, du Salon de 1874, encadrées par des bustes d’un artiste reçu au Salon et d’un artiste refusé :
Les nombreux artistes refusés cherchent une raison à leur échec. Ils l’attribuent à la laideur du modèle, à une maladresse de présentation…
à des raisons politiques…
Ils s’enquièrent de la recette pour être admis, du succès de leur œuvre devant le jury, et font l’objet d’une bien faible considération sociale….
Pour aller plus loin
- Toute la série de billets sur les Salons comiques et caricaturaux (en cours)
- La bibliographie sur les Salons comiques et caricaturaux
- Les mémos chercher & trouver « Salons et expositions artistiques en France » et en particulier les onglets Salons illustrés et Salons comiques
- La base Salons 1673-1914 (Musée d'Orsay-INHA) qui permet d’identifier les œuvres exposées
- Les séries de billets de blog Gallica La critique d’art et Femmes artistes à l’Académie
- Les sélections Gallica Presse satirique, Collection Deloynes
- Honoré Daumier et Gustave Doré dans les Essentiels de la BnF.
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