Derniere dépêche : Albert Londres dans Gallica
Le Petit Journal illustré, 29 mai 1932
Figure emblématique du grand reportage, Albert Londres pose durant sa carrière quelques jalons essentiels du journalisme moderne : la reconnaissance d’une signature, une certaine indépendance qui le fait changer plusieurs fois de rédaction, ainsi qu’une volonté de se déplacer sur le terrain pour rendre compte le plus fidèlement possible de la réalité. Ce souci s’accompagne toutefois chez lui d’une certaine subjectivité du regard liée à l’héritage d’un journalisme écrit à dominante « littéraire ».
Albert Londres naît à Vichy en 1884 dans un milieu modeste. Ses débuts de journaliste datent de 1904 : il devient correspondant à Paris du journal lyonnais Le Salut Public puis deux ans après journaliste parlementaire au Matin. La Première guerre mondiale marque une véritable rupture dans sa carrière en même temps que dans sa façon d’appréhender son métier. Il se rend sur la ligne de front et devient de fait le premier correspondant de guerre français. Sa série d’articles signés sur le bombardement de la cathédrale de Reims en septembre 1914 est remarquée et lui permet d’accéder à une certaine notoriété.
En 1915 il passe au Petit Journal dont le directeur, Stephen Pichon, accueille favorablement son projet de reportage sur le front d’Orient. Il entame une série d’articles qui le conduisent dans les Dardanelles, en Serbie, en Roumanie, en Bulgarie ainsi qu’en Grèce. Le reporter y parfait son style, entre récit de voyage, analyse politique et mise en situation de lui-même, au plus près des soldats et des combats.
Le Petit Parisien, 8 août 1923
A partir du 8 août 1923, il publie dans les colonnes du Petit Parisien ses articles sur le bagne de Cayenne. Il clôt son reportage par une lettre ouverte au ministre des Colonies, Albert Sarraut, lui enjoignant de réformer le bagne de Guyane. Il décrit sans complaisance les conditions de vie des détenus et dresse de ceux-ci des portraits extrêmement vivants : Hespel le Chacal, ancien bourreau, ou encore Benjamin Ullmo, accusé d’espionnage pour payer les frais d’entretien de sa maîtresse. Il y rencontre également Eugène Dieudonné, soupçonné d’avoir appartenu à la bande à Bonnot, et qui n’a de cesse de clamer son innocence. Albert Londres prend fait et cause pour lui. Quelques années plus tard, Dieudonné s’évade de Cayenne et se réfugie au Brésil. Juste avant son extradition, Londres le ramène en France où s’ouvre un second procès au terme duquel Dieudonné est gracié. Les articles en rapport avec cette affaire sont publiés par Le Petit Parisien du 6 novembre au 26 novembre 1927.
Dès 1923 sa notoriété est suffisante pour que ses reportages soient publiés par l'éditeur Albin Michel. Paraissent ainsi notamment ses enquêtes sur les bagnes militaires (Dante n’avait rien vu, 1924), la politique coloniale française en Afrique noire (Terre d’ébène, 1929), le sort des Juifs à la recherche d’une patrie (Le Juif errant est arrivé, 1930) ou encore le terrorisme dans les Balkans (Les Comitadjis, 1932).
De retour d’un reportage sur le conflit sino-japonais et détenteur d’informations dont il ne révélera jamais la teneur, Albert Londres disparaît dans le naufrage du paquebot Georges-Philippar le 16 mai 1932, au large de Gardafui, dans la Mer Rouge. Elie-Joseph Bois, qui l’avait toujours soutenu dans sa carrière, lui rend hommage dans Le Petit Parisien du 6 juin 1932.
Le Prix Albert Londres, créé dès 1933 par sa fille Florise afin de rendre hommage au travail de son père, récompense chaque année le meilleur grand reporter de la presse écrite.
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