Voyage à la découverte des ponts couverts
Les premiers ponts couverts datent du Moyen Âge, au 13e siècle, en Europe et en Asie. Puis ils conquièrent l'Amérique du nord. Gallica poursuit son exploration des ponts couverts.
En Europe, la Suisse est l'un des premiers pays européens à avoir construit des ponts couverts sur de nombreux cours d’eau, comme sur le Rhin ou la Russ : citons, en 1250, le pont de la Kander, près de Berne, dans le canton de Fribourg. Le Pont de Stein ou de Bad Säckingen, érigé en 1272, entre ces deux villes suisse et allemande, est aujourd’hui le plus long pont couvert existant en Europe avec ses 203,7 mètres (206,5 mètres avec des avant-toits).
Au 14e siècle, Venise édifie plusieurs ponts couverts en bois dont le Pont du Rialto. Reconstruit en pierre au 16e siècle, il demeure un des monuments emblématiques de la ville.
En 1351, à Pavie (Italie), un pont couvert avec un toit de briques supporté par cent colonnes de granit est construit sur le Tessin où il est encore visible ; il comporte une petite église en son centre et faillit être détruit durant les guerres napoléoniennes. Le Kapellbrücke de Lucerne, en Suisse, construit en 1365 fut le plus long de son époque avec ses 204 m. Au siècle suivant, toujours à Lucerne, est édifié Le Spreuerbrücke, nommé aussi « pont de la danse des morts » du fait des 67 panneaux peints par Kaspar Meylinger entre 1626 et 1635 et représentant des allégories de la mort. Victor Hugo fit un dessin d’une partie du pont et d’une de ses tourelles d’extrémité.
Auguste Garcin, Vues de Suisse et de Savoie, 1855-1870
Au 18e siècle, on peut retenir le Pulteney Bridge de Bath, sur l'Avon, en Angleterre qui est un des ponts couverts en maçonnerie encore existant. En Suisse, en 1810, le canton d'Argovie bâtit Le Holzbrucke sur la Limmat, à Baden, au croisement des routes de Bâle, Schaffhouse, Zurich et Berne ; il est détruit et reconstruit à plusieurs reprises. Au 20ème siècle à Fribourg (Suisse), le Pont couvert sur le Gottéron existe encore, en contrebas du grand pont métallique moderne qui enjambe la vallée. Mentionnons aussi que le Château de Chillon-Territet-Montreux, toujours en Suisse, possède encore son petit pont couvert.
A. Salles, Phat-diem. Pont couvert 1898
Transportons-nous en Asie. De nombreux ponts couverts sont mentionnés dans l’ouvrage de 1932 Indochine du Nord : Tonkin, Annam, Laos, Yunnan, Kouang-Tcheou Wan. Citons un pont sur pilotis en bambou près de Son Tay, sur le Fleuve Rouge, un autre dans le delta du Tonkin ; ou encore le pont de Trach Moï enjambant un étang servant de vivier pour la conservation des poissons, avec un toit en forme de dos d’âne. Bien que l’on trouve des toits en tuile comme celui de Phat-Diem, la couverture de ces ponts est souvent végétale comme à Xhieng-Khouang, au Laos, ou à Ken-ta-Ka, au Tonkin. La Chine a eu des influences sur les ponts en Indochine ; on en retrouve trace dans la province de Bac-Ninh. Le Japon a également inspiré l’architecture au Vietnam : le pont japonais couvert de Hoi-An, construit en 1593, existe encore et est relativement bien préservé dans sa forme originelle ; en 1793, un petit temple est édifié en son centre et dédié à deux héros légendaires.
Dans ses voyages en Chine au 13e siècle, Marco Polo décrit un grand pont avec une couverture de bois richement peinte et supportée par des colonnes de marbre. Au 19e siècle, mentionnons le pont couvert d’une pagode dans le parc impérial de Jehol, ancienne résidence des empereurs de Chine en Mongolie. Ce genre de pont pagode, aussi appelés ponts du vent dans certaines régions, sont souvent dédiés à des divinités ou des esprits traditionnels. C’est le cas de la région du Zhéjiang où on trouve trace d’un petit pont pagode sur le lac de l’Ouest à Hangzou, capitale de cette province. De nos jours un des plus beaux ponts pagodes reste celui de Xinjin, édifié en bois en 1718 à Yongkang, transformé pendant la Dynastie Qing avec des piles en pierre et qui impressionne avec ses 116 mètres de long.
Pont couvert sur la Cascapédia, Québec. Échos de l'air : bulletin mensuel. Air France. 1950
En Amérique du Nord, on bâtit de très nombreux ponts couverts aux 18e et 19e siècles. Les inventeurs et ingénieurs de l’époque créent de nombreux modèles de fermes, pièces majeures de la charpente des ponts. Par exemple, l’ingénieur Timothy Palmer fit bâtir en 1792 le premier pont avec fermes pour franchir la rivière Schuylkill à Philadelphie, charpente qui sera finalement couverte seulement en 1806. Cette méthode fut reprise sur plusieurs ouvrages aux États-Unis et au Canada, pays comptant le plus grand nombre de ponts couverts à l’heure actuelle, plusieurs centaines, encore fonctionnels et régulièrement entretenus ou reconstruits. A noter qu’en Amérique du Nord les fermes portent le nom de leur concepteur et que les ponts couverts sont classés selon ces dénominations.
Au Québec, Le pont Félix-Gabriel-Marchand de Fort-Coulonge, construit en 1898, au-dessus de la rivière Coulonge, est l'un des plus longs ponts couverts actuels, avec ses 152 mètres et a la particularité d’être le seul qui comporte deux types de fermes pour sa structure : la ferme Town et la ferme à poinçon double. Le plus long pont couvert existant est situé à Hartland au Nouveau-Brunswick (Canada) ; ses 391 mètres, datant de 1901 et rénové en 1922, permettent de traverser le fleuve Saint-Jean, entre Hartland et Somerville. A New Richmond, toujours au Québec, le pont de Saint-Edgard franchit la Caspédia et a été classé immeuble patrimonial.
Aux Etats-Unis, à Zanesville (Ohio), le pont actuel en ciment armé a remplacé l’ancien pont couvert mais a gardé sa particularité d’être en forme d’Y franchissant deux rivières se réunissant à cet endroit. On peut aussi mentionner une ancienne passerelle couverte aux chutes du Niagara, à la frontière entre les Etats-Unis et le Canada. Notons enfin que si l’Amérique du Nord est très riche en pont couverts, on peut en trouver des traces en Amérique du Sud, comme ce pont jeté sur la rivière Otun (Colombie) et soutenu comme aux origines avec seulement quelques troncs fichés dans les berges.
Alfred, Touchemolin, Fortifications à l'entrée de l'Ill. 1895
Terminons notre voyage en France. A Strasbourg, entre 1230 et 1250, la «ville des routes » construit sur les quatre bras de l’Ill plusieurs ponts couverts reliés par des tours. Ils permettent de défendre la cité contre les attaques fluviales. Les piliers originels en bois font place en 1332 à des piles de pierres entre lesquelles des herses défensives seront installées en 1570. Ce rôle protecteur sera effectif jusqu’à la prise de Strasbourg en 1681 par les troupes de Louis XIV et l’édification de fortifications par Vauban qui fera aussi construire un pont barrage totalement bâti proche des ponts couverts originels. Ces ponts couverts perdent leur toiture au 18e siècle mais les tours demeurent grâce à leur rôle de prison jusqu’en 1823, date de construction de la maison d’arrêt ; le pont reste donc partiellement couvert comme le pont Valentré à Cahors. A Toulouse, l’ancien pont couvert de la Daurade, traverse près de cinq siècles avant son remplacement par le Pont neuf en 1632 après 88 ans de travaux successifs. A Paris, au 18e siècle, l’ancien pont couvert de l’Hôtel Dieu reliait les deux parties de l’hôpital de part et d’autre de la Seine s’écoulant le long de l’île de la cité. A Lille, on trouve mention d’un Pont Royal couvert, édifié sur un canal, avec une arche en pierres supportant un petit «temple» à colonnades.
La France possède encore de nos jours quelques ponts couverts. Datant de 1855, le pont de Pont-Chrétien-Chabenet, dans l'Indre, est le dernier pont routier en bois de France et fut sauvé aux débuts des années 2000. Au parc de la tête d’or, à Lyon, on retrouve un petit pont couvert en bois qui permet l’accès à la grande île du lac intérieur. Enfin, en l’an 2000, a été lancé en France le pont des Fayettes, à structure mixte bois-métal (pour les tirants) et béton (pour le tablier) et couvert de bardeaux en bois ; c'est un pont routier permettant de franchir la Bonne près de Valbonnais, en Isère.
Les ponts couverts restent aujourd’hui de superbes monuments à voir, de belles découvertes à faire.
Pour aller plus loin :
Les ponts couverts, de l'idée à la construction
Heritage : la bibliothèque numérique de l'Ecole des Ponts et Chaussées
Commentaires
Faute d'orthographe
Le pont couvert au Canada passe au-dessus de la rivière Cascapédia et non pas Caspédia.
Pont couvert... et pont habité
Le pont habité de Landerneau est lui aussi une espèce rare !
Pont couvert
Il existe un pont couvert à CHABENET Commune de LE PONT CHRETIEN 36800 dans l'Indre.
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