Les femmes pionnières de la conquête de l’air
Les femmes ont été présentes dès le début de la conquête de l’air et de l’espace, contribuant à l’essor de l’aviation et ouvrant ainsi la voie à de futures carrières féminines. Ouvrons notre série consacrée aux femmes et à l'aviation par un premier épisode sur les pionnières oubliées.
Héroïnes souvent oubliées de l’histoire, elles n’ont pas toujours été reconnues à leur juste valeur et leurs prouesses sont parfois méconnues. Elles ont pourtant réussi à s’imposer professionnellement là où les hommes ne les attendaient pas toujours.
Trois marquises en montgolfière
En 1783, quelques mois après la première ascension humaine en montgolfière, trois marquises, accompagnées de Pilâtre de Rozier, s’élèvent en ballon au-dessus de Paris, démontrant ainsi que la constitution physique des nobles dames résistait aussi bien à l’altitude que celle des animaux ou des hommes. En 1784, la lyonnaise Elisabeth Tible (parfois écrit "Thible"), malgré l’interdiction du roi Louis XVI qui estime que seuls les nobles pouvaient s’élever dans le ciel, réussit à s’envoler en ballon à 3 500 mètres, parcourant 3 kilomètres en présence du roi de Suède, invité pour l’occasion.
Au fil des ans, des aéronautes vont se manifester : Sophie Armant, (mariée à Pierre Blanchard qui effectua la première traversée de la Manche en 1785) devient aéronaute professionnelle sous Napoléon Ier et effectue les premiers essais de vol de nuit.
On peut aussi évoquer les sauts en parachute de Jeanne Labrosse et d’Elisa Garnerin, respectivement en 1797 et 1822, exigeant courage et résistance physique de celles qui appartenaient au sexe dit "faible".
Aida de Acosta, jeune cubaine résidant à Paris ose piloter en 1903 un dirigeable de Santos Dumont. En 1919, Gaby de Morlaix est brevetée pilote de dirigeable, avant de se lancer dans la vie artistique sous le nom de Gaby Morlay.
Les femmes accompagnent aussi l’émergence des plus lourds que l’air. Ainsi quelques mois après les exploits de Santos Dumont, Henri Farman et Louis Blériot, trois femmes obtiennent officiellement le brevet de pilote-aviateur en 1910 : Elise Deroche, dite la baronne de Laroche, Marie Marvingt et Marthe Niel.
Des amazones de l’air instruites et passionnées
Elise Deroche (brevetée numéro 36) est officiellement la première femme aviatrice. Artiste, belle et élégante, après s’être initiée au vol en ballon elle se spécialise comme pilote de démonstrations aériennes. Marie Marvingt, sportive de haut niveau, femme de lettres, ne cessera de voler durant sa longue vie, en ballon, avion, hydravion et même hélicoptère. Durant la guerre de 1914, elle est à l’origine de l’aviation sanitaire.
La Revue Aérienne du 10 mars 1912 s’intéresse aux spécificités vestimentaires des aviatrices, essentielle association d’élégance et d’efficacité.
L’aviation, à cette époque est une activité sportive, spectaculaire mais dangereuse, nécessitant courage et maîtrise de soi. Ces amazones de l’air, bien nées, instruites, ayant du caractère, mais écartées à l’époque de la plupart des métiers, qui restent réservés aux hommes, s’engouffrent avec passion et compétence dans cette activité nouvelle, non encore normée, leur permettant de s’affirmer et de se faire un nom.
L’aviation civile prend son essor après la Grande Guerre, se démocratise et se professionnalise. Une nouvelle génération d’aviatrices apparaît, dont le but n’est plus de se faire un nom, mais d’assouvir une passion et d’exercer un métier.
Adrienne Bolland, brevetée pilote en 1920, est embauchée par l’avionneur René Caudron pour essayer ses avions et comme pilote de démonstration.
En mission en Amérique du Sud, elle réussit le 1er avril 1921 à franchir la cordillère des Andes (4200 mètres), dix ans avant Mermoz et Guillaumet. Elle remporte aussi plusieurs records, s’affirmant par ses compétences face à ses collègues masculins.
Maryse Hilsz (parfois écrit Hilz), pilote de transport public, accomplit des raids et des vols d’exploration à destination de Saigon, Tananarive, Tokyo… Dans les années 1930, à la même époque, les pilotes de l’Aéropostale volaient en Amérique du sud, mais les exploits de Maryse Hilsz seront moins médiatisés. Néanmoins, elle établit de nombreux records, dont celui de la distance seule à bord en 1931.
Maryse Bastié, pilote de démonstration des avions Potez, est quant à elle détentrice de nombreux records de distance et de durée de vol (38 heures en 1930, battant ainsi le record mondial, hommes et femmes confondus). Elle crée une école de pilotage à Orly. Après avoir été résistante durant la guerre, elle devient pilote militaire en 1944.
A la même époque, Hélène Boucher, surnommée "la grande mademoiselle de l’air", devient une virtuose de l’acrobatie aérienne et des courses de vitesse où elle représente la maison Caudron-Renault et ses avions de compétition. Elle remporte le record de vitesse toutes catégories en 1934, surclassant ses concurrents masculins.
Les aînées ont ouvert la voie
Bien d’autres noms d’aviatrices françaises et étrangères ont marqué l’histoire aéronautique : Léna Bernstein, Madeleine Charnaux, Amélia Erhart, Amy Jonhson (1929, première femme brevetée mécanicien sol en Angleterre puis pilote), Elisabeth Boselli (première Française macaronée pilote de chasse en 1946), Jacqueline Auriol…
Les femmes continuent à s’affirmer dans le monde de l’aviation. Les métiers de l’aéronautique civile et militaire s’ouvrent progressivement. Une victoire pour toutes celles qui ont dû lutter dès le début de la conquête de l’air et de l’espace.
Pour aller plus loin...
- La mode chez les aviatrices – La revue aérienne, n° 82, 10 mars 1912, p. 125 à p. 128.
- Les femmes dans l’Aéronautique – La revue aérienne, n°92, 10 août 1912, p. 421 à p. 425.
- Les débuts d’une Aéronaute – La Vie au Grand Air, n° 66, 17 décembre 1899, p. 161 à 162.
- Mon vol le plus émouvant, Marie Marvingt – La Vie au Grand Air, n° 638, 10 décembre 1910, p. 897.
- Pour la coupe Femina – La Vie au Grand Air, n° 675, 26 août 1911, p. 570.
- Les parachutes au début de l’aérostation – La Revue Aérienne, n° 121, 25 octobre 1913, p. 573 à 576.
- Seule avec le ciel – Aviation Française, n° 20, 20 juin 1945, p. 7.
- Il y a 9 ans Maryse Bastié vengeait Mermoz – Aviation Française, n° 47, 26 décembre 1945, p. 6.
- Adrienne Bolland, un garçon manqué – Aviation Française, n° 61, 3 avril 1946, p. 6.
- Andrée Dupeyron, Marie Marvingt – Aviation Française, n° 66, 8 mai 1946, p. 8-9.
- La femme et l’avion – Échos de l’air, n° 1, mars 1947, p. 11.
- Comment je suis montée à 5 500 mètres – Aviation Française, n° 162, 28 avril 1948, p. 8.
- Une femme survole la Cordillère des Andes – Concorde, n° 290, 6 avril 2011, p. 5.
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Bernard Pourchet
Bernard Pourchet est ingénieur. Il débute sa carrière à Sud Aviation Toulouse (prototype Concorde), il rejoint ensuite Air France où il sera responsables d’organismes (Entretien Avion, Commissariat Aérien, …) et Directeur de la Postale de nuit.
Aujourd’hui à la retraite, il se consacre à l’aspect historique de sa passion ; il est vice-président de l’association Musée Air France, membre de l’Académie de l’Air et de l’Espace et de l’Aéro-club de France.
Il écrit des articles ou chroniques aéronautiques et participe à des projets de sauvegarde du patrimoine Aviation.
Commentaires
records féminin Air France
merci de nous proposer des sujets aussi intéressants..et plein de recherches de qualité
la conquête de l'espace des pionnières parmi les articles ou chroniques sont des chefs d'œuvre pour le patrimoine
Élisabeth Tible
Bonjour, Pourrriez-vous corriger Thible en Tible ? Les preuves (acte de mariage, minute notariale, écrits de 1784 en note et en bibliographie) sont ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Élisabeth_Tible
Elisabeth Tible
Bonjour,
Merci de votre lecture attentive. La correction a été apportée en tenant compte de la réalité de certaines publications.
Bien cordialement,
Sophie Armant
Un défaut de relecture? Une inexactitude "Sophie Armant, (mariée à Pierre Blanchard qui effectua la première traversée de la Manche en 1785) devient aéronaute professionnelle sous Napoléon III ". Sophie Armant, morte le 1er 6 juillet 1819 dans un accident de ballon, fut en réalité aéronaute professionnelle (et officielle) de Napoléon 1er.
Sophie Blanchard-Armant
Bonjour,
Merci de votre lecture attentive, l'erreur a été corrigée.
Bien cordialement,
Helene Boucher
Bonjour ,
....et Helene Boucher ...?
Hélène Boucher
Bonjour,
Un paragraphe de quatre lignes est réservé à Hélène Boucher, mais il n'y a pas d'illustration associée.
Bien cordialement,
Sophie Blanchard-Armant
Elle fut ministre de Napoléon 1er, pas IlI,
Morte le 6.7.1819 dans la chute de son ballon, d’après Wikipedia qui paraît plausible.
Merci pour l’article.
Sophie Blanchard-Armant
Bonjour,
Merci de votre lecture attentive, l'erreur a été corrigée.
Bien cordialement,
Erreur concernant Sophie Blanchard
Sophie Blanchard que vous signalez dans le commentaire est devenue "aéronaute" professionnelle, la première au monde sous Napoléon 1er dont elle fut ministre et non Napoléon III ; elle se tua en ballon en 1819 au Tivoli.
"Sophie Armant, (mariée à Pierre Blanchard qui effectua la première traversée de la Manche en 1785) devient aéronaute professionnelle sous Napoléon III ..."
Sophie Blanchard
Bonjour,
Merci de votre lecture attentive, l'erreur a été corrigée.
Bien cordialement,
Ajouter Mme Janette Poujade
Bonjour,
pouvez-vous citer également Janette Poujade, une femme formidable qui nous a quitté il y peu de temps. Son parcours est mentionné sur les pages https://www.dico-mots.fr/mots-croises/pionni%C3%A8re+de+l%27aviation.html et https://www.ouest-france.fr/economie/transports/avion/janette-poujade-pi...
Janette Poujade
Bonjour Madame
Merci de votre commentaire évoquant la mémoire de Madame Janette Poujade.
Vos informations sont pertinentes au sujet de cette pionnière titulaire de records et performances ; elle est l’une des premières, voire la première femme officier de l’armée de l’air.
Il est regrettable qu’elle ne soit pas connue.
L’auteur du billet, Bernard Pourchet possède plusieurs ouvrages sur les femmes et l’aviation et n’en a trouvé qu’un seul faisant référence à Janette Poujade (Dictionnaire universel de l’aviation de Bernard Mark).
Bernard Pourchet se propose de faire mentionner cette pionnière trop oubliée dans l’ouvrage de référence de l’Académie de l’air et de l’espace (Les français du ciel - Dictionnaire historique) ; et il va aussi faire part de votre information à l’Association française des femmes pilotes qui produit une plaquette citant les principales aviatrices.
Encore un grand merci de votre message qui élargit la connaissance des aviatrices remarquables et permet d’enrichir les documents qui font vivre leur mémoire.
Naturellement, la Bibliothèque nationale de France, par l’intermédiaire de Gallica contribue largement à la diffusion de ce savoir.
Bien cordialement.
Passionnant
Bonjour,
Travaillant dans l'aéronautique (les moteurs d'avion), j'ai trouvé cet article passionnant. Je n'avais pas conscience et connaissance de toutes ces pionnières d'avant le 20ème siècle. Une femme aéronaute ET ministre dans les années 1785, incroyable !
J'ai également trouvé tous les commentaires enrichissant notamment celui sur Janette POUJADE.
Merci à tous
CETTE FEMME EST
CETTE FEMME EST EXTRAORDINAIRE
Merci
Merci de nous ouvrir à des lectures sur ces femmes extraordinaires que furent les premières aviatrices.
J'appris et me promets de lire les ouvrages de référence cités pour mieux appréhender la vie de ces héroïnes dont la passion fut aussi souvent à l'origine de leur courte vie l'aviation d'alors n'étant pas aussi sécurisée que celle que nous connaissons aujourd'hui.
Merci encore à l'auteur.
Caroline Aigle
Cette femme première pilote de chasse française au nom prédestiné, extrêmement douée mériterait une place dans cette prestigieuse liste. Son décès soudain si jeune nous a certainement privé d’autres exploits.
Amalia Villa de la Tapia
In 1927 the first bolivian aviatrix go to france and get her second "brevete" in the Crotoy Aviation School of Caproni, have you more information about her, before or after this event, she has a fantastic anecdota when her plane sufer an air failure and stop in flight, she soar the plane to the Somme river, where the stonishing fisherman rescue her impresed to see a woman like a pilot...
Melle Defrançois Imelda, pilote aviatrice.
Bonjour
Auriez-vous de plus amples connaissances autour de cette pilote "aviateur"? Elle a passé son brevet de pilote en même temps que MM V Borecky et Francis Guilbert à Caen Carpiquet en 1936. Melle Defrançois aurait été la première femme à posséder son brevet de mécanicienne de cette même discipline.
Je vous remercie de l'attention prêtée a ma demande.
Précisions et questions sur l'aviatrice Imelda Defrançois
Bonjour Madame Sylvie Auber,
Merci de votre message qui a retenu toute notre attention.
Les diverses recherches menées auprès d’organismes officiels tels le service archives de la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) et les Archives départementales du Calvados par un ami du Musée Air France, Monsieur Gérard Duval, membre de l'Aéro-club "Côte de Nacre" de Caen, nous permet de confirmer que Mademoiselle Defrançois a bien obtenu un brevet de pilote d’avions de tourisme 1er degré le 15 décembre 1937. Le périodique « L’Air » du 1er mars 1938 https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k97956189/f31.image.r reprend cette information en page 167, accompagnée d’une photographie de trois aviatrices de l’aéro-club de Caen dont Melle Defrançois.
Dans un article paru dans la revue Normandie-Aviation n°35 d’octobre-décembre 1937, où Melle Imelda Defrançois (avec ses deux autres collègues aviatrices) s’exprime et précise qu’elle a obtenu ses brevets de mécanicien d’avion et de radiotélégraphiste.
Justement nous aimerions en savoir davantage sur ses brevets de mécanicien et de radiotélégraphiste avions : avez-vous des informations à ce sujet ? En outre, a-t-elle poursuivi ses vols ou encore le métier de mécanicien avion ou de radio ? Les services officiels n’ont pas d’information sur ce sujet ; les femmes ayant été admises dans les écoles de mécaniciens avions qu’à la fin des années 1970.
Nous savons que les femmes ont travaillé durant la guerre 1914-1918 dans les usines d’aviation pour remplacer les hommes partis sur le front.
Merci de votre aide.
Bien cordialement,
Bernard Pourchet
La baronne
Une coïncidence, Elise Deroche, officiellement la première femme aviatrice, a été brevetée, numéro 36, le 8 mars 1910.
Ada Rogato
Bonjour,
Ce serait bien de mentionner, cette grande aviatrice et parachutiste brésilienne qui a battu le record de vol le plus long en solitaire en parcourant 51 064 milles de la Terre de Feu à Ushuaia jusqu'à Anchorage en Alaska, sur une période de six mois en 1951 avec son petit Cessna 140, survolant ainsi les trois Amériques. Elle devient en 1952 le premier pilote civil à décoller ou à atterrir un avion de faible puissance, son Cessna, depuis El Alto à La Paz, en Bolivie, qui à l'époque était l'aéroport le plus haut du monde et considéré comme le plus dangereux. Par la suite en 1956 elle survolera en première toute la forêt amazonienne, toujours en solo. Au vu de tous ses exploits, elle mérite qu'on connaisse son nom. Merci de votre attention.
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