Le transit de Vénus : les expéditions astronomiques françaises en 1761 et 1769
Les prémices des découvertes astronomiques sur le transit de Venus
En 1629 Johannes Kepler indique les futures dates du passage de Vénus devant le Soleil. Il les prédit pour 1631 et 1639 puis 1761 et 1769, selon un double cycle, de huit ans pour la phase brève et de plus d’un siècle pour la phase longue. Les passages de 1631 et 1639 sont très peu étudiés car l’enjeu scientifique n’est pas encore défini. Seul l’astronome anglais Jérémie Horroxe observe le phénomène en 1639. Cependant, dès 1677 puis entre 1691 et 1716, Edmond Halley montre que le passage de Vénus devant le Soleil permet de calculer la distance entre la Terre et le Soleil par la méthode de la parallaxe (on trouvera le calcul détaillé par Dubois Edmond-Paulin dans Les passages de Vénus sur le disque solaire). En 1760 le français Joseph-Nicolas Delisle établit une carte des lieux d’où l’on pourra le mieux observer le passage de 1761.
Les expéditions de 1761
Ces expéditions se déroulent durant la guerre de sept ans (1756-1763) qui oppose la France à l’Angleterre. L’Académie royale des sciences envoie trois savants français pour mesurer la distance Terre-Soleil grâce au transit de Vénus devant le soleil le 6 juin 1761. Il s’agit de Guillaume le Gentil de la Galaisière, du Père Alexandre-Guy Pingré et de l’Abbé Jean Chappe d’Auteroche.
Guillaume Le Gentil de la Galaisière embarque à Brest sur le Berryer le 17 mars 1760. Il arrive à L’île de France (actuelle Île Maurice) en juillet 1760 soit près d’un an avant le rendez-vous du 6 juin 1761, afin de préparer au mieux son installation et ses futures observations. La guerre empêche Le Gentil de poursuivre jusqu’à Pondichéry, territoire français en Inde. Pourtant, en février 1761, des nouvelles urgentes venues d’Europe incitent le gouverneur de l’Île de France à envoyer la frégate «la Sylphide» à Pondichéry. Le Gentil a de nouveau l’espoir d’arriver à temps.
Hélas, le 24 mai, devant Mahé, un des comptoirs du territoire, la Sylphide est avertie que cette ville et Pondichéry sont aux mains des anglais. Sans espoirs d’arriver à bon port, Le vaisseau et Le Gentil font demi-tour. Le 6 juin l’astronome essaie de faire ses mesures sur le navire mais, du fait des mouvements du navire, elles sont trop imprécises et sans véritable valeur scientifique. Il décide donc de rester dans la région, pour des travaux à l’Île de France, Madagascar, aux Philippines ou en Inde, jusqu’au prochain transit, prévu huit ans plus tard, le 3 juin 1769.
Le père Pingré à l’île Rodrigue (Océan Indien)
Le Père Pingré doit se rendre à l’île Rodrigue à environ 500 kilomètres à l’Est de l’Île de France. Il embarque à Lorient le 29 novembre 1760 à bord du Comte d’Argenson. Dès la pleine mer, le bateau est pris en chasse par les anglais mais réussi à fuir grâce aux manœuvres de son capitaine, Marc Joseph Marion du Fresnes. Après le Cap de Bonne espérance, le vaisseau croise la route d’un autre navire français ; son Capitaine, M. Blin, de grade supérieur à Marion-Dufresne, exige et obtient l’escorte du Comte d’Argenson jusqu’à l’Île de France, retardant de plusieurs semaines le but à atteindre. Avec l’appui du gouverneur de l’Île de France, le Père Pingré peut repartir et arrive sur l’Île Rodrigue le 27 mai 1761, soit quelques jours seulement avant le 6 juin, date du transit de Vénus.
Pingré s’installe dans la plus solide des cabanes délabrées d’une île quasi déserte et à l’abandon, en dehors du gouverneur et de quelques esclaves qui y vivent très sommairement ; une île en outre très peu défendue contre les attaques extérieures. Le jour venu, Pingré reste en plein air pour observer le transit ; quelques nuages surviennent mais se retirent rapidement lui permettant de faire ses mesures. Les mésaventures du Père Pingré ne sont pourtant pas finies : par deux fois les anglais canonnent et pillent l’île dans les jours qui suivent ; le bateau français et un autre déjà présent dans le port sont brulés ; le Père Pingré et ses instruments ne sont pourtant pas malmenés et même respectés. Quelques temps plus tard, un autre navire français aborde l’île et Pingré peut commencer son voyage de retour. Le bateau est à nouveau arraisonné en mer par les anglais qui débarquent l’astronome à Lisbonne, au Portugal. Pingré peut enfin rentrer en France mais par la route.
Jean Chappe D’Auteroche à Tobolsk
Puis c’est Varsovie en Pologne pour rejoindre Saint-Pétersbourg en Russie où il obtient les autorisations de continuer vers la Sibérie en mars 1761. Il souhaite emprunter le plus possible les voies fluviales plus sures. En traineau, un temps sur terre puis sur le fleuve Oka gelé, il atteint Nijni Novgorod et la Volga qu’il suit en partie. A travers d’immenses forêts il rejoint la rivière Viatka, un affluent du fleuve Kama qui le mène à la ville de Solikamskaïa. De là il lui reste à franchir une cinquantaine de kilomètres dans les monts Denelkin et Kontcharov, en suivant les lits de diverses rivières, pour arriver le 10 avril au bout de son long périple : Tobolsk où l’attendent déjà plusieurs astronomes russes.
Vue de Tobolsk. / J.B. Le Prince del. ; J.M. Moreau le jeune ; J.B. Tilliard sculp., 1764-1768
Les voyages des astronomes français en 1761 permettent de poser les bases internationales sur la mesure de la distance de la Terre au Soleil. Huit ans plus tard d’autres expéditions permettront de préciser ces premiers résultats.
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Très intéressant
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