Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-04-14
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 avril 1906 14 avril 1906
Description : 1906/04/14 (A15,N4944). 1906/04/14 (A15,N4944).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
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Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7625740w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/10/2014
<ïZiEME ANNEE. — N° 4944
-
HUIT PAGES - Le Numéro qootidfeo (Paris et Départements) — CINQ CENTIMES
SAMEÎ>Pt4 AVRIL 1906
LE JOURNAL
FERNAND XAU, Fondateur
RÉDACTION ET ADMINISTRATION ; 100, RUE RICHELIEU, PARIS FERNAND XAU, Fondatcur
Prix des Abonnements
Un an Six mois Trois moto
Smn & SEINE-ET-OISE 20. » 10.50 5.50
DfrAXTSMENTS ET ALGÉRIE 24. D 12. » 6. »
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IM manuscrits non insérés ne sont pas rendue
- L'ERUPTION DU VESUVE
LE MONSTRE S'APAISE
jBnr les flancs du volcan, la pluie de cendres et de
lapilli continue à tomber implacable, mais la
violence de l'éruption diminue,
DANS LA REGION VESUVIENNE. — Les cadavres des victimes de l'éruption sur la place
d'Ottajano. — Le désastre du marché de Monte-Oliveto, à Naples. (Photographie prise mardi
matin.
NAPLES, le 13 avril. (Par dépêche de
notre envoyé spécial.) — Ce matin, en
ouvrant ma fenêtre,- j'éprouve une
agréable surprise. La pluie de cendres
a cessé et la mer est redevenue bleue.
Une brume, légère comme une gaze qui
va s'envoler aux premiers rayons du so-
leil, laisse apercevoir la rade immense,
barrée au loin par les coteaux de Oapri
et sur laquelle semblent dormir les
énormes cuirassés noirs de ia Hotte ita-
lienne, derrière Lesquels je. découvre
d'autres monstres gris avivés d'hier et
gui forment l'escadre française.
Le contre-amiral MASCERON
flOOHmanclant la division navale envoyée à Naples
par le gouvernement français
Photo Pirou, M St-Germain
Le Vésuve disparaît encore totale-
ment dans une buée de poussière brune,
mais la brise de mer, qui a déjà dégagé
le ciel au-dessus de la ville, pousse
cette énorme masse de cendres de l'autre
côté du volcan, ce qui en favorisera
p,eut-être, l'accès par Torre-del-Ureco.
En tous cas, l'accalmie permet de ten-
ter l'aventure, et je n'hésite pas un ins-
tant de plus à m'embarquer.
A* cette heure matinale, sous le sour-
fle frais 'et vivifiant qui vient du large,
une promenade en mer est un enchan-
tement. La rade de Naples, qui n'a pas
volé sa réputation, ressemble à un énor-
me saphir enchâssé dans un anneau
d'or. La mer a la souplesse d'une étoffe
de soie que l'étrave du bateau déchire
Bt dont les plis moirés ondulent jusqu'à
l'horizon. La ville, bâtie en amphithéâ-
tre, se reflète dans l'eau comme en un
miroir, mais les jardins qui la cou-
ronnent. m perdent encore dans le
brouillard jaune, hermétique des pous-
sières'vomies par le cratère. On distin-
gue Portlicj, Résina, Torre-del-Greco, et,
ft l'extrémité, de la baie, Castelïamare et
Sorrente, les deux seules localités épar-
gnées par l'éruption. Devant nous, c'est
Toirré-del-Annunziata où nous accos-
tons sans incident.
Je trouve là mon automobile, dont
le conducteur, rassuré par le beau
temps, atteste qu'il ne recuLera devant
aucun obstacle, et un aimable Na-
politain qui connaît admirablement la
région vésuvienne et veut bien me
servir de Ciicerone. On se met en
route pleins de confiance ; mais à
mesure que nous nous rapprochons de
la montagne, nous commençons à dé-
Ohanter et nous ne tardons pas à nous
convaincre que les mêmes difficultés
vont s'opposer à notre projet d'ascen-
sion.
A l'entrée de Torre-del-Greco, où nous
mettons pied à terre, la pluie de cendres
recommence et devient de plus en. plus
intense, à mesure que nous nous enfon-
çons dans le pays. Le soleil qui brillait
tout à l'heure d'un éclat incomparable,
pâlit insensiblement jusqu'à devenir
aussi blafard qu'un clair de lune. Dans
les rues de la petite ville, c'est la nuit,
tlgt comme la veilla nous circulons dif-
ficilement à la lueur des réverbères.
Quelques habitants sont néanmoins re-
venus. Nous en apercevons plusieurs
sur l,e pas de leurs portes, silencieux et
résignés. Ils regardent les équipes de
soldats, employés au déblaiement, qui
se rendent au travail armés de pioches
et de pelles. Ils s'accordent à reconnaî-
tre l'admirable dévouement des' militai-
res, mais ne font rien pour les aider.
On les croirait frappés de stupeur. Dans
l'obscurité, on entend la voix brève d'un
officier qui donne des ordres., Mon gui-
de s'approche et le reconnaît.
— C'est le général Martin-elli., me dit-il,
il commande le secteur, et c'est grâce à
sa vigilance que tout accident a pu être
évité. Comme vous pouvez vous en ren-
dre compte, dans cette éruption, c'est la
cendre qui, en s'accumulant, constitue
le. véritable danger. Elle a entraîné l'é-
croulement du marché du Monte-Olive-
to, à Naples, de:Féglise de San-Giuseppe
et de plusieurs maisons, à Ottaj-ano.
Dans cette dernière localité, la plupart
des habitante, surpris au lit, ont été as-
phyxiés avant d'être ensevelis sous les
décombres. On a raconté qu'ils auiaiçgt
pu fuir. C'est facile à dire. La cenpcg,
quand elle tombe avec une pareille in-
tensité; démoralise les plus courageux.
Je suis tout à fait, de cet avis et, depuis
que nous déambulons sous cette avalan-
che de poussière aveuglante, je me rends
parfaitement compte de' ce qui a dû se
passer, non seulement ces jours-ci, de
l'autre côté de la montagne, mais encore
il y a trois mille, ans, à Pompéi et à Her-
culanum, que nous traverserons tout à
l'heure.
Songez qu'à Torre-del-Greco, où la
pluie a été moins forte qu'à Ottajano,
l'épaisseur de la couche tombée nous ar-
rive à la ceinture, et que, sur certains
points en contre-bas, elle dépasse la hau-
teur d'un homme. Mes compagnons et
moi, nous en sommes couverts déjà, de
la tête aux pieds. Nos coiffures, nos vê-
tements ont perdu leur forme e:t leur
couleur. Nous ressemblons à des esquis-
ses de sculpteurs modernes, ou à ces fi-
gures vaguement ébauchées qu'on ne
distingue pas très bien, sur les bas-re-
liefs antiques. Il ne faut pas un grand
effort d'imagination pour deviner l'al-
lure que nous pourrions avoir dansi un
musée archéologique de l'avenir.
Par un chemin de traverse, nous nous
dirigeons vers Bosco-Trecase, la premiè-
re ville où la lave fit irruption il y a huit
jours. Les habitants l'ont complètement
évacuée. Nous n'y trouvons qu'un poste
de bersagliers et quelques pompiers qui
y restent en permanence. C'est de là que
part le sentier qui conduit sur les flancs
du. volcan. Nous nous mettons à sa re-
cherche, mais nous ne le découvrons
pas, pour l'excellente raison qu'il n'exis-
te plus. En revanche, mon guide me fait
tâter d'es lapilli. C'est sipiplemenit du
gravier volcanique, noir et très pur.
Heureusement que, pour le quart d'heu-
re, il n'en pleut pas.
Nous vaquons toujours dans une de-
mi-obscurité, et notre promenade en
zigzags autour des habitations abandon-
nées ne saurait se prolonger indéfini-
ment. Je voudrais cependant arriver à
un point atteint par la lave. A un mo-
ment donné, mon guide affirme que
nous y sommes. C'est bien possible,
mais il est difficile de le vérifier, perce
que les cendres, là aussi, couvrent tout.
De guerre lasse, nous retournons à
Torre-Annunziata, d'où nous allons 111er
en auto, en faisant un crochet, jusqu'à
San-Giuseppe et Ottajano.
Je rencontre, dans ce dernier vil1 âge,
un certain nombre de confrères qui ont
suivi le roi et la reine dans leur oxeu lé-
sion à travers la campagne dévastée. Ils
ne tarissent pas d'éloges sur le courai-o
et le dévouement de Leurs Majestés, qui
n'ont reculé devant aucune fatigue pour
aller eux-mêmes distribuer aux famil-
les des victimes les secours et les con-
solations.
Sous la pluie de cendres qui tombe en-
core, mais dont l'intensité diminue, plu-
sieurs escouades de soldats, dirigées par
des officiers du génie, fouillent les dé-
combres des maisons effondrées, d'où ils
ont retiré, ce matin, de nouveaux cada-
vres. Je m'enquiers auprès de plusieurs
personnes du chiffre aes victimes. Les
journalistes et les fonctionnaires sont
loin d'être d'accord à ce sujet, et cepen-
dant, les uns et les autres exagèrent. Ils
parlent de quatre à cinq cents paysans
ensevelis. Mon guide, plus prudent,
compte deux cents morts environ, y
compris les onze cadavres du marche
de Naples.
La catastrophe n'en est pas moins dé-
plorable et elle aura des effets désas-
treux, puisque plus de dix communes
importantes sont complètement ruinées.
Le nombre des hommes, femmes et en-
fants qui errent affolés sur les routes,
à la recherche d'un morceau de pain et
d'un gîte, grossit chaque jour. Ces mal-
heureux tremblent d'épouvante, et tou-
tes les exhortations sont impuissantes
à ranimer leur courage. Des comités
se sont organisés pour les recueillir et
les assister, en attendant qu'ils puissent
retourner dans leurs villages et se re-
mettre au travail.
On a, ce soir, des nouvelles rassuran-
tes du volcan.. Le professeur Matteucci,
le courageux savant que l'éruption n'a
pu chasser de son observatoire, annon*
ce que la crise touche visiblement à sa
fin et que la pluie de cendres elle-même
ne persistera plus longtemps.
Quoi qu'il en soit, la population, napo-
litaine. si elle n'a pas encore repris son
insouciance légendaire, paraît beau-
coup plus calme. Les magasins et les
cafés sont rouverts, mais la foule se
porte surtout vers les églises pour sui-
vre les cérémonies de la Semaine Sainte
et s'agenouiller devant les auteLs de la
Madone, qui resplendissent du graisil-
lement des cierges. PAUL BELON.
PAUL BELON.
Nouç publierons démâta la suite de
l'enquête de notre collaborateur JACQUES.
DHUR, sur « Scandales coloniaux en
Guinée ».
ECHOS
M
Fallières a télégraphié au rod Victor-
Emmanuel III ses profondes rondo-
léances à l'occasion de l'éruption du Vésuve
et des désastres qu'elle a causés dans la ré-
gion vésuvieime.
De son côté, M. Barrère, ambassadeur de
France, a exprimé au comte Guicciardini, mi-
nistre des affaires étrangères, les vives sym-
pathies du gouvernement pour le m&ljheur
dont l'Italie est frppoe.
N
otre collaborateur M. Stephane Jousselh)
a quitté Paris, hier, se rendant à Milan,
où il va visiter, pour les lecteurs du Journal,
l'Exposition dont l'ouverture est prochaine.
L
e Parlement ayant voté le projet Be loi
portant ouverture, au ministère de l'agri-
culture, d'un crédit de 100,000 francs pour
les dépenses d'organisation d'un concours cen-
tral d andmaux reproducteurs des espèces che-
valine et asine françaises à Paris en 1906, et
la Ville de Paris ayant, de son côté, mis la
Galerie deâ Machines à sa disposition M. Jo-
seph Ruau, ministre de l'agriculture, a ap"
jprouvé le programme dudit concours, élaboré
ssion spéciale, après consulta-
tion se 1 supérieur des haras.
Le .concours se tiendra, en conséquence,
dans la Galerie des Machines, du 13 au 17
juin.
Les engagements devront parvenir au mi-
nistère de l'agriculture, direction des haras,
28 bureau, avant le 10 mai. Les intéressés
trouveront au ministère de l'agriculture, dans
les préfectures et dans les dépôts d'étalons,
des programmes et: des feuilles d'engagement
L
es premières cartes-lettres à dix centimes
ont fait leur apparition, de même que
les timbres du même prix, qu'on pourra utili-
ser pour la correspondance intérieure, dès
qu'aura été effectuée la dernière levée des
boîtes de demain dimanche; elles sont à l'ef-
figie de la « Semeuse D..
D
e Monte-Carlo :
Mardi prochain, 17 avril, aura lieu, au
Pa.Ia.is des Beaux-Arts, le tournoi internatio-
nal d'épée. -
L'équipe italienne se compose de MM. R.
Nowak (Bergame), capitaine d'entraînement ;
Bertinetti (Turin), Cavalchim (Turin), Gia-
nese (Venise), A. Olivier (Milan), Spéciale
(PaJerme).
L'équipe française, de MM. J. Joseph-Re-
naud (Paris), capitaine d'entrainement ; Ali-
bert (Paris), Bruneau de Laborie (Paris),
Gaudin (Paris), Leleu (Douai), Sulzbacher
(Paris).
Le président est M. le duc Decazes. Les
jurés italiens sont MM. G. Mattirolo, S. Ma-
chi, Colambetti ; les jurés français, MM. de
Blest-Gana, docteur Jacques Liouville, S. Lé-
zard.
Le Comité se compose de MM. le comte
Albert Gautier, président; Bruneau de Labo-
rie, vice-président; A. Feyerick, lord Howard
de Walden, le prince de Torremuzza.
Le Concours hippique de Menton-Cap Mar-
tin, qui s'ouvre lundi prochain, 16 avril, s'an-
nonce comme une réunion de suprême élé-
gance.
Le Comité d'organisation a su créer.un
cadre digne de ces journées mondaines. De
nouvelles tribunes, où le confort moderne s'al-
lie à l'ingériosité et à la sveltesse gracieuse
de la construction, ont été établies sur toute
la longueur de la piste, et un vaste oramenoir
central avec buffet a été ajouté aux promenoirs
latéraux.
Cette piste, très vaste, encadrée d'oliviers
séculaires au-dessus desquels le public des tri-
bunes aperçoit au loin la mer, réunira nombre
de gentlemen et d'officiers : la liste des enga-
gements promet des épreuves très brillantes
Hier, au meeting de Monaco, les moteurs
« Itala » Ont fait leurs débuts marins. Ils ont
été aussi brillants sur mer qu'ils l'avaient été
sur terre, puisque le Seasick a, dès son pre-
mier effort,, battus tous les recorda du monçte
des mofcoeanots de 8 mètres. Cette prouesse,
il l'a accomplie dans le handicap de 50 kilo-
mètres, où il parcourait la distance en 1 heure
4 minutes 8 secondes; avec 7 minutes de gain
'Sm' le meilleur temps de igo5, et 5 sur celui
de 1906. Le Seasick et son moteur « Itala »
f aisaient mieux encore : ils couvraient les dix
premiers kilomètres en 12 minutes 22 secon-
des, réalisant ainsi la plus grande vitesse pour
canots de toutes catégories.
La représentation des « Itala M, les plus
rapides voitures et canots du monde entier,
appartient exclusivement pour la France à
Paris-Automobile, 48-50, rue d'Anjou.
B
eauooup de Parisiens profiteront des fêtes
de Pâques pour aller à la campagne:
ceux qui sont désireux de devenir acquéreurs
d'un terrain ne manqueront pas de se rendre
au Bois de Beauséjour, où la vente des lots
boisés recommencera dimanche et lundi, 15 et
16 avril, et se continuera tous les dimanches
et fêtes. y i re ndre, pren-dre le train aux gares
Pour s'y rendre, prendre le train: aux gares
d'Orsay, Saint-Michel ou Austerlitz, pour Epi-
nay-sur-Orge, station qui se trouve à quelques
minutes du lotissement.
L
a Houle, le nouveau roman de Jean Rei-
brach, fait sensation.
Toutes les luttes passionnées qui divisent
en notre temps les castes et les races y sont
peintes d'un style fort et brillant, avec une
vision aiguë de l'âme moderne.
Le contre-coup de ces luttes sur le cœur
d'une femme permet à l'auteur d'éérire des
pages vibrantes de passion et toutes adoucies
de tendresse.
Le» femmes liront et reliront ce roman, où
elles trouveront l'une d'elles si admirablement
étudiée. (Librairie Universelle, 33, rue de
Provenœ, Paris. 3 fr. 50 franco.)
A
ux quatorze « escapés » de Courrières, si
providentiellement sauvés d'une mort af-
freuse, mais qui ont besoin de soins attentifs
pour se remettre de leurs privations et de la
secousse nerveuse qu'ils ont éprouvée, un phi-
lanthrope bien connu vient d'envoyer plue
sieurs caisses de la Véritable Ziçrnùr des Pè-
res Chartreux (de Tarragone). Cette déli-
cieuse liqueur, hygiénique par excellence, sera
reçue avec reconnaissante par les convales-
cents de l'infirmerie de Billy, auxquels les
médecins ne pourront permettre gourmandise
plus précieuse, stimulant plus agréable.
ÎOINVILLE.
Carnet d'un Sauvage
Je ne -suis pas plus Malin qu'un autre, et
l'on peut m'en faire accrojre aisément. Pour-
tant j'ai tout à fait peine à me persuader
que, si le temps s'est rembruni ces derniers
jours, ce soit la faute ~ux cendres du Vé-
suvo. ..,. v
Je sais que la luneMlSse pour nous jouer
des tours, et qu'elle est beaucoup plus loin
dajjous qufrlft. Vésuve ; mais elle est aussi
beaucoup plus grosse. J'avoue être à peu
près aussi étonné d'apprendre que le Vésuve
nous envoie ses cendres, que si l'on m'ap-
prenait qu'il est cause de la grève des fac-
teurs. *
Et remarquez que ce ne serait pas beau-
coup plus extravagant. Car, si les perturba-
tions de là-bas ont un effet, sur notre at-
mosphère, elles peuvent aussi en avoir un
sur nos cerveaux. Et les agitations auxquel-
les nous sommes en proie trouveraient là
une explication qui en vaudrait bien une
autre.
Il est certain que tout ce qui se passe au-
jourd'hui ne parait pas très conforme au
bon sens. Nous sommes-tous fêlés, au point
de ne plus voir clair dans nos véritables
intérêts, et l'on ne rencontre que gens qui,
semblables aux chevaux, se jettent à plein
poitrail sur la lame du couteau, qu'ils cher-
chent à éviter.
Il est humain de se tromper ; mais.ne pas
manquer une occasion de faire ce qui peut
vous porter préjudice, cela dépasse tout de
même les limites des gaffes ordinaires.
Je n'affirmerais pas que le volcan en soit
la cause. A la vérité, je l'aimerais mieux,
dans l'espoir que l'apaisement certain de
l'un amènerait tout naturellement celui des
autres. Il serait terrible que nous ne revins-
sions pas à la. raison avant la fin de la pé-
riode électorale ; autrement j'aurais grand'-
peur qu'il ne sortît des urnes une assem-
blée, dont les membres fussent tous affligés
de la danse de Saint-Gui. ,.
On pourrait alors la loger à Charenton, ce
qui permettrait de faire l'économie d'une
nouvelle salle ; mais il serait difficile de la
supporter longtemps. Il n'est, en effet, ar-
rivé qu'une fois à la France d'être gouver-
née par un fou, et cela ne lui a pas réussi.
Il est vrai qu'aujourd'hui tous les Fran-
çais .seraient à la hauteur, ce qui fait qu'on
s'entendrait peut-être.
Quand, dans une soirée, tout le monde a
perdu la tête, personne ne s'en aperçoit, et
c'est commet si tout le monde l'avait conser
vée.
Henry muet;
Le Contribuable
et l'Administration
Notre excellent collaborateur Paul Mar-
ctueritte nous adresse la lettre suivante, que
tout commentaire ne pourrait qu'affaiblir:
Marlotte (Seine-el-Marne), 12 avril 1906.
Mon cher directeur.
Voulez-vous me permettre de raconter à vos
lecteurs une petite histoire? Elle aurait pu leur
arriver. Elle leur arrivera peut-être demain.
Titre : « La Fable éternelle 8 : Le Contribuable
et l'Administration.
Avant-hier, on m'expédiait un cheval de selle
de Saint-Germain-èn-Laye à Fontainebleau. Pe-
tit trajet. Duc, c'est le nom de mon cheval,
embarqué en wagon-écurie à 8 h. 12 du matin,
devait arriver à 1 h. 44. Or, devinez quand je
l'ai reçu? Le surlendemain, matin. Après un iom-
et une nuit ! Vingt et une heures pour quelques
kilomètres. Le temps d'aller de Paris & Mil£n,
en passant par Marseille et Gênes !
Toute la journée, à coups de téléphone et de
télégraphe, j'ai réclamé ce cheval sur diverses
lignes. A 5 heures, enfin, on le découvre à
Melun, Mais le chef de service se refuse à l'en-
voyer avant 1 h. 1/2 du Matin. Et quand
il arrive, impossible de le garer et de le débar-
quer avant 5 heures à laube. Douze heures
s'étaient écoulées pour le trajet Melun-Fontaine-
bleau, qui prend vingt minutes 1,
Mourant. de faim et de soif, Duc n'eût pas
été plus fatigué par un voyage en Italie.
Vos lecteurs ne penseront-ils pas que par ces
procédés, vexatoires pour les gens et inhumains
pour les animaux, les grandes administrations
abusent un peu, un petit pçu, tout de même?
Veuillez agréer, mon cher Directeur, mes sen-
timents les plus distingués.
PMlB MAasCBMTTB,
LA GRÈVE DES FACTEURS -
TROIS CENTS RÉVOCATIONS
M. Barthou a signé, hier, la révocation de trois cents
facteurs grévistes. — Les meetings se sont succé"
dé toute la journée, et la grève continue.
Une escouade de soldats-facetur* sortant de l'Hôtel des Postes.
Malgré les bruits alarmistes et les nou-
velles tendancieuses qui ont été répandus
depuis quarante-huit fleures sur l'élan de
la grève, c'est toujours au personnel chargé
de la distribution des imprimés que le mou-
vement est circonscrit. -
Le nombre des grévistes- n'a nullement
augmenté. Même, dans plusieurs bureaux,
certains employés qui avaient cessé le tra-
vail ont réintégré leur poste.
Près de vingt-cinq mille objets étant restés
en souffrance à l'hôtel des Postes depuis
trois jours, MM. Barihou et Béra-rd ont dé-
cidé d'en faire opérer la distribution par
250 sous-officiers et caporaux que le gouver-
neur militaire de Paris a mis à la disposi-
tion de l'admimstration.
Une mesure plus grave a coïncidé, d'ail-
leurs, avec l'augmentation des effectifs de
troupes affectés à la distribuuon des impri-
més.
Dans la matinée, en effet, 'M. Barihou si-
gnait la révocation de trois cents grévistes.
Le ministre des .travaux publics, accom-
pagné de M. Bérarq, s'est rendu à l'hôtel
des Postes, où il a. eu une longue conférence
avec le directeur, M. Joyeux.
Le bureau des postes de la rue Vintimille, gardé
- , par les troupes
Les premières révocations signées ont été
celles des facteurs désignes comme les me-
neurs du. mouvement, notamment les fac-
teurs Grangier, Barbut, Bernachon, Rey,
etc., etc.
La plupart des révoqués sont des facteurs
d'imprimés, mais parmi eux se trouvent un
certain nombre de facteurs de lettres, com-
me Grangier, qui avaient abandonné le tra-
vail.
Les intéressés ont été informés) de la me-
sure prise à leur égard par une dépêche en-
voyée à leur domicile, leur indiquant qu'ils
étaient déjà remplacés dans leurs fonctions.
Le ministre des travaux publics a signé,
d'autre part, les arrêtés nécessaires nom-
mant les trois cents nouveaux facteurs des-
tinés à. remplacer les titulaires révoqués.
L'opération a été d'autant plus facile que
l'administration, pour Paris seulement, a
sous la main environ 10,000 postulants réu-
nissant toutes les conditions requises pour
aspirer aux fonctions de facteur. Les candi-
dats ainsi nommes ont été avisas également
par dépêche d'avoir à se présenter à la di-
rection des postes de la Seme, qui procédera
à leur installation. x
Si de nouvelles révocations sont rendues
nécessaires, on -procédera à. de nouvelles no-
minations faites sur l'effectif des postulants
à l'emploi de facteur à Paris, tenu à jour
par la direction du personnel.
Dans le cas où la grève amènerait en pro-
vince une perturbation dans le service, M.
Barthou a décidé d'appliquer les mêmes me-
sures dans les recettes départementales à
l'égard du personnel défaillant.
C'est, ainsi que les receveurs ont reçu l'or-
dre, par télégrammes, de remplacer, le cas
échéant, les grévistes au fur et à mesure
des besoins par un effectif de nouveaux fac-
teurs qu'ils nommeront par arrêtés.
Avant de quitter l'hôtel des Postes, le mi
nisfre des travaux publics a parcouru les di-
vers services, où règne la. plus grande acti-
vité.
Il a félicité les facteurs qui étaient restés
attachés à leur devoir et Les a remerciés de
leur dévouement, qui est le meilleur des ti-
tres à la bienveillance du gouvernement.
Au Tivoli-Vauxhall
Les grévistes se sont tenus en permanence,
presque toute la journée,au Tivoli-Vauxhall,
où deux meetings furent organisés, le matin
et l'après-midi.
D'importantes mesures de police avaient
été prises aux abords de la salle pour parer
à tout incident :
La première réunion s'ouvre à huit heures
et demie sous la présidence de M. Dargelos,
facteur du oniiMieme arrondissement, assis-
té de MM. Carrat, ambulant et Simonne»,
jeune facteur.
La salle est bondée. On respire à peine.
M. Jabouina' donne lecture- d'vm téiégrgro»
me annonçant qu'à Dijon les facteurs se son.
dansent avec leurs camarades Parisiens.
On apprend encore que deux ou trois bu-
reaux de poste sont fermés dans Paris.
A Levallois-Perret,. à Versailles et à Bâti*
gnolet, le service n'est, plus assuré. Au bit*
reau de la Bourse, les télégraphistes et télé*
phopistes refusent de prendre le travail.
La fanfare des postes joue la TSlarseillaisa
et l'ln ternationale. Puis les orateurs se suc-
cèdent à la tribune. Prennent tour à "tour la
parole : MM. Grangier, Raffet, Gallois, Jury,
Serre, Rey, Jabouina, Bonnet, Sutra, Si-
monnat, etc.
M. Desrues, au nom des grévistes du 'dix-
neuvième arrondissement,, lit l'ordre du
jour suivant, acclamé la veilâe :
Les sous-agents du. 19e arrondissement-, réyniS
salle Chapnis, 124, rue d'Anemagne, sous la. pré-
sidence du citoyen Musqui, après avoir enfêtkhj
divers orateurs et avoir étudié et approuvé h»
conduite du comité syndical, s'engagent sur
1 nonneur, a cesser, ou ut travail et a laire uau«j
commune avec les camarade postiers, téléjefabv
phistes et téléphonistes, pour la réussite dé" I€&T8
justes et légitimes revendications et se séparent
aux cris de : « Vive la grève ! x
Sur la proposition de M. Prost, on va cher*
cher le drapeau de la Confédération générale
du travail, qui est placé au-dessus du-bu.
*
reau, tandis que la fanfare- iouè la Carma-
gnole et Vlntexnalionale.* , , ,
L'après-midi
Suspendue à midi, la séance était rouverte,
à deux heures, sous la présidence du facteur
Lesueur.. ,
M. Grangier lit la dépêche suivante :
Les facteurs bruxellois envoient à leurs cet.
lègues français en grève l'expression de leur
chaleureuse sympathie et fonis des voeux ar-
dents pour le triomphe de leur, juste cause.
Mme Girard, de l'Association des damea
employées, vient, très émue, soutenir le cou*
rage des grévistes :
— Il ne faut pas, dit-elle, que les femmes
des travailleurs soient obligées d'accepter
de l'ouvrage autre que celui de leur inté.
rieur ; il faut que le mari gagne, assez peut
subvenir aux besoins de sa famille. Ne cé-
dez donc pas. Ecoutez Grangier, qui est un
maître et qui fera triompher voe-revendica-
tions.
Une ovation est faite à-Mme Girard..
M. Lévv, de la Confédération générale qll
travail, affirme que le peuple assiste aujour*
travail, à la véritable éclosion delà conscience
ouvrière'» IL proclame, au milieu des ap-
plaudissements « que le vol est. un droit de.
vant un salaire de famine aussi minime que
celui des facteurs. » ,
M. Ravenel, de l'Assistance publique, in-
vite les femmes a laisser leurs maris pour-
suivre la conquête d'une situation meilleure.
D'autres orateurs, MM. Carrat, Galilée.,
etc., prennent la parole à lenr tour.
On lit et. commente la lettre suivante que
les facteurs, tubistes et facteurs chefs des
télégraphes ont reçu de l'ingénieur en chef
chargé de la direction'des services électrir
ques:
« Monsieur,. ; s
« Je suis informé que voua avez abandonna
votre service sans autorisation. Vous- avez -eti-
couru de ce fait la, révocation sans préjuger de3
sifites que pourra recevoir ce grave manque-
ment à la discipline.
« Je vous invite à reprendre vos fonctions
aujourd'hui, avant cinq heures.
a L'ingénieur en chef,
« Sigillé : FouÉ. »
Il est cinq heures et demie quand a lieu la
lecture de cette lettre. On répond par le cri j
« Vive la grève ! »
Enfin, à six heures, la séance est levée.
M. Grangier, recommande, comme toujours,
le calme à ses camarades et leur donne ren-
dez-vous pour huit'heures et demie. - -
La sortie s'effectue, sans "incident, aux et
cents de Y Internationale.
Autres meetings
Deux ou trois cents jeunes facteurs du té.
légraphe se sont réunis dans un café .voisin
de la Bourse du commerce. Plusieurs ora<
teurs, dont deux membres du conseil svndit
cal des sous-agents, délégués par leurs ca-
marades, ont exhorté en termes véhéments
les jeunes télégraphistes à se soiidariseï
avec leurs aînés.
L'ordre du jour suivant a été adepte :
En présence de l'oppressât dont sont vicumei
les facteurs d'imprimés, les facteurs tubistes,
télégraph.stes adultes, jeunes facteurs distribu-
teurs, bandistes et téléphonistes, par solidarité
d'abord, et pour appuyer leurs revendications
qui seront jointes à celles- des sous-agents, de.
clarent la grève générale jusqu'à complète sat
tislacion.
D'autre part, les ouvriers « main-d'œt»
vre » des postes et télégraphes ont tenu une
réunion, au cours de laquelle ils ont arrêta
les termes d'une affiche qui va être piacar,
dée à Paris et en province.
C'est un appel aux travailleurs de l'Etaf
à la population, où sont exposées les reveo
dications des intéressés et qui se termina
ainsi :
Si les communications ne sont pas jftnnrrïf
-
HUIT PAGES - Le Numéro qootidfeo (Paris et Départements) — CINQ CENTIMES
SAMEÎ>Pt4 AVRIL 1906
LE JOURNAL
FERNAND XAU, Fondateur
RÉDACTION ET ADMINISTRATION ; 100, RUE RICHELIEU, PARIS FERNAND XAU, Fondatcur
Prix des Abonnements
Un an Six mois Trois moto
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CHEZ LAGRANGE; CERF ET Cie
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et aux bureaux du JOURNAL
Adresser les mandats-poste à M. l'Administrateur
Adresse télégraphique : JOURNAL - RICHELIEU - PARIS-
IM manuscrits non insérés ne sont pas rendue
- L'ERUPTION DU VESUVE
LE MONSTRE S'APAISE
jBnr les flancs du volcan, la pluie de cendres et de
lapilli continue à tomber implacable, mais la
violence de l'éruption diminue,
DANS LA REGION VESUVIENNE. — Les cadavres des victimes de l'éruption sur la place
d'Ottajano. — Le désastre du marché de Monte-Oliveto, à Naples. (Photographie prise mardi
matin.
NAPLES, le 13 avril. (Par dépêche de
notre envoyé spécial.) — Ce matin, en
ouvrant ma fenêtre,- j'éprouve une
agréable surprise. La pluie de cendres
a cessé et la mer est redevenue bleue.
Une brume, légère comme une gaze qui
va s'envoler aux premiers rayons du so-
leil, laisse apercevoir la rade immense,
barrée au loin par les coteaux de Oapri
et sur laquelle semblent dormir les
énormes cuirassés noirs de ia Hotte ita-
lienne, derrière Lesquels je. découvre
d'autres monstres gris avivés d'hier et
gui forment l'escadre française.
Le contre-amiral MASCERON
flOOHmanclant la division navale envoyée à Naples
par le gouvernement français
Photo Pirou, M St-Germain
Le Vésuve disparaît encore totale-
ment dans une buée de poussière brune,
mais la brise de mer, qui a déjà dégagé
le ciel au-dessus de la ville, pousse
cette énorme masse de cendres de l'autre
côté du volcan, ce qui en favorisera
p,eut-être, l'accès par Torre-del-Ureco.
En tous cas, l'accalmie permet de ten-
ter l'aventure, et je n'hésite pas un ins-
tant de plus à m'embarquer.
A* cette heure matinale, sous le sour-
fle frais 'et vivifiant qui vient du large,
une promenade en mer est un enchan-
tement. La rade de Naples, qui n'a pas
volé sa réputation, ressemble à un énor-
me saphir enchâssé dans un anneau
d'or. La mer a la souplesse d'une étoffe
de soie que l'étrave du bateau déchire
Bt dont les plis moirés ondulent jusqu'à
l'horizon. La ville, bâtie en amphithéâ-
tre, se reflète dans l'eau comme en un
miroir, mais les jardins qui la cou-
ronnent. m perdent encore dans le
brouillard jaune, hermétique des pous-
sières'vomies par le cratère. On distin-
gue Portlicj, Résina, Torre-del-Greco, et,
ft l'extrémité, de la baie, Castelïamare et
Sorrente, les deux seules localités épar-
gnées par l'éruption. Devant nous, c'est
Toirré-del-Annunziata où nous accos-
tons sans incident.
Je trouve là mon automobile, dont
le conducteur, rassuré par le beau
temps, atteste qu'il ne recuLera devant
aucun obstacle, et un aimable Na-
politain qui connaît admirablement la
région vésuvienne et veut bien me
servir de Ciicerone. On se met en
route pleins de confiance ; mais à
mesure que nous nous rapprochons de
la montagne, nous commençons à dé-
Ohanter et nous ne tardons pas à nous
convaincre que les mêmes difficultés
vont s'opposer à notre projet d'ascen-
sion.
A l'entrée de Torre-del-Greco, où nous
mettons pied à terre, la pluie de cendres
recommence et devient de plus en. plus
intense, à mesure que nous nous enfon-
çons dans le pays. Le soleil qui brillait
tout à l'heure d'un éclat incomparable,
pâlit insensiblement jusqu'à devenir
aussi blafard qu'un clair de lune. Dans
les rues de la petite ville, c'est la nuit,
tlgt comme la veilla nous circulons dif-
ficilement à la lueur des réverbères.
Quelques habitants sont néanmoins re-
venus. Nous en apercevons plusieurs
sur l,e pas de leurs portes, silencieux et
résignés. Ils regardent les équipes de
soldats, employés au déblaiement, qui
se rendent au travail armés de pioches
et de pelles. Ils s'accordent à reconnaî-
tre l'admirable dévouement des' militai-
res, mais ne font rien pour les aider.
On les croirait frappés de stupeur. Dans
l'obscurité, on entend la voix brève d'un
officier qui donne des ordres., Mon gui-
de s'approche et le reconnaît.
— C'est le général Martin-elli., me dit-il,
il commande le secteur, et c'est grâce à
sa vigilance que tout accident a pu être
évité. Comme vous pouvez vous en ren-
dre compte, dans cette éruption, c'est la
cendre qui, en s'accumulant, constitue
le. véritable danger. Elle a entraîné l'é-
croulement du marché du Monte-Olive-
to, à Naples, de:Féglise de San-Giuseppe
et de plusieurs maisons, à Ottaj-ano.
Dans cette dernière localité, la plupart
des habitante, surpris au lit, ont été as-
phyxiés avant d'être ensevelis sous les
décombres. On a raconté qu'ils auiaiçgt
pu fuir. C'est facile à dire. La cenpcg,
quand elle tombe avec une pareille in-
tensité; démoralise les plus courageux.
Je suis tout à fait, de cet avis et, depuis
que nous déambulons sous cette avalan-
che de poussière aveuglante, je me rends
parfaitement compte de' ce qui a dû se
passer, non seulement ces jours-ci, de
l'autre côté de la montagne, mais encore
il y a trois mille, ans, à Pompéi et à Her-
culanum, que nous traverserons tout à
l'heure.
Songez qu'à Torre-del-Greco, où la
pluie a été moins forte qu'à Ottajano,
l'épaisseur de la couche tombée nous ar-
rive à la ceinture, et que, sur certains
points en contre-bas, elle dépasse la hau-
teur d'un homme. Mes compagnons et
moi, nous en sommes couverts déjà, de
la tête aux pieds. Nos coiffures, nos vê-
tements ont perdu leur forme e:t leur
couleur. Nous ressemblons à des esquis-
ses de sculpteurs modernes, ou à ces fi-
gures vaguement ébauchées qu'on ne
distingue pas très bien, sur les bas-re-
liefs antiques. Il ne faut pas un grand
effort d'imagination pour deviner l'al-
lure que nous pourrions avoir dansi un
musée archéologique de l'avenir.
Par un chemin de traverse, nous nous
dirigeons vers Bosco-Trecase, la premiè-
re ville où la lave fit irruption il y a huit
jours. Les habitants l'ont complètement
évacuée. Nous n'y trouvons qu'un poste
de bersagliers et quelques pompiers qui
y restent en permanence. C'est de là que
part le sentier qui conduit sur les flancs
du. volcan. Nous nous mettons à sa re-
cherche, mais nous ne le découvrons
pas, pour l'excellente raison qu'il n'exis-
te plus. En revanche, mon guide me fait
tâter d'es lapilli. C'est sipiplemenit du
gravier volcanique, noir et très pur.
Heureusement que, pour le quart d'heu-
re, il n'en pleut pas.
Nous vaquons toujours dans une de-
mi-obscurité, et notre promenade en
zigzags autour des habitations abandon-
nées ne saurait se prolonger indéfini-
ment. Je voudrais cependant arriver à
un point atteint par la lave. A un mo-
ment donné, mon guide affirme que
nous y sommes. C'est bien possible,
mais il est difficile de le vérifier, perce
que les cendres, là aussi, couvrent tout.
De guerre lasse, nous retournons à
Torre-Annunziata, d'où nous allons 111er
en auto, en faisant un crochet, jusqu'à
San-Giuseppe et Ottajano.
Je rencontre, dans ce dernier vil1 âge,
un certain nombre de confrères qui ont
suivi le roi et la reine dans leur oxeu lé-
sion à travers la campagne dévastée. Ils
ne tarissent pas d'éloges sur le courai-o
et le dévouement de Leurs Majestés, qui
n'ont reculé devant aucune fatigue pour
aller eux-mêmes distribuer aux famil-
les des victimes les secours et les con-
solations.
Sous la pluie de cendres qui tombe en-
core, mais dont l'intensité diminue, plu-
sieurs escouades de soldats, dirigées par
des officiers du génie, fouillent les dé-
combres des maisons effondrées, d'où ils
ont retiré, ce matin, de nouveaux cada-
vres. Je m'enquiers auprès de plusieurs
personnes du chiffre aes victimes. Les
journalistes et les fonctionnaires sont
loin d'être d'accord à ce sujet, et cepen-
dant, les uns et les autres exagèrent. Ils
parlent de quatre à cinq cents paysans
ensevelis. Mon guide, plus prudent,
compte deux cents morts environ, y
compris les onze cadavres du marche
de Naples.
La catastrophe n'en est pas moins dé-
plorable et elle aura des effets désas-
treux, puisque plus de dix communes
importantes sont complètement ruinées.
Le nombre des hommes, femmes et en-
fants qui errent affolés sur les routes,
à la recherche d'un morceau de pain et
d'un gîte, grossit chaque jour. Ces mal-
heureux tremblent d'épouvante, et tou-
tes les exhortations sont impuissantes
à ranimer leur courage. Des comités
se sont organisés pour les recueillir et
les assister, en attendant qu'ils puissent
retourner dans leurs villages et se re-
mettre au travail.
On a, ce soir, des nouvelles rassuran-
tes du volcan.. Le professeur Matteucci,
le courageux savant que l'éruption n'a
pu chasser de son observatoire, annon*
ce que la crise touche visiblement à sa
fin et que la pluie de cendres elle-même
ne persistera plus longtemps.
Quoi qu'il en soit, la population, napo-
litaine. si elle n'a pas encore repris son
insouciance légendaire, paraît beau-
coup plus calme. Les magasins et les
cafés sont rouverts, mais la foule se
porte surtout vers les églises pour sui-
vre les cérémonies de la Semaine Sainte
et s'agenouiller devant les auteLs de la
Madone, qui resplendissent du graisil-
lement des cierges. PAUL BELON.
PAUL BELON.
Nouç publierons démâta la suite de
l'enquête de notre collaborateur JACQUES.
DHUR, sur « Scandales coloniaux en
Guinée ».
ECHOS
M
Fallières a télégraphié au rod Victor-
Emmanuel III ses profondes rondo-
léances à l'occasion de l'éruption du Vésuve
et des désastres qu'elle a causés dans la ré-
gion vésuvieime.
De son côté, M. Barrère, ambassadeur de
France, a exprimé au comte Guicciardini, mi-
nistre des affaires étrangères, les vives sym-
pathies du gouvernement pour le m&ljheur
dont l'Italie est frppoe.
N
otre collaborateur M. Stephane Jousselh)
a quitté Paris, hier, se rendant à Milan,
où il va visiter, pour les lecteurs du Journal,
l'Exposition dont l'ouverture est prochaine.
L
e Parlement ayant voté le projet Be loi
portant ouverture, au ministère de l'agri-
culture, d'un crédit de 100,000 francs pour
les dépenses d'organisation d'un concours cen-
tral d andmaux reproducteurs des espèces che-
valine et asine françaises à Paris en 1906, et
la Ville de Paris ayant, de son côté, mis la
Galerie deâ Machines à sa disposition M. Jo-
seph Ruau, ministre de l'agriculture, a ap"
jprouvé le programme dudit concours, élaboré
ssion spéciale, après consulta-
tion se 1 supérieur des haras.
Le .concours se tiendra, en conséquence,
dans la Galerie des Machines, du 13 au 17
juin.
Les engagements devront parvenir au mi-
nistère de l'agriculture, direction des haras,
28 bureau, avant le 10 mai. Les intéressés
trouveront au ministère de l'agriculture, dans
les préfectures et dans les dépôts d'étalons,
des programmes et: des feuilles d'engagement
L
es premières cartes-lettres à dix centimes
ont fait leur apparition, de même que
les timbres du même prix, qu'on pourra utili-
ser pour la correspondance intérieure, dès
qu'aura été effectuée la dernière levée des
boîtes de demain dimanche; elles sont à l'ef-
figie de la « Semeuse D..
D
e Monte-Carlo :
Mardi prochain, 17 avril, aura lieu, au
Pa.Ia.is des Beaux-Arts, le tournoi internatio-
nal d'épée. -
L'équipe italienne se compose de MM. R.
Nowak (Bergame), capitaine d'entraînement ;
Bertinetti (Turin), Cavalchim (Turin), Gia-
nese (Venise), A. Olivier (Milan), Spéciale
(PaJerme).
L'équipe française, de MM. J. Joseph-Re-
naud (Paris), capitaine d'entrainement ; Ali-
bert (Paris), Bruneau de Laborie (Paris),
Gaudin (Paris), Leleu (Douai), Sulzbacher
(Paris).
Le président est M. le duc Decazes. Les
jurés italiens sont MM. G. Mattirolo, S. Ma-
chi, Colambetti ; les jurés français, MM. de
Blest-Gana, docteur Jacques Liouville, S. Lé-
zard.
Le Comité se compose de MM. le comte
Albert Gautier, président; Bruneau de Labo-
rie, vice-président; A. Feyerick, lord Howard
de Walden, le prince de Torremuzza.
Le Concours hippique de Menton-Cap Mar-
tin, qui s'ouvre lundi prochain, 16 avril, s'an-
nonce comme une réunion de suprême élé-
gance.
Le Comité d'organisation a su créer.un
cadre digne de ces journées mondaines. De
nouvelles tribunes, où le confort moderne s'al-
lie à l'ingériosité et à la sveltesse gracieuse
de la construction, ont été établies sur toute
la longueur de la piste, et un vaste oramenoir
central avec buffet a été ajouté aux promenoirs
latéraux.
Cette piste, très vaste, encadrée d'oliviers
séculaires au-dessus desquels le public des tri-
bunes aperçoit au loin la mer, réunira nombre
de gentlemen et d'officiers : la liste des enga-
gements promet des épreuves très brillantes
Hier, au meeting de Monaco, les moteurs
« Itala » Ont fait leurs débuts marins. Ils ont
été aussi brillants sur mer qu'ils l'avaient été
sur terre, puisque le Seasick a, dès son pre-
mier effort,, battus tous les recorda du monçte
des mofcoeanots de 8 mètres. Cette prouesse,
il l'a accomplie dans le handicap de 50 kilo-
mètres, où il parcourait la distance en 1 heure
4 minutes 8 secondes; avec 7 minutes de gain
'Sm' le meilleur temps de igo5, et 5 sur celui
de 1906. Le Seasick et son moteur « Itala »
f aisaient mieux encore : ils couvraient les dix
premiers kilomètres en 12 minutes 22 secon-
des, réalisant ainsi la plus grande vitesse pour
canots de toutes catégories.
La représentation des « Itala M, les plus
rapides voitures et canots du monde entier,
appartient exclusivement pour la France à
Paris-Automobile, 48-50, rue d'Anjou.
B
eauooup de Parisiens profiteront des fêtes
de Pâques pour aller à la campagne:
ceux qui sont désireux de devenir acquéreurs
d'un terrain ne manqueront pas de se rendre
au Bois de Beauséjour, où la vente des lots
boisés recommencera dimanche et lundi, 15 et
16 avril, et se continuera tous les dimanches
et fêtes. y i re ndre, pren-dre le train aux gares
Pour s'y rendre, prendre le train: aux gares
d'Orsay, Saint-Michel ou Austerlitz, pour Epi-
nay-sur-Orge, station qui se trouve à quelques
minutes du lotissement.
L
a Houle, le nouveau roman de Jean Rei-
brach, fait sensation.
Toutes les luttes passionnées qui divisent
en notre temps les castes et les races y sont
peintes d'un style fort et brillant, avec une
vision aiguë de l'âme moderne.
Le contre-coup de ces luttes sur le cœur
d'une femme permet à l'auteur d'éérire des
pages vibrantes de passion et toutes adoucies
de tendresse.
Le» femmes liront et reliront ce roman, où
elles trouveront l'une d'elles si admirablement
étudiée. (Librairie Universelle, 33, rue de
Provenœ, Paris. 3 fr. 50 franco.)
A
ux quatorze « escapés » de Courrières, si
providentiellement sauvés d'une mort af-
freuse, mais qui ont besoin de soins attentifs
pour se remettre de leurs privations et de la
secousse nerveuse qu'ils ont éprouvée, un phi-
lanthrope bien connu vient d'envoyer plue
sieurs caisses de la Véritable Ziçrnùr des Pè-
res Chartreux (de Tarragone). Cette déli-
cieuse liqueur, hygiénique par excellence, sera
reçue avec reconnaissante par les convales-
cents de l'infirmerie de Billy, auxquels les
médecins ne pourront permettre gourmandise
plus précieuse, stimulant plus agréable.
ÎOINVILLE.
Carnet d'un Sauvage
Je ne -suis pas plus Malin qu'un autre, et
l'on peut m'en faire accrojre aisément. Pour-
tant j'ai tout à fait peine à me persuader
que, si le temps s'est rembruni ces derniers
jours, ce soit la faute ~ux cendres du Vé-
suvo. ..,. v
Je sais que la luneMlSse pour nous jouer
des tours, et qu'elle est beaucoup plus loin
dajjous qufrlft. Vésuve ; mais elle est aussi
beaucoup plus grosse. J'avoue être à peu
près aussi étonné d'apprendre que le Vésuve
nous envoie ses cendres, que si l'on m'ap-
prenait qu'il est cause de la grève des fac-
teurs. *
Et remarquez que ce ne serait pas beau-
coup plus extravagant. Car, si les perturba-
tions de là-bas ont un effet, sur notre at-
mosphère, elles peuvent aussi en avoir un
sur nos cerveaux. Et les agitations auxquel-
les nous sommes en proie trouveraient là
une explication qui en vaudrait bien une
autre.
Il est certain que tout ce qui se passe au-
jourd'hui ne parait pas très conforme au
bon sens. Nous sommes-tous fêlés, au point
de ne plus voir clair dans nos véritables
intérêts, et l'on ne rencontre que gens qui,
semblables aux chevaux, se jettent à plein
poitrail sur la lame du couteau, qu'ils cher-
chent à éviter.
Il est humain de se tromper ; mais.ne pas
manquer une occasion de faire ce qui peut
vous porter préjudice, cela dépasse tout de
même les limites des gaffes ordinaires.
Je n'affirmerais pas que le volcan en soit
la cause. A la vérité, je l'aimerais mieux,
dans l'espoir que l'apaisement certain de
l'un amènerait tout naturellement celui des
autres. Il serait terrible que nous ne revins-
sions pas à la. raison avant la fin de la pé-
riode électorale ; autrement j'aurais grand'-
peur qu'il ne sortît des urnes une assem-
blée, dont les membres fussent tous affligés
de la danse de Saint-Gui. ,.
On pourrait alors la loger à Charenton, ce
qui permettrait de faire l'économie d'une
nouvelle salle ; mais il serait difficile de la
supporter longtemps. Il n'est, en effet, ar-
rivé qu'une fois à la France d'être gouver-
née par un fou, et cela ne lui a pas réussi.
Il est vrai qu'aujourd'hui tous les Fran-
çais .seraient à la hauteur, ce qui fait qu'on
s'entendrait peut-être.
Quand, dans une soirée, tout le monde a
perdu la tête, personne ne s'en aperçoit, et
c'est commet si tout le monde l'avait conser
vée.
Henry muet;
Le Contribuable
et l'Administration
Notre excellent collaborateur Paul Mar-
ctueritte nous adresse la lettre suivante, que
tout commentaire ne pourrait qu'affaiblir:
Marlotte (Seine-el-Marne), 12 avril 1906.
Mon cher directeur.
Voulez-vous me permettre de raconter à vos
lecteurs une petite histoire? Elle aurait pu leur
arriver. Elle leur arrivera peut-être demain.
Titre : « La Fable éternelle 8 : Le Contribuable
et l'Administration.
Avant-hier, on m'expédiait un cheval de selle
de Saint-Germain-èn-Laye à Fontainebleau. Pe-
tit trajet. Duc, c'est le nom de mon cheval,
embarqué en wagon-écurie à 8 h. 12 du matin,
devait arriver à 1 h. 44. Or, devinez quand je
l'ai reçu? Le surlendemain, matin. Après un iom-
et une nuit ! Vingt et une heures pour quelques
kilomètres. Le temps d'aller de Paris & Mil£n,
en passant par Marseille et Gênes !
Toute la journée, à coups de téléphone et de
télégraphe, j'ai réclamé ce cheval sur diverses
lignes. A 5 heures, enfin, on le découvre à
Melun, Mais le chef de service se refuse à l'en-
voyer avant 1 h. 1/2 du Matin. Et quand
il arrive, impossible de le garer et de le débar-
quer avant 5 heures à laube. Douze heures
s'étaient écoulées pour le trajet Melun-Fontaine-
bleau, qui prend vingt minutes 1,
Mourant. de faim et de soif, Duc n'eût pas
été plus fatigué par un voyage en Italie.
Vos lecteurs ne penseront-ils pas que par ces
procédés, vexatoires pour les gens et inhumains
pour les animaux, les grandes administrations
abusent un peu, un petit pçu, tout de même?
Veuillez agréer, mon cher Directeur, mes sen-
timents les plus distingués.
PMlB MAasCBMTTB,
LA GRÈVE DES FACTEURS -
TROIS CENTS RÉVOCATIONS
M. Barthou a signé, hier, la révocation de trois cents
facteurs grévistes. — Les meetings se sont succé"
dé toute la journée, et la grève continue.
Une escouade de soldats-facetur* sortant de l'Hôtel des Postes.
Malgré les bruits alarmistes et les nou-
velles tendancieuses qui ont été répandus
depuis quarante-huit fleures sur l'élan de
la grève, c'est toujours au personnel chargé
de la distribution des imprimés que le mou-
vement est circonscrit. -
Le nombre des grévistes- n'a nullement
augmenté. Même, dans plusieurs bureaux,
certains employés qui avaient cessé le tra-
vail ont réintégré leur poste.
Près de vingt-cinq mille objets étant restés
en souffrance à l'hôtel des Postes depuis
trois jours, MM. Barihou et Béra-rd ont dé-
cidé d'en faire opérer la distribution par
250 sous-officiers et caporaux que le gouver-
neur militaire de Paris a mis à la disposi-
tion de l'admimstration.
Une mesure plus grave a coïncidé, d'ail-
leurs, avec l'augmentation des effectifs de
troupes affectés à la distribuuon des impri-
més.
Dans la matinée, en effet, 'M. Barihou si-
gnait la révocation de trois cents grévistes.
Le ministre des .travaux publics, accom-
pagné de M. Bérarq, s'est rendu à l'hôtel
des Postes, où il a. eu une longue conférence
avec le directeur, M. Joyeux.
Le bureau des postes de la rue Vintimille, gardé
- , par les troupes
Les premières révocations signées ont été
celles des facteurs désignes comme les me-
neurs du. mouvement, notamment les fac-
teurs Grangier, Barbut, Bernachon, Rey,
etc., etc.
La plupart des révoqués sont des facteurs
d'imprimés, mais parmi eux se trouvent un
certain nombre de facteurs de lettres, com-
me Grangier, qui avaient abandonné le tra-
vail.
Les intéressés ont été informés) de la me-
sure prise à leur égard par une dépêche en-
voyée à leur domicile, leur indiquant qu'ils
étaient déjà remplacés dans leurs fonctions.
Le ministre des travaux publics a signé,
d'autre part, les arrêtés nécessaires nom-
mant les trois cents nouveaux facteurs des-
tinés à. remplacer les titulaires révoqués.
L'opération a été d'autant plus facile que
l'administration, pour Paris seulement, a
sous la main environ 10,000 postulants réu-
nissant toutes les conditions requises pour
aspirer aux fonctions de facteur. Les candi-
dats ainsi nommes ont été avisas également
par dépêche d'avoir à se présenter à la di-
rection des postes de la Seme, qui procédera
à leur installation. x
Si de nouvelles révocations sont rendues
nécessaires, on -procédera à. de nouvelles no-
minations faites sur l'effectif des postulants
à l'emploi de facteur à Paris, tenu à jour
par la direction du personnel.
Dans le cas où la grève amènerait en pro-
vince une perturbation dans le service, M.
Barthou a décidé d'appliquer les mêmes me-
sures dans les recettes départementales à
l'égard du personnel défaillant.
C'est, ainsi que les receveurs ont reçu l'or-
dre, par télégrammes, de remplacer, le cas
échéant, les grévistes au fur et à mesure
des besoins par un effectif de nouveaux fac-
teurs qu'ils nommeront par arrêtés.
Avant de quitter l'hôtel des Postes, le mi
nisfre des travaux publics a parcouru les di-
vers services, où règne la. plus grande acti-
vité.
Il a félicité les facteurs qui étaient restés
attachés à leur devoir et Les a remerciés de
leur dévouement, qui est le meilleur des ti-
tres à la bienveillance du gouvernement.
Au Tivoli-Vauxhall
Les grévistes se sont tenus en permanence,
presque toute la journée,au Tivoli-Vauxhall,
où deux meetings furent organisés, le matin
et l'après-midi.
D'importantes mesures de police avaient
été prises aux abords de la salle pour parer
à tout incident :
La première réunion s'ouvre à huit heures
et demie sous la présidence de M. Dargelos,
facteur du oniiMieme arrondissement, assis-
té de MM. Carrat, ambulant et Simonne»,
jeune facteur.
La salle est bondée. On respire à peine.
M. Jabouina' donne lecture- d'vm téiégrgro»
me annonçant qu'à Dijon les facteurs se son.
dansent avec leurs camarades Parisiens.
On apprend encore que deux ou trois bu-
reaux de poste sont fermés dans Paris.
A Levallois-Perret,. à Versailles et à Bâti*
gnolet, le service n'est, plus assuré. Au bit*
reau de la Bourse, les télégraphistes et télé*
phopistes refusent de prendre le travail.
La fanfare des postes joue la TSlarseillaisa
et l'ln ternationale. Puis les orateurs se suc-
cèdent à la tribune. Prennent tour à "tour la
parole : MM. Grangier, Raffet, Gallois, Jury,
Serre, Rey, Jabouina, Bonnet, Sutra, Si-
monnat, etc.
M. Desrues, au nom des grévistes du 'dix-
neuvième arrondissement,, lit l'ordre du
jour suivant, acclamé la veilâe :
Les sous-agents du. 19e arrondissement-, réyniS
salle Chapnis, 124, rue d'Anemagne, sous la. pré-
sidence du citoyen Musqui, après avoir enfêtkhj
divers orateurs et avoir étudié et approuvé h»
conduite du comité syndical, s'engagent sur
1 nonneur, a cesser, ou ut travail et a laire uau«j
commune avec les camarade postiers, téléjefabv
phistes et téléphonistes, pour la réussite dé" I€&T8
justes et légitimes revendications et se séparent
aux cris de : « Vive la grève ! x
Sur la proposition de M. Prost, on va cher*
cher le drapeau de la Confédération générale
du travail, qui est placé au-dessus du-bu.
*
reau, tandis que la fanfare- iouè la Carma-
gnole et Vlntexnalionale.* , , ,
L'après-midi
Suspendue à midi, la séance était rouverte,
à deux heures, sous la présidence du facteur
Lesueur.. ,
M. Grangier lit la dépêche suivante :
Les facteurs bruxellois envoient à leurs cet.
lègues français en grève l'expression de leur
chaleureuse sympathie et fonis des voeux ar-
dents pour le triomphe de leur, juste cause.
Mme Girard, de l'Association des damea
employées, vient, très émue, soutenir le cou*
rage des grévistes :
— Il ne faut pas, dit-elle, que les femmes
des travailleurs soient obligées d'accepter
de l'ouvrage autre que celui de leur inté.
rieur ; il faut que le mari gagne, assez peut
subvenir aux besoins de sa famille. Ne cé-
dez donc pas. Ecoutez Grangier, qui est un
maître et qui fera triompher voe-revendica-
tions.
Une ovation est faite à-Mme Girard..
M. Lévv, de la Confédération générale qll
travail, affirme que le peuple assiste aujour*
travail, à la véritable éclosion delà conscience
ouvrière'» IL proclame, au milieu des ap-
plaudissements « que le vol est. un droit de.
vant un salaire de famine aussi minime que
celui des facteurs. » ,
M. Ravenel, de l'Assistance publique, in-
vite les femmes a laisser leurs maris pour-
suivre la conquête d'une situation meilleure.
D'autres orateurs, MM. Carrat, Galilée.,
etc., prennent la parole à lenr tour.
On lit et. commente la lettre suivante que
les facteurs, tubistes et facteurs chefs des
télégraphes ont reçu de l'ingénieur en chef
chargé de la direction'des services électrir
ques:
« Monsieur,. ; s
« Je suis informé que voua avez abandonna
votre service sans autorisation. Vous- avez -eti-
couru de ce fait la, révocation sans préjuger de3
sifites que pourra recevoir ce grave manque-
ment à la discipline.
« Je vous invite à reprendre vos fonctions
aujourd'hui, avant cinq heures.
a L'ingénieur en chef,
« Sigillé : FouÉ. »
Il est cinq heures et demie quand a lieu la
lecture de cette lettre. On répond par le cri j
« Vive la grève ! »
Enfin, à six heures, la séance est levée.
M. Grangier, recommande, comme toujours,
le calme à ses camarades et leur donne ren-
dez-vous pour huit'heures et demie. - -
La sortie s'effectue, sans "incident, aux et
cents de Y Internationale.
Autres meetings
Deux ou trois cents jeunes facteurs du té.
légraphe se sont réunis dans un café .voisin
de la Bourse du commerce. Plusieurs ora<
teurs, dont deux membres du conseil svndit
cal des sous-agents, délégués par leurs ca-
marades, ont exhorté en termes véhéments
les jeunes télégraphistes à se soiidariseï
avec leurs aînés.
L'ordre du jour suivant a été adepte :
En présence de l'oppressât dont sont vicumei
les facteurs d'imprimés, les facteurs tubistes,
télégraph.stes adultes, jeunes facteurs distribu-
teurs, bandistes et téléphonistes, par solidarité
d'abord, et pour appuyer leurs revendications
qui seront jointes à celles- des sous-agents, de.
clarent la grève générale jusqu'à complète sat
tislacion.
D'autre part, les ouvriers « main-d'œt»
vre » des postes et télégraphes ont tenu une
réunion, au cours de laquelle ils ont arrêta
les termes d'une affiche qui va être piacar,
dée à Paris et en province.
C'est un appel aux travailleurs de l'Etaf
à la population, où sont exposées les reveo
dications des intéressés et qui se termina
ainsi :
Si les communications ne sont pas jftnnrrïf
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