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La marmotte

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Le 2 février se tient le jour de la marmotte, immortalisé dans le film Un jour sans fin. Son activité doit révéler si l’hiver sera encore long ou non. Le rongeur est devenu un animal emblématique de la faune montagnarde.

René Martin, Atlas de poche des mammifères de la France, de la Suisse romane et de la Belgique, Paris, 1910

Le mot «marmotte» viendrait du latin «Murem montanum » signifiant «rat de montagne». Les naturalistes lui ont donné le nom d’Arctomys (ours-rat).
La marmotte est un rongeur de la famille des Sciuridés. Elle fait partie des écureuils terrestres qui comprennent aussi les chiens de prairie, les spermophiles, les Pteromys et les tamias. Les quatorze espèces de marmottes sont présentes uniquement dans l’hémisphère Nord : marmotte des Alpes (Marmotta marmotta) et marmotte des steppes (ou bobac) en Europe, marmotte de Sibérie en Asie, marmotte des forêts (ou siffleux) en Amérique du Nord…

La marmotte apparaît en Amérique entre 10 et 20 millions d’années avant notre ère. Elle s’est répandue dans les plaines d’Eurasie par le détroit de Behring. En Europe, le réchauffement après les dernières glaciations l’a repoussée vers les montagnes : Alpes et Tatras, où elle vit entre 1300 et 3000 m d’altitude. Elle peut vivre jusqu’à 4000 m d’altitude dans l’Himalaya et 5000 m dans le Pamir. En Amérique du Nord, elle se rencontre aussi dans des prairies de plus basse altitude.
Son pelage est brun jaune à marron, plus clair sur le ventre et plus foncé sur la tête, pouvant aller jusqu’au noir. Sa fourrure isolante double de volume en hiver. La marmotte pèse 5 kg et mesure 50 cm. Elle possède une queue de 15 cm, de petites oreilles et de courtes pattes aux longues griffes avec lesquelles elle creuse ses galeries. Elle ronge l’écorce des arbres pour rogner ses quatre longues incisives qui poussent en permanence. Dotée d’une ouïe et d’un odorat très fins, elle possède une excellente vue mais ne voit pas dans l’obscurité, ce qui en fait un animal diurne. Ses vibrisses lui permettent de se repérer dans l’obscurité du terrier.

[Animaux divers], 17ème siècle

La marmotte est principalement herbivore : baies, trèfle, pissenlit, pâquerette, sainfoin, luzerne, ombellifères, oseille... Elle creuse le sol pour en extraire bulbes et racines. La marmotte peut aussi apprécier vers ou insectes comme les coléoptères ou les sauterelles. Si elle sort de son hibernation avant le développement des végétaux, elle ne nourrit même de cadavres d’oiseaux ou de mammifères. L’eau qu’elle consomme provient surtout de la rosée sur les plantes, d’où le fait qu’elle se nourrisse le matin et le soir.
La marmotte passe 90 % de sa vie dans un de ses terriers. Elle en possède plusieurs : un terrier d’hiver ou hibernaculum à 3 m sous terre ; un terrier d’été, plus haut et formé de plusieurs galeries reliées entre elles ; et des terriers de secours de 1 à 2 m de long, utilisés en cas de danger.

 

La marmotte hiberne d’octobre à avril. De là vient l’expression « dormir comme une marmotte». Elle entre en hibernation quand la température descend en dessous de 10 degrés dans la journée. Son corps devient raide, inerte, insensible à la douleur. Sa température interne passe de 37 à 7 degrés et son cœur ne bat que quelques fois par minute. Il ne faut pas confondre ce phénomène avec l’hivernation d’animaux comme l’ours dont la température interne ne connaît pas une telle hypothermie. La marmotte vit uniquement sur les réserves de graisse qu’elle a constituées en été et perd un tiers de son poids au terme de l’hiver. Dans le terrier, les marmottes se roulent en boule les unes contre les autres, les jeunes au milieu, pour limiter les pertes de chaleur. Toutes les deux ou trois semaines, elles se réveillent toutes, ensemble entre douze à trente heures pour évacuer les déchets produits par leur métabolisme.
 

Auguste Ménégaux, La vie des animaux illustrés, Paris, 1903

La marmotte vit en famille, composée du couple et des deux premières portées. Elle se reproduit au printemps, d’avril à juin avec une gestation d’un mois environ. Les portées sont de 2 à 7 petits qui seront autonomes au bout de 8 à 9 semaines. La marmotte peut être polygame, avec deux ou trois femelles pour un seul mâle. Chaque famille marque son territoire avec du musc pour éviter les empiètements.
Plusieurs familles voisines forment une colonie dont les principales activités sont : se nourrir, se prévenir de l’arrivée des aigles et des renards en lançant un cri d’alarme, défendre les limites de son territoire, s’exposer au soleil... Marmottes et marmottons s'affrontent souvent dans des combats sans conséquence, mais une marmotte peut tenir tête à un chien ou à un renard.

La marmotte fait partie des animaux les plus connus du patrimoine montagnard au même titre que l’aigle, le chamois ou le bouquetin. Au 19ème siècle, les petits Savoyards partent travailler en ville comme ramoneurs mais aussi comme montreurs de marmottes apprivoisées qu’ils font danser au son de la vielle et qu’ils transportent sur leur dos dans une boîte à marmottes. Dans Les Misérables, Victor Hugo relate que Jean Valjean choisit le chemin du bien grâce à un petit Savoyard qu’il rencontre avec «sa vielle au flanc et sa boîte à marmotte sur le dos». Durant la Révolution, les Savoyards se dénommaient eux même les marmottes.

L’animal, emblématique de la Savoie, était consommé en ragoût ou grillé. Graisse et huile étaient réputées combattre les rhumatismes, la goutte ou les fluxions de poitrine. Rhumatisants et arthritiques portaient des caleçons en peau de marmotte. Un animal donnait un litre d’huile. La graisse de marmotte servait aussi pour polir les meubles ou graisser les souliers. Pour collecter des marmottes, les chasseurs attendaient qu’elles se mettent à hiverner pour creuser jusqu’à la chambre d’hibernation et ramasser les individus figés dans leur sommeil.

En 1890, des fourreurs de Leipzig inventent une méthode de coloration des fourrures de marmottes donnant l’aspect de la loutre ou du vison. Ceci provoque une augmentation de la chasse en Mongolie, premier producteur de fourrures de marmottes, passant de 30000 peaux récoltées en 1865 à 4 millions en 1910. Or la marmotte constitue un réservoir pesteux naturel, et des chasseurs de marmottes piqués par des puces infestant les marmottes provoquent une épidémie de peste en Mandchourie, causant 60000 morts.

Une autre activité moins sanglante liée à la marmotte est de prédire la longueur de l’hiver. Dès le 6e siècle en Allemagne, ces prédictions s’appuient sur l’étude des réactions d’animaux comme l’ours, le hérisson ou la marmotte. L’importance du culte de l’ours en Europe a amené l’Église à programmer deux fêtes le 2 février pour contrer ce concurrent : la Présentation de Jésus au Temple et la Purification de la Vierge. Le terme de Chandeleur, rappelant une fête des lumières, est un temps associé à l’ours sous le nom de Chandelours.
 
La croyance dans le réveil de la marmotte apparaît plus acceptable par les autorités que celle de l’ours ; elle est introduite en Amérique du Nord par des immigrants allemands. Punxsutawney Phil en Pennsylvanie ou Wiarton Willie dans l’Ontario révèlent ainsi l’avenir : si la journée est ensoleillée, la marmotte voit son ombre, est effrayée et retourne hiberner six semaines : l’hiver sera long. Si la journée est nuageuse, elle ne voit pas son ombre et ne rentre pas dans son terrier : l’hiver sera court. La prévision s’est révélée fiable à 30% sur 10 ans !

Pour aller plus loin :
Pour tout savoir sur les rongeurs, retrouvez la sélection sur les mammifères dans le parcours Gallica La Nature en images
Jost (Jean-Pierre), Les marmottes : milieu naturel, vie sociale et hibernation, Yens-sur-Morges, Cabédita, 2004

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