Une invention culinaire du Second Empire : la margarine
Mal-aimée des tables françaises, la margarine est pourtant née dans ce pays. Tout débuta en 1869 sous l'impulsion de l'empereur Napoléon III qui avait souhaité la création d'un produit de substitution au beurre ordinaire, moins cher et qui se conserve bien pour la marine et les classes peu aisées.
Le "beurre de bœuf" obtint le droit de mise sur le marché en avril 1872 après enquête du Conseil d'Hygiène et de Salubrité de la Seine menée auprès de savants et "d'experts de la halle aux beurres". Mais une condition fut requise : en aucun cas la margarine ne devait être nommée beurre. Dans un premier temps il semble que la modicité du prix (la margarine coûtait entre 1,20 et 1,40 franc la livre alors que le beurre s'achetait entre 3 et 8 francs comme le souligne un petit article de presse de 1874 intitulé "Curiosité") ait apporté un certain succès à l'ersatz graisseux qui avait trouvé de fervents partisans, au point qu'il y eut des contrefaçons qui fit entrer le faux-beurre dans la catégorie des faits-divers. Mais son mode de fabrication en étonnait certains et son goût (fort en cuisson) en écœurait d'autres. Rapidement on se demanda si ce produit industrialisé était bien digeste pour un estomac, en particulier pour les malades car les hôpitaux de Paris en faisaient une grande consommation. En 1879 l'Académie de Médecine fut saisie par le ministre de l'Intérieur pour se pencher sur le "cas Margarine" et plus particulièrement sur ses capacités à être assimilée par le corps humain. Les médecins conclurent "qu'une partie seulement était digestible, et que c'était donc une perte d'argent et une perte alimentaire". De plus, la graisse animale utilisée (bœufs, porcs) n'était pas toujours (loin s'en faut) de première qualité, les produits importés de l'étranger recelaient parfois de terribles surprises, comme ce lot en provenance des Etats-Unis dans lequel on détecta du plomb, de la craie, de la vaseline et de la houille !
Mais pendant ce temps-là, la margarine prit son envol à l'étranger notamment dans les pays du nord de l'Europe et des Amériques. Bien vite des chercheurs parvinrent à résoudre le problème de l'utilisation de la graisse de bœufs (chère et peu pratique) par l'utilisation d'huiles végétales (bon marché et aisées à intégrer à la composition). Les Pays-Bas en particulier développèrent une industrie à grande échelle qui émerveilla le journaliste de la revue Le Panthéon de l'industrie en juillet 1891. Le rêve de Mège-Mouriès s'accomplissait, mais hors des frontières nationales. La légende raconte une fin cruelle pour cet inventeur. Sur son lit de mort, il se serait écrié : "Non vraiment, rien ne vaut le beurre !".
Fondation Napoléon
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