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Aix-les-Bains, « la reine des séjours et le séjour des reines »

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20 mai 2020

Les premières stations touristiques ont été créées pour des raisons médicales : les estivants partent prendre les eaux dans les villes thermales ou respirer  le grand air à la montagne ou encore s’adonner aux  bains de mer sur la côte. Si la santé constitue la première motivation de ces séjours, les curistes profitent rapidement de loisirs mondains ou sportifs pour se distraire en dehors des soins.

Les thermes remontent à l’époque romaine, mais c’est autour de 1850 que le thermalisme connaît son envol en France avec la construction d’établissements prestigieux. La commission des eaux minérales créée en 1854 lui confère un caractère scientifique. L’édification de thermes modernes dotés de douches et de piscines pour les soins s’accompagne de la construction d’hôtels luxueux, de parcs, de villas en périphérie. Aix-les-Bains fait partie de ces stations qui se développent sous le second Empire grâce au chemin de fer. Après le rattachement de la Savoie à la France en 1860, la célèbre compagnie Paris Lyon Méditerranée (PLM) raccorde en effet les villes savoyardes à son réseau.

La petite ville est aussi le point de départ d’excursions en montagne, en particulier au Revard, l’une des premières stations de sports d’hiver en France. En 1890, le docteur Monard invente le concept de « vallée climatérique Revard » (Elsa Belle, « Aix-les-Bains, carrefour de villégiatures : thermalisme, climatisme, sports d’hiver et bords de lac », In Situ [En ligne], 24 | 2014, mis en ligne le 21 juillet 2014, consulté le 26 mars 2020). Il délimite quatre zones, d’altitudes variées, et pouvant convenir à différentes pathologies. Une crémaillère relie Aix au Mont Revard de 1892 à 1937 pendant la saison estivale afin d’emmener les curistes en montagne. Enfin, Aix-les-Bains est située au bord du lac du Bourget, lac célébré par Lamartine, ce qui lui a permis de devenir également une agréable station balnéaire.
Aix-les-Bains se trouve donc à la confluence de plusieurs formes de tourisme que l’on retrouve dans les affiches des compagnies ferroviaires : tourisme thermal, mondain, balnéaire et alpin. A travers l’exemple de cette station savoyarde qu’apprend-on sur les origines du tourisme et sur son évolution ? Nous vous proposons de suivre son développement à travers des guides, gazettes et affiches conservés à la BnF et disponibles sur Gallica.

Aix-les-Bains : Le développement de la station thermale
Dès le milieu du XIXe siècle, Aix-les-Bains est une station thermale reconnue à la fois pour la qualité de ses eaux sulfureuses, pour la beauté de ses paysages et pour son offre de distractions.
En 1840, les cures de la ville « sarde » sont reconnues pour leur qualité médicale mais la station n’a pas encore acquis sa renommée internationale. On peut être étonné par les termes très modernes choisis par Pierre-Casimir Ordinaire dans Aix en Savoie et ses environs pendant la saison des eaux :

Aix possède des eaux qui guérissent, des sites admirables, des attentions et des soins pour les baigneurs à quelque condition qu’ils appartiennent, comme on en trouve nulle part ; aussi, disons-le franchement , Aix est plutôt le rendez-vous des malades que de la fashion ; les provinces y abondent plus que les capitales.

La « fashion » arrivera quelques décennies plus tard ! Mais déjà l’auteur au ton incisif décrit le curieux mélange de population, malades et dandys, que l’on trouve alors à Aix-les-Bains :

Cette ville présente alors le spectacle le plus curieux, l’assemblage le plus bizarre de toutes les douleurs et de toutes les jouissances humaines

La première occupation des curistes, une fois arrivés à leur hôtel, est, d’après l’auteur,  de consulter la liste des étrangers pour savoir avec qui se mettre en relation. Cette liste est publiée dans les gazettes successives de la ville.

Les curistes ont en effet leurs gazettes : le Journal d'Aix-les-Bains : revue des eaux thermales en 1853-54 , le Cosmopolite en 1889, la Gazette des étrangers de 1879 à 1898,  La Saison d'Aix-les-Bains : Journal indépendant. Echos de la vie élégante, théâtrale et sportive en 1899, le Bulletin des étrangers en séjour à Aix-les-Bains de 1913 à 1932 qui publient le programme des festivités et se font l’écho de la vie mondaine. Cette dernière revue, bilingue, publie la liste des étrangers (hors Savoie) : la plupart sont anglo-saxons mais on trouve des origines plus variées comme Alexandrie, Stockholm, Beyrouth et Rio de Janeiro. La revue déplore l’arrivée de vacanciers plus modestes dont les dépenses ne peuvent faire vivre les saisonniers.
Signe que les plaisirs de la bonne société ont acquis davantage de prix que les soins médicaux, la Gazette des étrangers n’hésite pas dans  son numéro du 7 septembre 1879 à ironiser sur le « malade sérieux » (entendez qui se prend au sérieux) qui attend avec impatience sa première douche :

  Le malade sérieux ne voit dans les stations thermales que l’action curative des eaux, et peu lui importe le reste. Il reste insensible devant la beauté grandiose des lacs, devant les enchantements des paysages, devant la puissance fascinatrice des courtisanes et la grâce pudique des jeunes filles à marier. La veine ou la déveine des plus forcenés joueurs le laisse froid ; il ne s’occupe que de ses rhumatismes, et le point douloureux où sa goutte le travaille est pour lui le centre de l’univers.
 

Le guide Chambéry, Aix-les-Bains, leurs monuments et leurs environs ; précédés d'un aperçu historique sur la Savoie ancienne et nouvelle, et suivis d'un appendice de renseignements utiles à l'étranger par Aimé Ferraris présente dès 1847 les aménagements d’Aix-les-Bains destinés aux loisirs des curistes : casino, billards, concerts, danses, théâtre… Le théâtre de verdure en particulier, situé dans le parc des thermes, donne des concerts et des spectacles destinés aux curistes.

Ce petit guide fournit toutes sortes d’informations pratiques sur les maladies soignées dans les thermes, les tarifs, les excursions et les hôtels.
L’offre hôtelière s’enrichit comme l’atteste ce guide de la Savoie à la couverture pittoresque représentant une savoyarde en costume régional, alors même que les costumes régionaux tendent à disparaître :

 

A côté des pensions de famille, sont construits des palaces comme l’hôtel Mirabeau qui surplombe la ville et qui peuvent accueillir une clientèle mondaine.

Une vie mondaine intense
Sur cette carte de la ville en 1907 (Aix-les-Bains. Echelle 1 à 7500 / E. Fonnédess., guides Pol), on repère les deux gares : celle du PLM et celle du train à crémaillère alors que le lac n’apparaît même pas. La station s’organise autour du parc, du Grand Cercle et de la Villa des Fleurs, donc autour des principaux centres de la vie mondaine.

 
 
Mais c’est à la Belle époque et dans les années 1920 qu’Aix-les-Bains connaît son apogée :

  « La reine des séjours et le séjour des reines » comme le rapporte le guide Aix-les-Bains. Grande Source Saint-Simon de 1910 :

 

Le guide Aix-les-Bains. Lac du Bourget. Revard. Texte et légendes, par André Chagny (1930) atteste de la fréquentation mondaine et cosmopolite de la station qui a cependant su conserver son charme savoyard : « la station thermale favorite des artistes et des chefs d’industrie, des hommes politiques et des têtes couronnées. »
 

 

Aix-les-Bains est une station thermale de renommée internationale, fréquentée par la reine Victoria ou l’Aga Khan.  Ce dernier y a célébré son troisième mariage en 1929.
 

 

Cette autre photographie de l’Agence Rol de 1921 atteste également de la présence d’un maharadja parmi les vacanciers.

 

Maharajah de Patiala [Bhupindra Singh], Aix-les-Bains

 
Le célèbre et prolixe affichiste F.Hugo d’Alési représente le lac du Bourget sur une affiche du PLM.  Il s’agit d’une composition de plusieurs illustrations, comme cela se faisait dans la plupart des affiches avant 1900, dont la principale montre la rive le soir encore sauvage et les montagnes en arrière-plan. Seules une ou deux barques signalent la présence des vacanciers. L’illustration principale contraste avec  le médaillon du bas présentant la vie nocturne de la station : une fête de nuit dans les jardins du parc. Comme on le voit, c’est au bord d’un simple bassin devant le casino que se déroule l’essentiel de la vie mondaine scintillante sous la lune. Les touristes en villégiature ne se sont pas encore approprié le lac.
Plus tardive, l’affiche de Cappiello symbolise l’atmosphère des années folles. Une femme rousse au sourire éclatant portant une guirlande de fleurs et une robe de soirée rouge se détache sur un fonds bleu foncé  composé du lac et de la montagne dont on reconnaît la forme caractéristique de la Dent
du Chat. Pour seul texte, le nom d’Aix-les-Bains. Ce sont les fêtes nocturnes qui sont ainsi mises à l’honneur. Aix-les-Bains restera fréquentée par les grands de ce monde encore dans les années 1950.
 
La montagne
L'indispensable, ou Guide de l'étranger à Aix-les-Bains fait un éloge hyperbolique d’Aix-les-Bains en 1862 :
Montagnes, plaines, lacs, grottes, rivières, forêts, cascades, le pittoresque et le gracieux, Aix-la-Belle offre tout cela à l’admiration des étrangers ; c’est une miniature des beautés naturelles disséminées dans le monde entier, c’est un véritable paradis terrestre.
Les paysages  variés font l’attrait de la station, en particulier les vues de montagnes.

 
Le guide publié par l’office de tourisme de Savoie ( La Savoie pittoresque : logements et hôtels, saison 1923 / Syndicat d'initiative de la Savoie, Chambéry) souligne l’importance des thermes mais aussi des nombreuses excursions en montagne possibles depuis Aix-les-Bains.

 
Le chemin de fer à crémaillère qui monte sur le Revard permet d’avoir un point de vue plongeant sur la ville et le lac. F. Hugo d’Alési , sur cette autre affiche du PLM joue sur les niveaux d’altitude. L’illustration principale représente Aix depuis le Revard, tandis que l’image secondaire présente un point de vue à peine surélevé sur le lac et que sur le petit médaillon, le train grimpe à travers la forêt en contre-plongée. Les possibilités graphiques des différences d’altitude qu’offre  la Savoie sont parfaitement exploitées dans une affiche encore très explicative. Les couleurs à dominante bleu-vert  sont celles le plus souvent associées aux paysages alpestres. Seul le vermillon du titre et des fleurs de montagne tranche sur ce fond très doux.
 

Vingt ans plus tard, Géo Dorival reprend un point de vue similaire pour une autre affiche du PLM conservée celle-ci par les bibliothèques spécialisées de la ville de Paris. Une seule image très graphique dessinée également depuis le Revard mais face au lac, plein Ouest. Les couleurs sont bien plus chaudes et lumineuses : ce sont celles d’une belle fin d’après-midi. Deux grands sapins en contre-jour rythment le vaste paysage qui se répartit sur plusieurs plans : la campagne et la ville, le lac, le mont du Chat et les montagnes des contreforts du Jura en arrière-plan. Le paysage dépourvu de représentation humaine est magnifié.

Le Mont Revard développe des activités de sports d’hiver. Certaines sont très étonnantes comme ce Concours de chars de montagne organisé par l'Automobile Club de France à Aix-les-Bains sur le Mont Revard  le 9 février 1921
 

La petite station du Revard est plus traditionnellement une station de ski, essentiellement de ski de fond. Elle a organisé la première descente aux flambeaux en 1913. Sa proximité avec Aix-les-Bains a fortement contribué à son succès avant qu’elle ne soit supplantée par des stations d’altitude au plus vaste domaine skiable.  La saison touristique s’étend alors à l’hiver.
Le lac
Bien qu’Aix-les-Bains soit  située au bord du lac du Bourget, elle ne deviendra station balnéaire que tardivement. Le canotage, les croisières pour l’Abbaye de Hautecombe ou les trajets sur le Rhône se développent bien avant la baignade. Aucune peinture de baigneuses  parmi les affiches ferroviaires comme on en trouve sur toutes les affiches de la côte normande à la même époque.
Au bord du lac, les marais sont remblayés.  Deux ports de plaisance sont construits. La célèbre plage municipale en style Art déco ne date que des années 1930.Auparavant, les baigneurs utilisaient des pontons pour franchir la rive vaseuse du lac et atteindre l’eau claire, comme l’atteste cette photographie prise par une famille parisienne en 1900 :

 

Voyages et loisirs d'une famille parisienne avril-juillet 1900
 

Les bords du lac sont très prisés comme lieu de promenade familiale. Cette affiche PLM de la Belle  époque montre la bonne société élégante en sortie : ombrelles, robes en dentelles et canotiers. L’activité nautique sur le lac du Bourget est multiple : barques, voiliers et bateaux à vapeur qui rejoignent le Rhône ou font la traversée pour l’Abbaye de Hautecombe.
Etrangement, l’affiche la plus récente (1927), qui  représente la grotte de Lamartine semble la plus ancienne. J de la Nézièrey rend hommage au poète plus d’un siècle après la parution des Méditations poétiques. Alphonse de Lamartine se souvient  de la jeune femme tuberculeuse, Julie Charles, qu’il avait connue en pension à Aix et implore la nature de conserver les souvenirs de leurs amours passées : « Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! »
 

La Grotte de Lamartine. Environs d'Aix les bains, le lac du Bourget et la chaîne du Revard.Chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée : J. de La Nézière 1927

Les tons bruns, le dessin hachuré inspirent la mélancolie. L’affiche rappelle aussi la venue de  l’un des premiers touristes du lac avant qu’Aix-les-Bains ne devienne une station connue. Une vision romantique du lac, source de nostalgie. Cette affiche marque la fin de la période de gloire d’Aix-les-Bains : une sorte de retour au début du tourisme et ce, au moment de son déclin.
Aix-les-Bains connaît un renouveau touristique depuis quelques années, après quelques décennies en demi-teinte. La période de 1860 à la fin des années 1920 a été particulièrement faste pour toutes les stations thermales, avant que d’autres formes de tourisme ne deviennent plus à la mode. Le tourisme alpin va davantage se développer dans des stations d’altitude, les bains sur les plages de la Manche, de l’Atlantique et de la Méditerranée. Le tourisme mondain passera au second plan avec  le développement du tourisme de masse. Aix-les-Bains a connu l’ensemble de ces évolutions et tire actuellement profit du développement des spas : la recherche du bien-être s’ajoute aux cures de santé. Comme d’autres villes confrontées au déclin de leur activité thermale, Aix-les-Bains adéveloppé d’autres axes de valorisation, centrés principalement autour du lac, toujours très attractif. Dès 2000, le lancement du projet « Grand lac » à permis de concilier la revégétalisation et la protection des berges, la restauration des écosystèmes détruits par les aménagements précédents avec la création d’espaces de promenade ; depuis 2002, la ville accueille également le festival pop-rock « Musilac » qui s’est fait une place dans la programmation française. 

Pour aller plus loin :

 

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