« La nouveauté révolutionnaire réside dans l’irruption du petit peuple, tant rural qu’urbain, sur le devant de la scène publique », rappellent Michelle Pigenet et Danielle Tartakowsky, dans Histoire des mouvements sociaux en France, La Découverte 2014. La Révolution française consacre en effet l'émergence du peuple sur le pavé.
Sans-culotte et fier de l'être
Et d’abord, lors de la période révolutionnaire, c’est la figure du
sans-culotte qui émerge dans les rues des grandes villes françaises.
Le
Journal d’agriculture et de prospérité publique, organe du comité central de l’agriculture, une éphémère publication qui émet en l’an I de la I
ère République, s’enorgueillit ainsi de l’appellation sans-culotte. Alors qu'il s'agit de nommer les cinq jours complémentaires du calendrier révolutionnaire qui en comporte initialement 360 (12 mois de 30 jours), la réflexion de la gazette
s'oriente autour de l'antériorité de ce terme et sur son caractère, déjà, de résistance :
Une recherche aussi intéressante que curieuse, nous apprend que les aristocrates en prétendant nous avilir par l’expression de sans-culottes, n’ont pas eu même le mérite de l’invention. Dès la plus haute Antiquité, les Gaulois nos aïeux s’étoient fait honneur de cette dénomination. L’histoire nous apprend qu’une partie de la Gaule, dite ensuite lyonnaise (la patrie des Lyonnais) était appelée la Gaule culottée, Gallia braccata : par conséquent le reste des Gaule jusqu’aux bords du Rhin étoit la Gaule non-culottée ; nos pères dès-lors étoient des sans-culottes
Ces jours complémentaires du calendrier seront nommés
sans-culottides, jusqu’en l’an III. Le manifestant populaire, portant fièrement le
pantalon à rayures en opposition aux culottes courtes et bas de
l'aristocrate, fait une entrée fracassante sur la scène des villes dans son
« costume révolutionnaire ».
"Trois Glorieuses" journées pour une abdication
Le peuple surgit de nouveau, massivement, près de quarante ans plus tard, lors de trois journées de Juillet qui conduisent à la destitution de Charles X. Le 28 juillet 1830, les objets volent de toute part rue Saint-Antoine empêchant les cavaliers de la garde royale de rejoindre l’Hôtel de Ville. Un plan des combats de Paris permet de visualiser l’ampleur des émeutes et des barricades dressées contre les tenants du pouvoir royal.
Dans ses
carnets, Victor Hugo note,
« Depuis Juillet, Paris a sur toutes les capitales le haut du pavé ». Eugène Delacroix brosse, quant à lui, le portrait de ces journées dans une peinture qui fera date, initialement intulée
Scènes de barricade lors de sa présentation en 1831 au
Salon de Paris. Pendant qu’un
monument s’élève, place de la Bastille,
« à la mémoire des citoyens morts pour la liberté ».
"Vivre en travaillant ou mourir en combattant"
Un an plus tard, c’est le peuple ouvrier de Lyon qui convulse. Sur la
colline de la Croix-Rousse, les ouvriers et artisans tisserands, surnommés les Canuts, se soulèvent en novembre 1831,
prenant pour devise « vivre en travaillant ou mourir en combattant ». Une manière de défendre leurs conditions de travail et la spécifité du métier de tisserand. Une
adresse au préfet du Rhône, le 18 octobre 1831, laissait, pourtant, présager d’une insurrection future :
« Le moment est venu où, cédant à l’impérieuse nécessité, la classe ouvrière veut et doit chercher un terme à sa misère ».
Dont acte. La révolte des canuts, dont l’histoire immédiate s’écrit
sous la plume de
Jean-Baptiste de Monfalcon, médecin et bibliothécaire de la ville de Lyon, connaîtra plusieurs soubresauts, jusqu’en 1834.
1848, Révolution de Printemps
"Nous chercherons à nous tenir dans un juste-milieu, également éloigné des abus du pouvoir royal et des excès du pouvoir populaire", avait déclaré Louis-Philippe Ier, comme un dessein pour le nouveau régime. Celui qui n'est plus roi de France mais roi des Français voit toutefois ressurgir ces Français à la fin de l'hiver 1848.
Cette fois, les ouvriers étaient résolus à ne plus tolérer un escamotage semblable à celui de juillet 1830. Ils étaient prêts à engager à nouveau le combat et à imposer la République par la force des armes
1871, Commune en insurrection
D’escamotage, il n’est pas non plus question en 1870 après
la défaite des armées françaises contre la Prusse. Défiants envers l'
Assemblée élue en 1871, composée d’une majorité de députés monarchistes, les ouvriers des quartiers populaires du Nord et de l’Est parisien se révoltent poussant le gouvernement à la fuite vers Versailles. L’histoire balbutie, Paris retrouve ses barricades, entre
la rue de Ménilmontant et le boulevard de Belleville, ou là entre la rue Basfroi et la rue de Charonne.
Le 26 mars, une élection municipale est organisée. A ce moment,
« Tout est encore en suspens », écrit le
Journal de Paris.
Elie Reclus, directeur de la Bibliothèque nationale sous la Commune, tient un
récit des événements « au jour le jour ». Le peuple parisien tiendra le pavé jusqu’au 28 mai, date à laquelle s'achèvent les derniers combats au cimetière du Père Lachaise sur le
mur des fédérés.
Le plus excellent symbole du peuple c’est le pavé : on marche dessus jusqu’à ce qu’il vous tombe sur la tête
Commentaires
curiosité
je découvre ce genre d'article sur Gallica, bravo pour le travail.
découverte également de vos conférences, pas assez de pub ?...merci beaucoup, j'irai
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