Henri Rivière dans Gallica
Une part majeure de l’œuvre de l’artiste décédé en 1951 est conservée au département des Estampes et de la photographie de la BnF. Le fonds va être entièrement numérisé et accessible à tous.tes dans Gallica à partir de cette année.
Peintre-graveur, lithographe, aquarelliste….Henri Rivière a exploré l’estampe dans toute l’ampleur de ses possibilités et l’a renouvelé par l’apport de l’estampe japonaise. Le blog de Gallica vous propose une petite exploration de son œuvre.
Henri Rivière commence sa carrière comme secrétaire de rédaction et illustrateur au journal Le Chat noir, associé au cabaret de Montmartre du même nom. Grâce à cette activité alimentaire, au sens propre (il dîne au cabaret), il rencontre de nombreux autres artistes de la bohème artistique parisienne de l’époque : Willette, Henry Somm, Steinlen…
Ce sont sans doute ses amis du Chat noir qui l’incitent à s’initier à la gravure, et plus particulièrement aux techniques de l’eau-forte, aux « cuisines » (comme on les appelle alors) qui associent aquatinte, pointe sèche, vernis mou.
C’est donc en tant que peintre-graveur attachés aux expérimentations diverses, décidé à n’être affilié à aucun courant artistique qu’Henri Rivière commence sa carrière. Son indépendance d’esprits et son refus des conventions se traduit par exemple par son appartenance à l’association « Les harengs saurs épileptiques baudelairiens et antiphilistins », fondée avec plusieurs amis artistes.
En 1886, Rodolphe Salis, directeur du Chat noir, confie à Henri rivière la direction artistique et technique du théâtre d’ombres.
Jusqu’en 1897, date de la fermeture du théâtre, Henri Rivière réalise les tableaux de plusieurs spectacles (La Tentation de Saint Antoine, La Marche à l’Etoile, L’Enfant prodigue, Clairs de Lune, Le Juif errant) et supervise les autres, de L’épopée de Caran d’Ache ou Le Sphinx d’Amédée Vignola.
Plébiscités par la critique de l’époque, ces spectacles d’ombres sont pour Rivière l’occasion de déployer une ingéniosité et une virtuosité technique impressionnantes, notamment avec des effets chromatiques obtenus par la superposition de verres translucides, dont son œuvre portera durablement l’esthétique.
Henri Rivière ne poursuit pas dans la voie de décorateur-scénographe toute tracée qui s’offre alors à lui. En 1889, date charnière dans sa carrière, Rivière fait figure de pionnier en réalisant pour le Théâtre Libre d’Antoine sa première lithographie en couleurs intitulée Paris en hiver.
C’est à cette époque également qu’il effectue ses premiers essais de gravure sur bois.
Membre fondateur de la Société des Peintres-graveurs, avec les initiateurs Félix Bracquemond et Henri Guérard, mais aussi Jules Chéret, Marcellin Desboutin, Auguste Rodin, Henry Somm…, il expose en 1890 et en 1891 des pastels, des aquarelles et gravures sur bois exécutées à la manière japonaise.
« Tous les procédés lui sont bons et aussi tous les genres. »
Léonce Bénédicte, « L’exposition des peintres-graveurs », L’artiste, 1890, page 168.
En 1892, les séries Paysages bretons et La Mer, études de vagues, gravures sur bois en couleurs, font sensation. A l’issue de nombreux essais, il parvient en effet à retrouver les techniques de gravure des artistes japonais, dans une démarche voisine de celle que Mary Cassatt opère presqu’au même moment avec l’eau-forte.
Toutefois, parallèlement à ces procédés contraignants et chronophages, Rivière suit de près les progrès de la lithographie en couleurs, qui le séduit par sa simplicité et ses possibilités de diffusion multiple.
Son œuvre de lithographe, abondant dans les années 1890-1900, lui permet de produire des images plus « démocratiques » destinées à plaire au plus grand nombre.
Après les Trente-six vues de la Tour Eiffel, publié au format d’un livre d’image, Rivière fait paraît des lithographies de grand format : les Aspects de la nature, suite composée de 12 lithographies en couleurs, Paysages parisiens (8 lithographies), La Féérie des heures (16 lithographies). Dans ces séries, l’influence des maîtres japonais Hokusai (1760-1849) et Hiroshige (1797-1858) est prépondérante. Grand collectionneur d’estampes de l’ukiyo-e, Henri Rivière est en effet un représentant majeur du japonisme en France. S’il appréhende au début cet univers par le biais d’expositions, de publications d’antiquaires et collectionneurs spécialisés (Louis Gonse, Siegfried Bing, Edmond de Goncourt, Florine Langweil, Henri Vever), à une époque où artistes, écrivains, critiques d’art baignent dans cette mode, Rivière devient par la suite un connaisseur érudit. Son amitié avec Tadamasa Hayashi, qui lui demande de réaliser ses peintures murales pour la salle à manger de sa future maison à Tokyo en étant rémunéré en « marchandises », lui permet de constituer une grande partie de sa magnifique collection d’estampes japonaises.
L’influence, revendiquée et marquée par l’utilisation d’un sceau japonais réalisé par son ami George Auriol, est aussi bien thématique que technique et stylistique : le principe même de la série, réalisée sur plusieurs années, qui peut être consacrée à un site sous des angles variés et à des moments différents. Utilisant des formats inspirés par les kakémonos, Rivière emprunte à Hokusai et Hiroshige des cadrages, des effets de lumière, une utilisation de la couleur et le recours à la série qui permet de décliner un même motif sous des points de vue et à des moments différents.
L’autre aspect marquant de l’œuvre de Rivière est la fascination pour la Bretagne. Après un premier album en 1886, Les Farfadets, dont on peut surtout retenir la veine humoristique et fantastique, Henri Rivière devient un parisien amoureux de la Bretagne. Il fréquente aussi bien la Cornouaille que la côté Nord de la région et y passe l’essentiel de ses étés. En 1895, il fait construire sa maison, Landiris, à Loguivy, près de Paimpol. Il représente ainsi inlassablement les mêmes paysages dans les suites La Mer, études de vagues et Paysages bretons. De 1898 à 1817, il alimente la série Beau pays de Bretagne, dont l’imprimeur Verneau édite des calendriers. Rivière voyagera en Provence, en Savoie, en Normandie, Auvergne, en Ile de France, dans le Périgord et les Pyrénées. Mais aucune de ces destinations n’alimentera comme la Bretagne son ambition de « rendre sensibles les aspects de la nature ».
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