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Le clown Chocolat dans la presse

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9 novembre 2017

Chocolat, clown cubain, vedette du cirque français est mort il y a 100 ans. Avec l’anglais Georges Foottit, ils formaient le duo le plus comique de l’époque : le clown blanc autoritaire et l’auguste noir souffre-douleur.

Entretien de Foottit dans Excelsior en novembre 1917 et illustration des Mémoires de Foottit & Chocolat

 
 Mort de Chocolat
Chocolat est mort le 4 novembre 1917, à Bordeaux, pendant une tournée du Cirque Rancy. La presse parisienne l’annonce quelques jours plus tard (Le Matin, Le Petit Parisien, Le Rappel, le Journal des débats politiques et littéraires, Le Journal). Son âge est inconnu, 48 ou 51 ans selon les journaux. Foottit dans Excelsior mentionne un état civil imaginaire « Raphael Patodos » (repris par La Presse ou Le Gaulois). Les Annales politiques et littéraires, avec un certain recul, compare le jeu de Foottit et Chocolat à « un assez joli tableau de la politique coloniale ». Il est vrai que le temps a passé et que Chocolat évoque déjà une époque lointaine.
 
Franc-Nohain écrit en 1907, pour les enfants, Les mémoires de Foottit & Chocolat, clowns, à la manière d’un conte de fées, ne recherchant pas l’exactitude des faits. L’historien Gérard Noiriel a publié ses recherches sur Chocolat en 2012, 2016 et encore en 2017. Il a écrit également le texte d’un spectacle, dont s’est librement inspiré Roschdy Zem dans son film. Il nous a raconté dans un entretien comment il a reconstitué une partie du parcours de Chocolat grâce à la presse numérisée de Gallica.
Chocolat, esclave cubain vendu à un marchand espagnol, est engagé comme domestique par un clown anglais Tony Grice. C’est avec lui qu’il arrive à Paris en octobre 1886 comme manœuvre. Le Figaro annonce la rentrée de Tony Grice au Nouveau Cirque « avec son nègre, son singe et son cochon ».
 
Le succès au Nouveau Cirque
C’est au Nouveau Cirque inauguré en février 1886 au 251, rue Saint-Honoré et dont la piste se transformait en piscine, que Chocolat se produira le plus longtemps. Tout d’abord dans des pantomimes : La Grenouillère début 1887, où on le voit sur l’affiche, puis dans La Féria de Séville, où il joue un picador dans une course de taureaux dont le comique est relevé par Jules Prével dans Le Figaro.
En mars 1888, il est en tête d’affiche avec La noce de Chocolat, bouffonnerie nautique, relayé par Le Figaro, Le Gaulois. Gil Blas qui en souligne le succès énorme, tout comme Le Tintamarre. Il est alors un artiste à part entière, et s’affranchit de Tony Grice, qui cherche un nouveau nègre (Le Matin). L’année suivante, Albert de Saint-Albin cite cette pantomine dans Les Sports à Paris, en relevant les influences américaines.
 

 
Chocolat reprend ensuite le rôle du toréador dans La Féria de Séville et dépasse alors son ancien maître Tony Grice selon Le Figaro : « le joyeux, le désopilant, l'inénarrable Chocolat ! Allez voir ce clown vertigineux jouer au Frascuelo... ». La célébrité de Chocolat est très visible dans la presse : c’est « le jeune premier du Nouveau Cirque » (L’Univers illustré), le clown favori des enfants (Le Gaulois) et une référence connue de tous. Ainsi, dans Le Gaulois, Alfred Capus titre un de ses articles « Chocolat député » pour dénoncer le cirque parlementaire.
L’année suivante, il joue dans Paris au galop (présenté par Jules Lemaître dans son feuilleton du Journal des débats, ainsi que dans Le Ménestrel, L’Univers illustré, Gil Blas ou Le Figaro). Il se produit aussi en duo avec Medrano. En 1890, il est à nouveau en tête d’affiche avec Les 28 jours de Chocolat (Gil Blas, La Lanterne, Les Annales politiques) et dessiné par Toulouse-Lautrec montant un cheval à cru.

Toulouse-Lautrec : Le Figaro illustré, 1902 et Le Rire, 28 mars 1896

 
En 1891, Chocolat est photographié parmi les piqueurs dans un long article sur la pantomime Le roi Dagobert (Photo-Journal). Il est maintenant « l’illustre Chocolat » ou « le sympathique Chocolat » (Le Gaulois). Il est de plus en plus associé à Foottit, par exemple, en 1894, lors d’une reprise des Noces de Chocolat « délirante pochade bien choisie pour mettre en relief deux merveilleux clowns de la maison » (Le Figaro). La réutilisation de l’affiche provoque d’ailleurs une querelle juridique entre les imprimeurs.
 
Foottit et Chocolat
S’ils ont déjà joué de nombreuses scènes ensemble (Le Matin), en particulier la parodie de Cléopâtre dans A la cravache (Chocolat apparaît en haut à gauche), leur première entrée clownesque, en décembre 1894, est celle de Guillaume Tell. Ce duo sera pendant dix ans à l’affiche du Nouveau Cirque. « Chocolat c’est moi » (Gil Blas) rend leur duo définitivement célèbre, ainsi que la reprise de l’intermède du chef de gare (Le Rire).
 

Caricature d’Henri-Gabriel Ibels dans L’Assiette au Beurre, photographie et dessin
 
En 1901 La Grande vie (sous la plume de Charles Quinel) et Le Petit Parisien enquêtent et donnent la parole à Chocolat. L’année suivante, Alfred Jarry loue « sa gaucherie spirituelle » dans La Revue blanche.  Fernand Nozière (Le Temps) est l’un des premiers à réfléchir sur ce que donne à voir ce duo, pour conclure qu’à la fin du spectacle, blanc et noir sont semblables.

Outre le nègre souffre-douleur, le second stéréotype est celui des Joyeux Nègres et, en octobre 1902, un nouveau spectacle Cake-walk fait découvrir le ragtime aux parisiens.
Le Figaro se passionne pour le spectacle (25 octobre 1902) et les origines de cette danse (15 novembre) ; d’autres, comme Abel Hermant dans Les Modes, critiquent cette « épileptique bamboula ».

 

  « Chocolat est chocolat »
En août 1905, le Nouveau Cirque remercie Foottit et Chocolat à l’occasion d’un changement de direction. Un journaliste de Gil Blas se rend « Chez Chocolat » et la presse montre maintenant le clown dans son cadre familial. Ainsi, début novembre, à l’annonce de la folie de Foottit, Le Matin recueille l’avis de « Madame Chocolat ». Foottit qui veut devenir comédien et jouer avec ses fils déclare en fin d’année dans La Presse que « cette habitude d’accoler toujours nos deux noms ensemble me cause un grand tort ». Gérard Noiriel soupçonne même qu’il lança une campagne de discrédit contre Chocolat, dans certains journaux comme Les Annales politiques et littéraires. Son directeur Adolphe Brisson, sous le pseudonyme de Sergines, y écrit le 5 novembre 1905 : « Un des mérites de Foottit fut d’avoir inventé Chocolat » et « ces gifles furent une fortune pour Chocolat ».
Fin 1906, Le Figaro appelle à la reconnaissance « du rire » en faveur de Chocolat, malade et « réduit à la misère », relayé par d’autres journaux comme La Presse, mais qui suscite aussi les commentaires ironiques de L’Aurore. Au bout de deux jours Le Figaro a déjà reçu des souscriptions. Fin novembre, Jules Claretie, dans Le Temps écrit un éloge de Chocolat : « Son visage noir remplace dans les acrobaties la figure blafarde du maigre Pierrot », pendant que Sergines répète et développe la version de L’Aurore, discours qu’il tenait déjà en 1899 dans la Revue illustrée.
Foottit, ses fils et Chocolat jouent à nouveau ensemble au Cirque métropole en juin 1906, puis sont de retour au Nouveau Cirque avec un nouveau directeur, qui reprend La Noce de Chocolat en 1907 (Le Courrier français, L’Aurore).
En 1908, Pierre Riffard, président de l’œuvre laïque d’éducation scolaire, demande à Chocolat de se rendre auprès des enfants malades dans les hôpitaux de Paris. En juin 1910, il reçoit la médaille d’honneur de la ligue d’encouragement au mérite et est salué par toute la presse (Gil Blas, Comœdia, Le Rire).

Au chevet d'un enfant malade et spectacle dans le jardin de l'hôpital, Agence Rol

 
En 1911, Firmin Gémier engage Chocolat au théâtre Antoine pour jouer dans une pièce d’Edmond Guiraud, Moïse (photographies des répétitions, Excelsior). Même si l’auteur se justifie (Comœdia), l’acteur ne maîtrise pas suffisamment la langue française et c’est un échec (Léon Blum dans Comœdia, Régis Gignoux dans Le Figaro). Et Max Heller en rajoute en reproduisant ses propos en « petit nègre » dans La Presse.
Chocolat trouve de moins en moins d’engagements (Comœdia), car le cirque est de plus en plus concurrencé par le cinéma, le sport, et en particulier la boxe. En 1913, le Cirque de Paris devient un cinéma, Le Palace, et Chocolat y anime les intermèdes entre les films. En 1926, le Nouveau Cirque est détruit (La Presse). Pourtant, Chocolat et son duo avec Foottit resteront dans la mémoire de la presse, souvent associé à la politique (L’Intransigeant en 1918, Le Populaire en 1930) et aux souvenirs de ses contemporains (Ce Soir, Cocteau dans Le Figaro en 1935).

Clemenceau et Pams dans Le Rire, 22 février 1913

 

Lire aussi l'entretien "Quand Gérard Noiriel redonne vie à Chocolat"

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