Le laurier
Il orne de ses feuilles la tête des poètes, des athlètes et des empereurs victorieux. On rapproche également son nom de celui d’un fameux diplôme, le baccalauréat. Son nom scientifique (Laurus nobilis L.) en vante la noblesse : le laurier est synonyme de gloire et d’honneur – jusque dans les assiettes des gastronomes, qui en célèbrent les vertus aromatiques.
Le laurier commun est un arbuste qui appartient à la grande famille des Lauracées, riche en plantes aromatiques, comme la cannelle ou le camphrier. Le laurier ne déroge pas à la règle : ses feuilles persistantes, de couleur vert sombre et de forme oblongue, dégagent une odeur bien caractéristique quand on les froisse. Au printemps, il se pare de petites fleurs de couleur blanche. Ses fruits prennent la forme de baies noires, dont il tire l’une de ses anciennes appellations, Laurus tenuifolia baccifera. Les feuilles et les baies sont utilisées pour confectionner la fameuse huile de laurier, prisée en pharmacopée : on en recommande l’usage pour lutter contre les douleurs d’estomac et la goutte dans de nombreux traités médiévaux, comme l’Arbolayre (XVe siècle). Elle est également employée comme répulsif contre les insectes.
Métamorphose de Daphné en laurier. Christine de Pisan, Epître d'Othéa, XVe siècle, Français 606, f. 40v.
Ce végétal familier des régions méditerranéennes occupe une place de premier plan parmi la flore de la mythologie gréco-romaine. La dimension symbolique qu’il en retire est particulièrement durable : des siècles plus tard, artistes et poètes continuent à célébrer le « divin laurier », comme le fait Théodore de Banville dans son Ode à Théophile Gautier. Il est vrai que le laurier entretient avec la divinité des liens étroits. Il est avant tout associé au dieu Apollon, qui en fit son emblème après que la nymphe Daphné, qu’il poursuivait de ses ardeurs, n’eut d’autres recours que de prendre la forme de cet arbre pour lui échapper. Ce célèbre épisode mythologique de la métamorphose de Daphné, transmis notamment par les Métamorphoses d’Ovide, devient un motif iconographique classique, prétexte à de multiples variations sur l’hybridation entre corps humain et végétal. L’arbre d’Apollon est également associé à son oracle, la pythie de Delphes, qui était réputée en ingérer les feuilles afin de pouvoir recevoir la parole du dieu.
Monnaie : Tétradrachme, argent, Antioche sur l'Oronte, Séleucide et Piérie, Antiochos VII Évergète Sidetes, IIe siècle av. J.-C. et Monnaie : 40 francs, Paris, Napoléon Ier, 1811.
Apollon n’est pas le seul dieu à se parer de lauriers. Pour célébrer les victoires militaires, les Romains en ornent les statues de Jupiter. La couronne de laurier décore dès lors le front des triomphateurs, puis celle des empereurs. Très tôt, cette couronne orne également les pièces de monnaies : le laurier est décidément associé au pouvoir séculier sous toutes ses formes. Un autre caractère rapproche le laurier du roi du panthéon gréco-romain : il est en effet réputé ne pas craindre la foudre, comme l’affirme Pline dans son Histoire naturelle. L’empereur Tibère avait dit-on pour habitude d’orner de laurier son chapeau afin de se prémunir des éclairs. Il n’est pas rare de trouver mention de son bois dans des traités pratiques, qui en conseillent l’utilisation pour la construction d’édifices qui résisteraient ainsi mieux à la foudre.
Henri-Louis Duhamel Du Monceau, Traité des arbres et arbustes que l’on cultive en France, tome 2, Paris, Etienne Michel, 1804-1809.
Si le laurier a aujourd’hui quelque peu perdu de son caractère divin – nouvelle métamorphose parfois décrite comme une déchéance, à l’image de ce traité de diététique du début du XIXe siècle qui constate que le laurier « a fini par tomber dans la vulgaire et prosaïque casserole des cuisinières et des charcutiers » – ses usages culinaires sont aussi à porter aux nombreuses qualités de cet arbuste, dont le parfum des feuilles est indispensable à de nombreux plats. Le laurier en tire même l’une de ses appellations communes, celle de « laurier sauce ». À ne pas confondre avec le laurier-cerise, qui, s’il ressemble un peu au laurier commun, n’appartient pas au genre Laurus et – tout comme le laurier-rose – s’avère toxique !
Pour aller plus loin :
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La section consacrée aux arbres de la sélection Gallica : La nature en image – les plus beaux ouvrages de botanique illustrés
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