Du patronage catholique au club sportif
"Il faut, à moins d'impossibilité absolue, que dans toute maison d’école existe comme corollaire indispensable un patronage de jeunes gens." Cet appel du pape Léon XIII lancé en 1894 illustre parfaitement l’état d’esprit qui a présidé à la création des premiers mouvements de jeunesse catholiques.
Les Petits Gars, Roubaix, 15 janvier 1928
Une volonté d’encadrement
Les œuvres de jeunesse ou patronages se donnent pour objectif de prendre en charge les enfants en dehors du temps scolaire pour ne pas les laisser à la rue, seuls et désœuvrés dans un contexte d’urbanisation et de transformation du travail. Le sociologue suisse Max Turmann en fait d’ailleurs le titre de son ouvrage Au sortir de l’école : les patronages paru en 1909. Les pères fondateurs sont à chercher dans le Midi de la France dès le début du XIXe siècle avec M. Allemand et son programme "on joue et on prie." Si cette première formule s’adresse aux jeunes gens de la bourgeoisie, l’abbé Timon-David l’adapte à destination des classes populaires et rédige une Méthode de direction en 1859. Aux côtés de ces figures tutélaires, des congrégations religieuses sont particulièrement actives sur le même terrain : les frères de Saint-Vincent-de-Paul, ceux des Écoles chrétiennes ou encore les Salésiens de Don Bosco. Afin de fédérer toutes ces initiatives, un conseil général des œuvres de la jeunesse est créé, présidé par le cardinal Richard, archevêque de Paris et Mgr d’Hulst, recteur de l’Institut catholique de Paris. Cette association publie un Bulletin mensuel des œuvres de la jeunesse.
Le pari du sport
Ce qui doit primer avant tout, c’est l’instruction religieuse mais dans une société où la pratique diminue voire disparait après la première communion, les bons pères et autres vicaires de “patro” ont perçu tout l’intérêt qu’ils pouvaient tirer de l’activité physique. Aux jeux de plein air des débuts vont bientôt succéder la gymnastique puis divers sports : cross-country, tir, natation... Les activités ne sont pas mixtes et des œuvres sont créées spécialement pour les jeunes filles.
Selon l'importance des patronages, ces activités se pratiquent sur un terrain vague ou dans des locaux adaptés : gymnases ou stades. Un chirurgien et figure du catholicisme social, Paul Michaux, aidé de deux professeurs de l’Institut catholique de Paris François Hébrard et Albert de Lapparent créent en 1898 le premier concours de gymnastique inter-patronages qui deviendra en 1903 la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France (FGSPF). C’est dans les colonnes de la revue de cette commission, Le Patronage, que sont publiées pour la première fois les règles de football-association. Le basket-ball est également introduit en France via les réseaux de jeunesse catholiques. Le sport féminin catholique se structure lui aussi en fédération après la création en 1919 du Rayon sportif féminin (RSF) dont l'initiative revient aux Filles de la Charité qui sont portées tout spécialement vers l'enseignement et les œuvres.
Place aux clubs
Les patronages font figure de pionniers dans cette entreprise de démocratisation de la pratique sportive. Mais ils se font rattraper par leur succès : l’encadrement se professionnalise et le rôle du prêtre en est réduit à celui d'aumônier. Dès les débuts, certains se sont interrogés sur la place à accorder aux jeux et aux sports face à l'objectif premier du "patro" qui est la formation et la prière. Celui-ci entend par ailleurs rester ouvert à tous, sans sélection, quand le but des clubs va devenir la compétition sportive.
Si les patronages portent leur origine religieuse dans leur dénomination, celle-ci va peu à peu évoluer à la faveur des contraintes liées aux rencontres sportives et de la loi de 1901 sur les associations. La Saint Joseph d'Auxerre devient ainsi l’Association de la jeunesse auxerroise même si son logo porte toujours la croix de Malte. Les œuvres parisiennes de Sainte-Geneviève des Grandes-Carrières prennent le nom de leur rue et sont rebaptisées en Championnet Sports. D’autres ont gardé la référence religieuse comme le Limoges Cercle Saint-Pierre ou bien la Saint Thomas Basket Le Havre. Tous ces clubs prennent alors leur indépendance avec le succès qu’on leur connait aujourd’hui.
Pour aller plus loin
- Le sport catholique en France, Yvon Travouez
- Cholvy Gérard. Patronages et œuvres de jeunesse dans la France contemporaine. In: Revue d'histoire de l'Église de France, tome 68, n°181, 1982. pp. 235-256
- Portail Patronages sportifs catholiques sur Wikipédia
- La bibliothèque numérique de l'Institut Catholique de Paris
- L'Institut Catholique de Paris dans Gallica
L'Olympiade Culturelle est une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de la fin de l’édition des Jeux précédents jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques.
La série "Histoire du sport en 52 épisodes" de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.
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