1818 : l’exil italien de Lord Byron et Percy Shelley
À l’orée du XIXe siècle, deux grands poètes anglais vont révolutionner la vie littéraire et donner le ton de ce siècle qui va connaître d’innombrables mutations économiques, industrielles et sociales. La célébrité de Lord Byron est aussi associée à celle de son contemporain, Percy Bysshe Shelley, qui figure comme lui parmi les plus grands poètes romantiques britanniques. Leurs vies hors des conventions sociales, leur idéalisme et leurs morts tragiques passionnèrent le public.
Naissance d’un génie
Dandy avant l’heure, exalté, peu soucieux de la morale, George Gordon Byron est né en 1788 à Londres et hérite à 10 ans du titre de lord et de la demeure délabrée de ses ancêtres située à Newstead Abbey. Après des études à Cambridge, où il s’endette, courtise des femmes et publie des poèmes (Hours of Idleness, 1807), il décide de partir en Grèce. Passant par Lisbonne, l’Espagne et Malte, il commence la rédaction de Childe Harold et rejoint la Grèce, puis Constantinople. Apprenant l’italien et le grec moderne, il puise son inspiration poétique dans la Grèce antique. Après une courte carrière politique à la Chambre des lords, il publie en 1812 Childe Harold’s Pilgrimage et connaît un succès immense. D’autres succès suivront (The Bride of Abydos, The Corsair, Lara), nourris de ses visions fantasmées de l’Orient, avec la mise en scène d’histoires passionnelles qui se terminent dans des effusions de sang. Combats, merveilleux, descriptions minutieuses des costumes et des rites composent un exotisme nouveau, qui séduira les peintres et les écrivains du XIXe siècle, entreprenant à leur tour le voyage en Orient.
Parmi les poètes romantiques anglais, Lord Byron est une figure à part, car il est à la fois attaché à la culture néoclassique et à l’amour de l’Antique, tout en incarnant "un homme de génie dont le cœur est perverti" (W. Wordsworth, Letters Later Years, in Coleridge, Biographia literaria, p. 169), selon les termes de William Wordsworth, autre grand poète anglais. Considérant la nature, à l’instar des autres romantiques, comme un spectacle sublime et la manifestation d’une présence ineffable, mais également profondément pessimiste et torturé, Byron est indéniablement le porte-étendard du romantisme européen. En 1818, dans ses Considérations sur les principaux événemens de la Révolution française, madame de Staël faisait le constat de la supériorité de la poésie anglaise en Europe et de l’importance de Byron et de ses contemporains :
Soirées gothiques
C’est en mai 1816, sur les bords du lac Léman, alors qu’il se rend en Italie afin de fuir l’Angleterre, que Byron rencontre son compatriote, le poète Percy Bysshe Shelley, accompagné de Mary Wollestonecraft, qui deviendra Mary Shelley. Les deux poètes nouent rapidement une relation amicale et passent de longs moments ensemble sur le lac ou en excursion, notamment au château de Chillon qui les marque tous les deux. Byron s’en inspire pour écrire Le Prisonnier de Chillon et Manfred.
Pour Byron, c’est un sentiment de liberté nouveau que de pouvoir échanger sur la politique et la poésie avec des personnes dégagées des conventions sociales propres à l'Angleterre Géorgienne. C’est donc naturellement que le groupe se lance le défi d’écrire des histoires de fantômes.
Auteur du Vampyre, Byron n’imagine pas alors le succès que connaîtra le récit produit par Mary Shelley avec Frankenstein, qui sera publié en 1818.
Or cet épisode entre les amis poètes n’est que le prélude à de nouveaux scandales. Il faut dire qu’une aura sulfureuse précède Byron. On l’accuse de toutes les débauches. Cette image se renforce dans les récits de ceux qui cherchent à ternir sa réputation, comme le roman Glenarvon (1817) publié par Caroline Lamb, une de ses maîtresses délaissées.
Scandales et aventures
Mais Percy Bysshe Shelley n’est pas en reste. Né en 1792 dans le Sussex, il fait des études dans un pensionnat, puis à Eton et se lance dans l’écriture sous l’influence d’Ann Radcliffe et de l’imaginaire gothique. Il publie des pamphlets (La Nécessité de l’athéisme, 1811 ; Refutation of Deism, 1814), des romans (Zastrozzi, 1808) et des recueils de poésie (Laon et Cynthia ou la Révolution dorée et The Revolt of Islam, 1818), qui comptent parmi les plus célèbres de la littérature anglaise. À l’instar de Byron, ses relations avec les femmes sont tumultueuses. S’étant installé à Londres avec Harriet Westbrook, qu'il épouse après un enlèvement romanesque alors qu'il a 19 ans et elle 16, il décide de vivre selon les principes de l’amour libre et courtise la fille du philosophe William Godwin, Mary Wollestonecraft, alors âgée de 17 ans.
1818 : l’exil italien
Ne pouvant plus vivre en Grande-Bretagne après sa conduite jugée immorale auprès de sa première épouse, Shelley s’établit en Italie avec sa femme Mary en 1818 sans espoir de retour. Il y retrouve Byron et visite en sa compagnie Florence, Naples, Venise et Rome. Byron organise des dîners hebdomadaires, invitant à sa table Percy Shelley, des amis anglais et des patriotes grecs. L'été 1822, Shelley et son ami, le lieutenant Edward Williams, construisent un petit voilier pour traverser le golfe de Livourne. Après deux heures de navigation, l'Ariel est submergé par la tempête. Les corps sont rejetés sur la plage de Viareggio quelques jours plus tard.
hebdomadaire d'information, de critique et de bibliographie, 26 avril 1924, p. 4
Accablé de douleur, Byron s’embarquera pour la Grèce en 1823 afin de soutenir la cause de l’indépendance. Venant en aide aux réfugiés, participant à l’armement d’une flotte pour la ville de Missolonghi assiégée par les Turcs, il contracte la fièvre des marais et meurt en 1824. L’annonce de sa mort suscite de vives réactions, notamment en France, celle du poète Lamartine, qui écrit Le Dernier Chant du Pèlerinage de Childe Harold et de Victor Hugo, qui en fait un deuil personnel.
Suivent cette même année de nombreux hommages, comme celui de P. Chanin, auteur d’un chant élégiaque : Aux mânes de lord Byron, décédé en Morée, en avril 1824, les célèbres Stances sur la mort de Lord Byron, par son ami Sir Thomas Moore, un Essai sur le génie et le caractère de lord Byron d’Amédée Pichot, une Messénienne sur Lord Byron par M. Casimir Delavigne. De part et d’autre de la Manche, de nombreux écrivains continueront à s’inspirer de Byron et reprendront son admiration pour la Grèce, son style poétique ou son mode de vie, comme Eugène Gromier dans les Byroniennes (1827), ou Victor Hugo avec Les Orientales (1829).
Pour aller plus loin
Lire les œuvres de Lord Byron en bibliothèque du Haut-de-jardin
Lire les œuvres de Percy Bysshe Shelley en bibliothèque du Haut-de-jardin
Lire les Journaux intimes de Byron sur Gallica
S’instruire sur la vie tourmentée de Lord Byron à la British Library
Découvrir une lettre de Shelley à Byron de 1821 sur le poème Don Juan de Byron
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