Splendeurs romanes de Moissac
Le blog de Gallica vous invite à découvrir aujourd'hui les manuscrits du scriptorium de Moissac numérisés dans le cadre du programme France-Angleterre 700-1200.
Un important légendier de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac conservé à la BnF (mss. latins 17002 et 5304) vient de faire l’objet d’une étude collective (Le légendier de Moissac et la culture hagiographique méridionale autour de l’an mil, études réunies par Fernand Peloux, Turnhout : Brepols, 2018). L'occasion pour le blog de Gallica de revenir sur les nombreux manuscrits moissageais de la BnF numérisés et décrits dans le cadre du programme France-Angleterre mené en partenariat avec la British Library grâce à un mécénat de la fondation Polonsky. Ils sont désormais accessibles sur le site Gallica marque blanche "Manuscrits médiévaux, France – Angleterre 700-1200".
Réalisés pour la plupart vers le milieu ou la seconde moitié du XIe siècle dans le scriptorium de Moissac, ces manuscrits témoignent avec éclat de l’activité intellectuelle et artistique de l’abbaye qui était alors en plein essor, un essor qui est également illustré par la consécration de la nouvelle église en 1063 et l’achèvement de la construction du nouveau cloître en 1100.
Copiés pour les besoins de la vie monastique, centrée autour de la prière, de la méditation autour de la Bible et de l’étude, ces manuscrits renferment aussi bien des Bibles et des livres liturgiques que des écrits des Pères de l’Eglise, des vies de saints ou des textes profanes.
Nombre d’entre eux sont enluminés dans le style aquitain qui irriguait à l’époque romane le Sud-Ouest de la France et était pratiqué notamment à Saint-Martial de Limoges. Ce style se caractérise par une ornementation faite de brins d’entrelacs géométriques réservés et noués en paquets, de palmettes stylisées, un cadre en escalier et une palette vive et contrastée.
Le second volume d’une Bible (BnF latin 135) et le premier tome d’un Commentaire sur les Psaumes de saint Augustin (latin 1983) en présentent des exemples particulièrement aboutis. Certaines de leurs enluminures sont dues à l’un des peintres les plus talentueux du scriptorium moissageais à la fin du XIe siècle, que l’on appelle le "peintre de la Bible".
A cette époque, les artistes n’étaient pas toujours spécialisés dans l’enluminure, et nombre d’entre eux exerçaient aussi les fonctions de copistes, ce qui explique l’importance de la lettre ornée dans l’économie de la page des manuscrits de cette époque.
Si la plupart sont simplement ornées d’entrelacs et de motifs zoomorphes, certaines ont également reçu un décor figuré, comme dans cet Homéliaire du milieu du XIe siècle où le Christ est représenté trônant en majesté dans la panse de l’initiale P introduisant un sermon de saint Augustin en l’honneur de la fête de Pâques:
Tous ces manuscrits faisaient à l’origine partie de la bibliothèque monastique de Moissac dont 144 volumes ont rejoint au XVIIe siècle les collections de la bibliothèque de Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), grâce à l’entremise de son bibliothécaire Etienne Baluze, puis au XVIIIe siècle celles de la bibliothèque du roi, lorsque celle-ci a fait l’acquisition en 1732 des quelques 6000 manuscrits de Colbert après la mort de ce dernier auprès de ses descendants. Nombre d’entre eux ont conservé leur reliure de maroquin rouge aux armes de Colbert, d’or à la couleuvre ondoyante (des armes parlantes, puisqu’en latin, "couleuvre" se dit "coluber", un terme étymologiquement proche du nom de Colbert, si l’on ôte le "u").
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