Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-12-04
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 04 décembre 1906 04 décembre 1906
Description : 1906/12/04 (A15,N5178). 1906/12/04 (A15,N5178).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76272787
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/11/2014
QUINZIEME ANNEE. - N- 5178 - ?
HUIT PAGES - Le Numéro quotidien (Paris et Départementsi - CIM CENTIXES@
MARDI 4 DECEMBRE 1906
MMNA-NÙ XAUm Fondateur 1
REDACTION ET ADMINISTRATION : 100, RUE RICHELIEU, PARIS
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Un-an Six mois ^wswnoïs
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ti^nux^'kwrfantx dit JOURNAL -
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Les manuscrit» non intfrts ne tent nos reaclu
LA FRANCE AU MAROO 7
CE QUE DIT M. PICHON
L'envoi à Tanger de l'amiral Tou-
tfhard, à la tête d'une division.de l'esca-
dre do la Méditerranée, à produit dans
ropinion publique, une inquiétude qu'il
serait puéril de dissimuler et qui per-
siste malgré les déclarations rassurantes
prodiguées à cette occasion, par le prési-
dent du conseil et le ministre de la ma-
rine. Les quelques paroles — pourtant
nettes et précises — prononcées dans
Une des dernières séances de la Cham-
bré, par le ministre des affaires étran-
gères en réponse à M. Jaurès, n'ont pas
davantage réussi à dissiper le malaise
auquel nous faisons allusion. On attend
avec une certaine impatience les. expli-
cations complémentaires que le gouver-
nement ne manquera pas de fournir
dans la discussion de l'in terpellation qui
fce déroulera jeudi au Palais-Bourbon.
Mais en attendant des bruits tendan-
cieux, d'allure pessimiste, continuent à
courir sur l'imminence de notre inter-
Ventiicta et la gravité de ses conséquen-
tes*
.,PICHON
(Photo Floret)
r Persuadé qu'ils ne reposent sur au-
bUlue base sérieuse et qu en tout cas les
commentaires dont on les accompagne
Boni notoirement exagérés, il m'a paru
excessivement intéressant de les sou-
mettre à la personne la plus qualifiée
pour les juger à leur véritable valeur.
J'ai donc été voir hier M. Stéphen Pi-
chon, à qui j'avais demandé une au-
dience et qui me l'a accordée avec un
empressement, et une amabilité dont je
le remercie. On a quelque peu abusé,
ces" temps-ci, de la complaisance du
ministre des affaires étrangères.. Des .in-
terlocuteurs qui l'ont rencontré dans un
couloir de la Chambre, ou questionné,
entre deux portes, à la sortie de l'Ely-
sée, lui ont prêté de copieuses confident
ces dont on peut dire qu'elles font hon-
neur à lieur imagination. M. Pichon est
trop fin diplomate pour se répandre en
propos inconsidérés, mais d'autre part
il appartient à cette école moderne
d'hommes d'Etat qui n'éprouvent nulle-
ment le besoin de s'envelopper de mys-
tère et ne craignent pas d'exposer leur
politique au grand jour.
Il m'a reçu au Palais du quai d'Orsay
- oans son cabinet de travail et j'ai pu
l'entretenir librement de la question ma-
rocaine qui, comme on peut le penser,
fait l'objet de sa constante préoccupa-
lion. Il s'en est expliqué sans embarras,
Bans réticences, avec le seul désir de
fixer l'opinion et de l'empêcher de s'é-
garer. Ceux qui ont approché M. Pi-
thon au cours de sa carrière diplomati-
que- déjà longue et si bien remplie, con-
naissent sa puissance persuasive et van-
tent la simplicité de son accueil. Je puis
leur affirmer que les honneurs suprê-
mes ne l'ont pas changé. C'est tout uni-
ment, dans un langage exempt de pré-
tention, mais avec un accent de sincé-
rité incontestable, qu'il s'est exprimé
devant, moi en ces termes :
— Il faut mettre le pubTi^c én garde
contre les erreurs répandues sciemment
Ou inconsciemment, au sujet de notre
politique extérieure. Pour ce qui con-
cerne en particulier le départ de la divi-
sion française qui se rend à Tanger, ma
réponse sera très simple. Les personnes
qui croient que nous allons faire une ex-
pédition au Maroc ont intérêt à le croi-
¡l't?, — et peut-être à le faire croire, — ou
alors elles se trompent complètement.
Une expédition ! J'affirme de la façon la
plus formelle que le gouvernement ac-
tuel n'a jamais eu l'intention d'entrer
dans cette voie. Le conseil des ministres
a toujours été unanime sur cette ques-
tion. Nous devons et nous voulons nous
borner à faire exécuter les clauses qui
nous concernent dans l'acte d'Algésiras.
» Comment peut-on supposer un seul
Instant que nous songions à sortir du
rôle parfaitement défini qui nous a été
tracé par les accords survenus à l'issue
de la Conférence ? Si l'on réfléchissait
un peu, on repousserait jusqu'à l'idée
qu'un ministère présidé par Clemenceau
et dont je fais partie, puisse verser dans
une politique d'aventures et de conquê-
tes. Nous sommes tout le contraire de
ep qu'on a appelé,à une certaine époque,
des coloniaux, enr donnant à cette ex-
pression un sens très spécial, qui inspi-
rait la confiance. Mais nous avons le de-
yoir impérieux de ne pas laisser porter
atteinte aux droits de la France et d'as-
surer partout la sécurité de nos natio-
ttaux.
» L'acte d'Algésiras nous a imposé
Une double mission. D'abord celle d'or-
ganiser la banque marocaine, avec le
concours d'un certain nombre de puis-
sances. Toutes les dispositions -sont
prises, — d'accord avec ces puissances,
— pour cette création qui doit être réa-
lisée pour le ier janvier 1907. Ensuite
nous avons reçu, conjointement avec
l'Espagne, le mandat de coopérer avec
la police chérifienne. pour le rétablisse-
ment et le maintien de l'ordre. Les tex-
tes sont formels. Ils disent explicite-
ment que « la police sera placée sous
l'autorité souveraine de Sa Majesté le
sultan. Elle sera recrutée par le magh-
zen, parmi leis musulmans marocains,
commandée par des caïds marocains et
répartie dans les huit ports ouverts au
i commerce ».
» Et le protocole ajoute que pour ve-
nir en aide au sultan dans l'organisation
de cette police, des officiers et sous-of-
ficiers instructeurs espagnols, des offi-
ciers et sous-officiers instructeurs fran-
çais seront mis à sa disposition par
leurs gouvernements respectifs. Le ca-
dre des instructeurs de la police chéri-
fienne sera espagnol à Tetouan, mixte à
Tanger, espagnol à Larache, français à
Rabat, mixte à Casablanca, et français
dans les trois autres ports. ■.
» Ces cadres sont, ,à l'heure actuelle,
désignés, aussi bien, du côté de la Fran-
ce que du côté de l'Espagne. Nous
avons choisi notre personnel. Encore
faut-il lui permettre de remplir sa tâ-
che. Etant donné l'état d'anarchie qui
règne au Maroc, les mesures prises par
la France et l'Espagne sont essentielle-
ment des mesures de précaution et de
préservation. Il est bien entendu que
nous n'agirons : qu'avec une extrême
prudence, mais enfin il est nécessaire
que nôus ne, soypns pas surpris par les
événements. Dans le cas où l'organisa-
tion de la police soulèverait des trou-
bles toujours possibles, ne faut-il pas
que nous soyons prêts à secourir et à
protéger nos nationaux ?
» On a parlé inconsidérément de l'ef-
fet produit par notre intervention, à l'é-
tranger. Toutes les puissances signatai-
res de la convention d'Algésiras sont au
courant de nos projets et de nos actes.
Il ne peut pas y avoir de surprises polir
l'Europe. D'ailleurs, les ipinistres pléni-
potentiaires de toutes les nations inté-
ressées se réunissent chaque jour à
Tanger et poursuivent d'un commun ac-
cord le même but. Ils viennent d'adres-
ser au maghzen une note collective si-
gnalant l'insuffisance des moyens pour
garantir la sécurité des étrangers et le
besoin d'une réorganisation immédiate
de la police.
» Quant à nous, je vous le répète,
nous n'avons pas d'autre désir et nous
éviterons avec soin de dépasser le man-
dat que nous avons reçu. En vérité, il
n'y a rien jusqu'à présent qui paraisse
de nature à justifier les inquiétudes qui
se sont manifestées dans certains mi-
lieux. On a eu tort de s'émouvoir de
l'envoi de trois navires destinés à rem-
placer ceux qm sô trouvaient déjà dans
les eaux marocaines. Nous avons jugé
qu'une force navale un peu plus puis-
sante produirait un effet moral plus
grand, voilà tout.
» Au surplus, j'ai pleine confiance
dans le caractère pondéré de l'amiral
Touchard, qui saura agir au mieux de
nos intér~s sans nous entraîner dans
des complications. On peut compter sur
lui pour n'intervenir qu'avec circonspec-
tion et à bon escient., dans le cas seule-
ment où cette intervention deviendrait
indispensable. » -
Je demande encore à M. Pic-hon si le
célèbre Erraisouli participera à la réor-
ganisation de la police chérifienne, dont
il semble jusqu'à présent s'être attribué
le monopole. -'
— Erratsouli, me répond-il, n a que
la situation qu'il s'est faite et qui est
assez mal définie. Il est difficile de pré-
voir le rôle qu'il pourra jouer et l'im-
portance qu'on doit y attacher. Mais, je
vous en prie, répétez que, quoi qu'il ar-
rive, notre attitude peut se résumer en
deux mots : Pas d'aventures ! Pas d'ex-
péditions ! Nous nous en tenons au pro-
gramme fixé par l'Acte d'Algésiras, ni
plus ni moins.
Telles ont été les déclarations du mi-
nistre des affaires étrangères. Il les re-
nouvellera et les développera, avec son
talent habituel, devant la Chambre.
PAUL BELON.
EN TROISIEME PAGE :
L'INOUSE
Par HENRI DE REGNIER
ECHOS
L
e Président de la République et Mme
Fallières offriront aujourd'hui un déjeu-
ner en l'honneur des nouveaux pensionnai-
res de la Villa Médicis et des élèves admis
cette année aux Ecoles françaises de Rome
et d'Athènes.
L
e professeur Coolidge, de l'Université
Harvard, commence aujourd'hui à cinq
heures, a la borbonne, sa série de contéren-
ces en langue anglaise sur les Etats-Unis.
M. Coolidge, qui enseigne à Harvard l'his-
toire moderne et y traite plus particulière-
ment de l'Europe orientale, a choisi comme
sujet : The United States as a world power
(Les Etats-Unis comme puissance mondiale).
p
our les victimes du Lutin.
Sur la demande d'un certain nombre
de personnes désireuses de souscrire au profit
des familles des victimes du sous-marin Lu-
tin, le ministre de la marine a consenti à
centraliser à son cabinet les sommes qui lui
seraient adressées à cet effet.
La répartition du total* W" sommes sous-
crites sera faite ultérieurement, par les soins
du ministre de la marine, en tenant compte
des charges des familles des victimes, et,
ainsi qu'il a été fait à l'occasion de la sous-
cription ouverte en 1905 au profit des famil-
les de l'équipage du Farfadet, cette rép'arti-
tion sera insérée au Journal officiel.
u
ne très curieuse brochure, traitant de la
neurasthénie, anémie cérébrale, épuise-
ment, et donnant les moyens de se guérir en
huit jours, est envoyée gratis, sur demande.
Pharmacie Vidal, 8, rue Molière, Paris.,
L
es statistiques accusent actuellement une
recrudescence de malades. Beaucoup de
ces malheureux du sort seraient bien portant
s'ils eu &op -& croquer à temps F1.
ques c Pastilles Victoria a chocolatées, le
plus agréable et le plus antiseptique des
laxatifs-purgatifs. En vente dans toutes les
pharmacies.
L
a saison bat son plein. Partout, dîners,
five o'clock, bals, soirées et réunions fa-
miliales se succèdent, et partout les Biscuits
Pernot tiennent la place d'honneur parmi les
gourmandises à la mode. Ce n'est pas du
snobisme, mais, au contraire, un juste hom-
mage rendu à leur qualité incomparable et
à leur chic exquis.
N
ous signalons dans le numéro de la
Revue de Paris du lU décembre les
Lettres d'amour de Gambetta adressées à
celle qui joua un si grétnd rôle dans sa vie,
et un article d'A. Leroy-Beaulieu, le célèbre
écrivain libéral, sur la Séparation. Dans ce
numéro commence aussi L'Homme qui assas-
sina, un nouveau roman de Claude F arrère,
le lauréat du prix Goncourt en 1905.
MÉDAILLON
LA DAME TRÈS BLONDE
Max et Alex Fischer, ces deux frères, ont de
l'esprit comme huit, et du meilleur. Pareillement
vêtus, l'un blond et l'autre brun, ils traversent
le monde, l'œil vil à saisir le comique involon-
taire des hommes, le trait capital d'une silhouet-
te, un détail de costume ; et leur cerveau amusé
combine des psychologies, dont ils dressent le
procès-verbal dans un style rapide, sautillant,
net, d'une correction très rare.
C'est en promenant ainsi qu'ils renconirèrerit
La DaméNHSs'btonde et le cocher Pohpf, de
l' « Urbaine », chargé de la « n. Et leur ima-
gination a construit un petit roman délicat,
d'ulne bonne humeur si communicative qu'elle
ellt sauvé de l'obsédante « prédiction de Mvnfi
Judicis », le pauvre Prosper Farkas, qui se trie
de fatigue par peur de mourir.Tous les personna.
ges de ce livre léger et lin, — les Moussard, am-
bitieux de ressembler à la caricature qu'ils ont
inspirée sans le savoir, les anonymes clients
d'une pâtisserie parisienne, le couple Nominet
et Aumoitte, ruraux calculateurs et rusés, le nè-
gre Rikoko, — tous prêtent à rire jollement,
parce que Max et Alex Fischer sont des conteurs
d'une verve jeune et d'une fantaisie bien fran-
çaise. — CHARLES-HENRY HIRsCIi.
L
a « Motobloc » se parisianise : elle Ou-I
t vre sa succursale et son magasin d'expo- |
sition 8, rue Latayette, en plein centre.
Au prochain Salon de l'Automobile, stand
n° 60, au Grand Palais, elle convoque. les
amateurs de mécanique, belle, simple et ro-
buste.
E
n écrivant LaiDixième Muse, Georges
Ohnet ne Drévovait Das Qu'il causerait
une agitation aussi vive dans le milieu litté-
raire parisien. Son livre, qui est une pein-
ture amusante et vivante d'une société très
peu connue, a obtenu et obtient encore un
considérable succès. Il faut dire qu'il y avait
longtemps que nous n'avions lu un roman
aussi attrayant. (Librairie Oilendorff.)
0
ffrîr un cadeau véritablement artistique,
c'est donner la plus vive impression de
son goût et flatter celui à qui il a été fait;
c'est aussi le plus subtil moyen de donner de
soi-même une opinion flatteuse.
Vous trouverez ce cadeau chez MM. L.
Barthe et Mettais-Cartier (Société des Grès
artistiques de Charenton), 47, rue de Para-
dis, qui ont su grouper les œuvres des plus
grands maîtres de la sculpture.
La GarnIson de Givat
décimés par la typhoïde
GIVET, le 3 décembre. (Par dépêche de no-
tre correspondant particulier.) — Les garni-
sons de Givet et de Rocroi som, en ce mo-
ment, décimées par une grave épidémie de
fièvre typhoïde. Le 148e d'infanterie, qui est
caserne dans ces deux villes voit le mal
faire de terribles ravages dans ses rangs.
A l'hôpital de Givet, il y a, depuis, sept
jours, dix-neuf malades reconnus nettement
typhoïdderaes : viogt-haïit autres sont en ob-
servation.
Il entre, dans cet hôpital-infirmenie, une
moyenne de dix malades par jour et pour-
tant il n'y a qu'un seul major pour soigner
tout le monde.
Cette situation, qui menace d'empirer, in-
quiète vivement la population.
MOUVEMENT ADMINISTRATIF.
M. ALAPETITE en TunIsie
N. LOTjillD à Lyon
M, BEHNION directeur
da la Sûreté générale
Un important mouvement administratif
est en préparation au ministère de l'inté-
rieur. Nous croyons savoir que M. Alape-
tite, préfet du Rhône, sera appelé à la ré-
gence de Tunisie, en remplacement de M.
Pichon ; M. Lutaud, préfet de la Gironde,
remplacera M. Alapetite à Lyon.
Et enfin, M. Hennion, commissaire prin-
cipal à la Sûreté générale, sera nommé di-
recteur en remplacement de M. Huard, qui,
comme l'an sait, a été nommé trésorier
payeur général de la Marne.
Par la finesse du Jxm sens, par la sû-
reté de l'observation, par la belle grâce*
de l'esprit et l'agrément du style, le
Carnet. d'un Sauvage obtient, dans le
Journal, un énorme succès, et M. Henry
Maret est un de nos plus précieux colla-
borateurs. Certes, il nous continuera
longtemps, très longtemps, .sa collabo-
ration ; mais, après une année de. travail
quotidien, il nous prie de ne point exi-
ger de lui plus de deux articles par se-
maine. Donc, désormais, le Journal pu-
bliera quotidiennement
LES LIBRES PROPOS
PAR
MM. Emile Bergerat, Tristan Bernard,
Grosclaude, Emile Faguet, Henry Ma-
ret, avec le roulement suivant :
Mercredi. — HENRY MARET.
Jeudi. — TRISTAN BERNARD.
Vendredi. - GROSCLAUDE.
Samedi. - EMILE BERGERAT.
Dimanche. — EMILE FAGUET.
Lundi. — HENRY MARET.
! Mardi, — GROSCLAUDE.
1 LE DOSSIER SYVETON
DU VICE A LA MORT ,;-
PAR LA VOLUPTÉ
Où Mœe Ménard raconte le roman de sa
jeunesse et les violences dont elle -
aurait été la lente victime. ,
.- M. SYVETON
(Plioto Waléry)
Mme rdENARD
(Photo Sazerac)
Notre volonté n'est pas d'injurier ici
les morts sous la pierre qui les défend
mal.
Encore moins, voulons-nous réveiller
les douleurs et les dégoûts, qui entrè-
rent dams le cœur d'une enfant dont le
seul crime fut d'avoir trop tôt la splen-
deur et la faiblesse attirante de la fem-
me. Il a suffi d'un amour vrai et d'une
maternité charmajite pour voiler les
obscènes images, qu'emporta défini-
tivement le premier sourire du premier
né.
Cela dit, la mort de M. Syveten appar-
tient au public. EUe a été parée de men-
songes, enveloppée de draperies oocrè-
ts. Il est temps que parlent les docu-
ments tout secs ; il est temps que les
draperies tombent, et montrent la vérité.
Dès hier, nous. avons dégagé, en par-
tie, la politique dans la déposition en-
seignante du parfait professeur qu'est
M. Jules Lemaître.
Aujourd'hui, il faut livrer la déposi-
tion d'une femme, presque une enfant,
parce que cette déposition fait portrait.
Elle donne la pose privée, l'instantané
familial de M. Syveton.
Nous citerons tout, sauf ce, qui défie
l'élégante honnêteté de la langue fran-
çaise.
Aux faiseurs d'images faciles, qui
nous reprocheraient de remuer ainsi de
la boue, nous répondrions que la boue
séchée n'est plus qu'une vaine poussière
et qu'avec cette poussière, remuée dans
la pure lumière, le temps fait de l'his-
toire, de la majestueuse histoire.
Enfin-les tiers, hommes respectables,
femmes couvertes de vertus et d'ans, qui
regretteraient de figurer dans les dépo-
sitions, voudront bien se souvenir qu'ils
ont semé leurs noms dans le grand
champ de la politique. Ils doivent s'at-
tendre à cueillir plus de ronces que de
blé..
Mme Ménard, née de Bruyn, âgée de
vingt et un ans, fille de Mme Syveton,
belle-fille du fondateur do la Patrie
française, déposa, le 21 décembre 1904,
devant M. Boucard.
Sa grâce fine descendit aux précisions
les plus lourdes ; la souplesse de sa tail-
le se courba sous la honte des faits ;
l'arc de sa bouche lança des mots après
lesquels ses longs cils tombèrent en ri-
deaux sur la beauté de ses yeux. Des
points couperont ici lo récit, et nous
sommes sûrs qu'aucune lectrice ne rem-
placera les mots laissés en défaillance.
- L'INITIATION
Je vernis de faire ma première com-
munion au couvent de Wavre, près de
Malincs, où fêtais en pension, commence
Mme Ménard, lorsque ma mère lit for-
tuitement, au cours d'un voyage à Paris,
la connaissance de M. Syveton.
Un beau jour, une bonne vint me cher-
cher au couvent, et 'mé conduisit chez ma
grand'mère maternelle, Mme Réusens,
demeurant à Anvers.
Très peu de temps après, je suis venue
à Paris avec ma 1nèl'e,et toutes deux
nous habitâmes chez le docteur Barnay.
Le mariage eut lieu eninars 1896.
J'avais alors douze, ans et demi. A l'is-
sue du voyage de noces, je quittai défini-
tivement Mme Reusens, auprès de lar
quelle j'étais retournée, et je rejoignis
ma mère à Angoulême, où mon beau-
père était alors professeur.
Quelques semaines après le mariage,
mon beau-père commença d'avoir avec
moi une attitude des plus familières,
inconvenante même ; mais je ne m'en
rendais pas compte alors.
Dans le courant de Vété, mon beau-
père eut son changement, et nous allâ-
mes habiter Reims.
Un matin^ comme je me rendais au
lycée de la ville, j'allais embrasser, com-
me d'habitude, mes parents.
Ce jour-là, ma mère faisait sa toilette
dans son cabinet. Comme j'allais embras-
ser mon beau-père, qui était encore au
lit, il me prit la main et, sans me dire
un mot, il la porta. sous Ics cou-
vertures. Ce fut le premier fait. Le '$lJ-
cond se passa quelques jours plus tard.
Sous prétexte d'aller chercher, au ly-
cée de garçons,,, un livre qu'il avait ou-
blié, il me fit monter dans sa classe, qui
était alors vide, et il s'enferma avec inoi
dans une petite pièce attenante à celle-ci.
Se tenant debout près de moi, il me
prit la main, m'embrassa sur les lèvres,
me dit qu'il m'aimait ; puis.
A partir de ce mmrient, des faits de
cette nature se renouvelèrent presque
quotidiennement, et quelquefois à plu-
sieurs reprisés dans la même journée.
Ils se passaient dans le cabinet de mon
beaitrpcre, où je faisais auprès de lui mes
devoirs après la classe du soir. Ma mère
était habituellement sortie faire ses vi-
sites
Il se livra ainsi devant moi, ou sur
moi, à tous les acles possiblesr sauf tou-
tefois celui d'un rapprochement sexuel.
Suivant les descriptions de scènes di-
gnes d'un marquis de Sade, sans rete-
nue. C'est de la débauche qui n'a ni l'ex-
cuse de la vieillesse, ni la fougue d'un,
sentiment.
L'enfant conclut, simplement :
Il me disait, entre autres choses : « Voir,
là comment on fait quand on s'aime, »
Il rne. donnait, en outre, des conseils,
me disant que^ le soir.
Je me suis rendu compte, depuis, que
c'était la pensée de m'exciter qui provo-
quait chez lui la plus grande excitation.
,En mars de l'année suivante, étant al-
lée seule passer plusieurs semaines à
Spa., dans la villa de m&n grand-père
Reusens, avenue Marie-Henriette, numé-
ro 14, je lui écrivis un jour un mot au
crayon, à l'expiration de mon séjour,
pour lui dire que je ne voulais plus re-
tourner à Reims.
Dans ce mot, je disais que ma mère
s'était remariée pour me donner un père,
mais qu'au lieu d'un père, c'était un hom-
me qui faisait des saletés avec moi.
Cette anecdote de la lettre au grand-
père est une Heur jolie, dans le parterre
affreux de ce récit. Le silence timide du
vieillard répondant au timide aveu de
l'enfant plaît aussi aux âmes sensibles.
AVEUX ET RÉTRACTATIONS
Je ne crois pas que mon grand-père
m'ait questionnée, mais mon oncle Pier-
re Rcuse-ns ine, reconduisant à Reims,
me demanda en rcrute si ce que j'avais
dit à son père était, vrai. Je répondis affir-
mativement. sans donner aucun détail.
Quelques jours plus tard, mes parents
et moi partîmes pour la mer, en Breta-
gJ1-C, et c'est là que M. Syveton reçut d'un
cousin, M. Courraly, une lettre dans la-
quelle il lui disait de se méfier de moi,
parce que je l'accusais « d'horreurs n.
Nous revînmes tous trois à Paris, pour
mettre au courant de l'affaire le docteur
Barnay. En chemin de jer, mes parents
me questionnèrent et je niai avoir écrit
la lettre en question.
Puis je reconnus l'existence de la, let-
tre, .rna,is je déclarai avoir menti. Mon
beau-père, profitant de quelques ins-
tants oii il était seul avec nwi, m'avait
dit: a Si tu continues à dire que tu as
menti, je te sauverai en te mettant deux
ans au couvent. sans auoL ie Venverrai
en maison de correction. »
Je fus soumise à l'examen de Barnay
d'abord, puis du docteur Beurnier, et ils
reconnurent que j'étais vierge. C'était
bien la vérité ; il n'y avait eu ni viol, ni
violences, à aucun moment ; je m'étais
seulement mal expliquée, et ce certificat,
confirmant mes rétractations, donna rai-
son à M. Syveto.n.
On obtint de moi de déclarer solennel-
lement devant toute ma famiUe de Belgi-
que que j'avais menti.
■ A la suite de cet incident, je fus mise
en pension à Chantilly, où je restai dix
mois.
D. — A Chantilly, n'auriez-vous pas
eu une intrigue avec un jockey ?
R. — Voici ce qu'il y a eu : Un jeune
homme qui m'avait rertmrqdée à la mes-
se m,e fit remettre un jour. par une demi-
pensionnaire, une image portant un
compliment.
Je refusai cette image. Je n'ai jamais
écrit à ce jeune homme et ne l'ai plus
revu, mais la supérieure, agent connu
cet incident, mit mes parents au coti-
tanU
oui iiv ce -pension, le revacus avec mes
parents,, qui venaient de se fixer à Paris,
196, rue de Vaugirard. Cest alors que
M. Syveloit, avec MM. Jutes Lemaitre et
Dausset, londa la Ligue de la Patrie
française.
Le romancier qui replacerait son hé-
rOIDe; après l'aventure première, près
du dangereux beau-père, braverait la
vraisemblance. Que pensetr de parents
qui ne craignent plus la récidive du
mensonge, si ce n'est la récidive des
faits?
Aussitôt rentrés à Paris, les faits que
je vous ai racontés recommencereni et
continuèrent sans interruption jusqu'au
moment de mes fiançailles.
Dès que mon beau-père se • trouvait
seul avec moi.
Tirons ici un long voile, pour sau*
ver le mot de la femme-enfant : -
J'avais beau lui dire que,ça me dégoû*
tait, il continuait.
Quand la mère où lai bonne étaient
dans l'appartement, quand il craignait
d'être dérangé, dans la journéei. soit à
son bureau,- soit même en voiture, en fai-
sant ses courses, M. Syveton prenait en
main le portrait de sa belle-fille et faisait
devant l'image ce qu'il faisait devant 11
victime.
LA FOLIE DE LA PASSION
Il avait toujours près de lui, continua
Mme Ménard, un portrait de moi, eno
fant,. en robe courte, amc de grand* •
cheveux.
De temps en temps, il me faisait deS.
poésies ; je mç rappelle quelques vers.
De ces vers, qui feraient rougir un
corps de garde, on ne peut rien citer. Il
suffit de dire que la muse, de M. Syve-
ton n'était même pas la poliséottflè au
dix-huitième siècle, mais te, fille gros-
sière de l'union d'un charretier etfille publique. La pauvreté de la littéral
ture après l'indigence du geste !
Entre temps, nous nous sommes t*tmn
tallés 20 bis, avenue de NeuiUyi, il y a
environ trois ans.
Ma mère faisait de fréquents voyages
en Belgique. (Aprè-s la scène de Spà, et
sans voir qute l'enfant grandissait !) Je
restais seule avec mon. beau-père, et il
avait toutes les facilités pour continuen
les mêmes choses.
Pendant les absences de ma mère^ *
mon beau-père. et moi sortions .toU;OtIf'$
ensemble, le matin aù Bois et l'aprèa*
midi à faire des courses dans Ports.
line cessait de me dire qu'il m'aimait*
qu'il m'adorait, qu'il était fou de moi. Il -
y a trbis mis, ma mère, ayant été à Liège
pour la naissance d'un neveu, resta db*
sente une dizaine de jours.
C'est à cette époque qu'il m'emmena
au théâtre des Nouveautés" voir jouer,
Nelly Rozier. En sortant du thédtre"
nous marchâmes à pied aux environs
de la gare Saint-Lazare, sous le pré-
texte de rencontrer une jolie fille qui
me plairait et qui.
L'aventure descend dans la rue et YaL
même aller plus loin.
Nous somYnes ainçi arrivés rue Jàubet%
Malgré rçia prière donc jpas me forcer à.
le suivre, il me conduisit au. (Et Mme
Ménard prononce le mot qu'ignoraiejnjf
nos grand'mères.)
Naturellement, avec une aisance. eë
une précision qui nous gênent pour
elle, Mme Ménard fait un de ces - ta-
bleaux qu'aiment à voir les noctambu*
les ivres d'ennui, •
La m. (c'est ainsi qu'il appelait la pa-
tranne) lui amena, deux grandes filles
brunes dans l'apparat de la maison. En*
suite, M.Syveton prit l'une d'elles, tandis!
que. Comme cette scène me dégoûtait%
il me traita d'idiote.
Dans la même semaine, ayant profité
de ce que Louise, notre bonne, était
montée au sixième étage dans sa ehfm*
bre, il vint en chemise de nuit me r&
trouver. J'étais couchée.«.
Ici se déroule lentement, précisément,
presquo précieusement, la scène d'à la
violence sans viol.
Il voulait me posséder, jurant qu'il
m'adorait, mais le- luttai.
LA CONFIDENTE ANNA
L'été suivant, nous allâmes à ViUers*
sur-Mer, et les choses continuèrent. (Les
choses en étaient toujours à leur com-
mencement.) Un jour, ma mère étant esta
bain et moi-même étant en train de
peindre, je crois, dans la salle à ma".
ger, notre petite bonne Anna surprit
nion beau-père à genoux près de mot.
(Cette phrase parait entière. Il y man-
que pourtant le principal.) Anna me de-
manda, quelques instants après, ce qtys
cela voulait dire,' et je lui lis, pour Id
première fois, toutes mes contidenccs.
Elle me dit que c'était très mal, ma
blâma de, ne pas tout raconter à ma
m.ère, et je lui rappelai la préfère ac-
cusation que j'avais portée à Spa, accu*
sation qui n'avait pas été prise au sé-
rieux et que j'avais été forcée de rétrac-
ter par peur.
C'est par crainte d'être traitée de men.
teuse, de folle, que je n'ai jamais osé
rien dire. En toute sincérité, je ne von»
lais pas aussi faire de la peine à ma
mère, qui aimait son mari et avait tout*
confiance en lui.
Ce doit êtrt peu de temps après cé
séjour à Villers, c'est-à-dire il y a envi-
oron deux ans et demi, qu'Anna, à soit
tour, fut la victime, tout comme moi, dA
mon beau-père. ','
Celui-ci, un jour, se vanta à moi d'à
voir eu Anna., et il me donn4 des M
tails.,
D'après le témoin, le plus extraordi-
naire des beaux-pèrea aurait décrit à sai
belle-fille le détail complet de son sue-
ces ancillaire. - >il
Je questionnai aussitôt Anna, qui së
mit à pleurer ; j'insistai et elle me dit
tout. A partir de ce moment,.nous nom
somnws lait l'une à Vautre toutes nos
confidences.
Je sus ainsi par elle que M. Syvetoll
lui avait proposé cinq cents francs pout
HUIT PAGES - Le Numéro quotidien (Paris et Départementsi - CIM CENTIXES@
MARDI 4 DECEMBRE 1906
MMNA-NÙ XAUm Fondateur 1
REDACTION ET ADMINISTRATION : 100, RUE RICHELIEU, PARIS
S. Prix des Abonnements
Un-an Six mois ^wswnoïs
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ti^nux^'kwrfantx dit JOURNAL -
Adresser lés mondais-poste 4 M. htfwfahWMi
Adresse télégraphique : JOUBlfAL. MCBOBUEO PABX9
Les manuscrit» non intfrts ne tent nos reaclu
LA FRANCE AU MAROO 7
CE QUE DIT M. PICHON
L'envoi à Tanger de l'amiral Tou-
tfhard, à la tête d'une division.de l'esca-
dre do la Méditerranée, à produit dans
ropinion publique, une inquiétude qu'il
serait puéril de dissimuler et qui per-
siste malgré les déclarations rassurantes
prodiguées à cette occasion, par le prési-
dent du conseil et le ministre de la ma-
rine. Les quelques paroles — pourtant
nettes et précises — prononcées dans
Une des dernières séances de la Cham-
bré, par le ministre des affaires étran-
gères en réponse à M. Jaurès, n'ont pas
davantage réussi à dissiper le malaise
auquel nous faisons allusion. On attend
avec une certaine impatience les. expli-
cations complémentaires que le gouver-
nement ne manquera pas de fournir
dans la discussion de l'in terpellation qui
fce déroulera jeudi au Palais-Bourbon.
Mais en attendant des bruits tendan-
cieux, d'allure pessimiste, continuent à
courir sur l'imminence de notre inter-
Ventiicta et la gravité de ses conséquen-
tes*
.,PICHON
(Photo Floret)
r Persuadé qu'ils ne reposent sur au-
bUlue base sérieuse et qu en tout cas les
commentaires dont on les accompagne
Boni notoirement exagérés, il m'a paru
excessivement intéressant de les sou-
mettre à la personne la plus qualifiée
pour les juger à leur véritable valeur.
J'ai donc été voir hier M. Stéphen Pi-
chon, à qui j'avais demandé une au-
dience et qui me l'a accordée avec un
empressement, et une amabilité dont je
le remercie. On a quelque peu abusé,
ces" temps-ci, de la complaisance du
ministre des affaires étrangères.. Des .in-
terlocuteurs qui l'ont rencontré dans un
couloir de la Chambre, ou questionné,
entre deux portes, à la sortie de l'Ely-
sée, lui ont prêté de copieuses confident
ces dont on peut dire qu'elles font hon-
neur à lieur imagination. M. Pichon est
trop fin diplomate pour se répandre en
propos inconsidérés, mais d'autre part
il appartient à cette école moderne
d'hommes d'Etat qui n'éprouvent nulle-
ment le besoin de s'envelopper de mys-
tère et ne craignent pas d'exposer leur
politique au grand jour.
Il m'a reçu au Palais du quai d'Orsay
- oans son cabinet de travail et j'ai pu
l'entretenir librement de la question ma-
rocaine qui, comme on peut le penser,
fait l'objet de sa constante préoccupa-
lion. Il s'en est expliqué sans embarras,
Bans réticences, avec le seul désir de
fixer l'opinion et de l'empêcher de s'é-
garer. Ceux qui ont approché M. Pi-
thon au cours de sa carrière diplomati-
que- déjà longue et si bien remplie, con-
naissent sa puissance persuasive et van-
tent la simplicité de son accueil. Je puis
leur affirmer que les honneurs suprê-
mes ne l'ont pas changé. C'est tout uni-
ment, dans un langage exempt de pré-
tention, mais avec un accent de sincé-
rité incontestable, qu'il s'est exprimé
devant, moi en ces termes :
— Il faut mettre le pubTi^c én garde
contre les erreurs répandues sciemment
Ou inconsciemment, au sujet de notre
politique extérieure. Pour ce qui con-
cerne en particulier le départ de la divi-
sion française qui se rend à Tanger, ma
réponse sera très simple. Les personnes
qui croient que nous allons faire une ex-
pédition au Maroc ont intérêt à le croi-
¡l't?, — et peut-être à le faire croire, — ou
alors elles se trompent complètement.
Une expédition ! J'affirme de la façon la
plus formelle que le gouvernement ac-
tuel n'a jamais eu l'intention d'entrer
dans cette voie. Le conseil des ministres
a toujours été unanime sur cette ques-
tion. Nous devons et nous voulons nous
borner à faire exécuter les clauses qui
nous concernent dans l'acte d'Algésiras.
» Comment peut-on supposer un seul
Instant que nous songions à sortir du
rôle parfaitement défini qui nous a été
tracé par les accords survenus à l'issue
de la Conférence ? Si l'on réfléchissait
un peu, on repousserait jusqu'à l'idée
qu'un ministère présidé par Clemenceau
et dont je fais partie, puisse verser dans
une politique d'aventures et de conquê-
tes. Nous sommes tout le contraire de
ep qu'on a appelé,à une certaine époque,
des coloniaux, enr donnant à cette ex-
pression un sens très spécial, qui inspi-
rait la confiance. Mais nous avons le de-
yoir impérieux de ne pas laisser porter
atteinte aux droits de la France et d'as-
surer partout la sécurité de nos natio-
ttaux.
» L'acte d'Algésiras nous a imposé
Une double mission. D'abord celle d'or-
ganiser la banque marocaine, avec le
concours d'un certain nombre de puis-
sances. Toutes les dispositions -sont
prises, — d'accord avec ces puissances,
— pour cette création qui doit être réa-
lisée pour le ier janvier 1907. Ensuite
nous avons reçu, conjointement avec
l'Espagne, le mandat de coopérer avec
la police chérifienne. pour le rétablisse-
ment et le maintien de l'ordre. Les tex-
tes sont formels. Ils disent explicite-
ment que « la police sera placée sous
l'autorité souveraine de Sa Majesté le
sultan. Elle sera recrutée par le magh-
zen, parmi leis musulmans marocains,
commandée par des caïds marocains et
répartie dans les huit ports ouverts au
i commerce ».
» Et le protocole ajoute que pour ve-
nir en aide au sultan dans l'organisation
de cette police, des officiers et sous-of-
ficiers instructeurs espagnols, des offi-
ciers et sous-officiers instructeurs fran-
çais seront mis à sa disposition par
leurs gouvernements respectifs. Le ca-
dre des instructeurs de la police chéri-
fienne sera espagnol à Tetouan, mixte à
Tanger, espagnol à Larache, français à
Rabat, mixte à Casablanca, et français
dans les trois autres ports. ■.
» Ces cadres sont, ,à l'heure actuelle,
désignés, aussi bien, du côté de la Fran-
ce que du côté de l'Espagne. Nous
avons choisi notre personnel. Encore
faut-il lui permettre de remplir sa tâ-
che. Etant donné l'état d'anarchie qui
règne au Maroc, les mesures prises par
la France et l'Espagne sont essentielle-
ment des mesures de précaution et de
préservation. Il est bien entendu que
nous n'agirons : qu'avec une extrême
prudence, mais enfin il est nécessaire
que nôus ne, soypns pas surpris par les
événements. Dans le cas où l'organisa-
tion de la police soulèverait des trou-
bles toujours possibles, ne faut-il pas
que nous soyons prêts à secourir et à
protéger nos nationaux ?
» On a parlé inconsidérément de l'ef-
fet produit par notre intervention, à l'é-
tranger. Toutes les puissances signatai-
res de la convention d'Algésiras sont au
courant de nos projets et de nos actes.
Il ne peut pas y avoir de surprises polir
l'Europe. D'ailleurs, les ipinistres pléni-
potentiaires de toutes les nations inté-
ressées se réunissent chaque jour à
Tanger et poursuivent d'un commun ac-
cord le même but. Ils viennent d'adres-
ser au maghzen une note collective si-
gnalant l'insuffisance des moyens pour
garantir la sécurité des étrangers et le
besoin d'une réorganisation immédiate
de la police.
» Quant à nous, je vous le répète,
nous n'avons pas d'autre désir et nous
éviterons avec soin de dépasser le man-
dat que nous avons reçu. En vérité, il
n'y a rien jusqu'à présent qui paraisse
de nature à justifier les inquiétudes qui
se sont manifestées dans certains mi-
lieux. On a eu tort de s'émouvoir de
l'envoi de trois navires destinés à rem-
placer ceux qm sô trouvaient déjà dans
les eaux marocaines. Nous avons jugé
qu'une force navale un peu plus puis-
sante produirait un effet moral plus
grand, voilà tout.
» Au surplus, j'ai pleine confiance
dans le caractère pondéré de l'amiral
Touchard, qui saura agir au mieux de
nos intér~s sans nous entraîner dans
des complications. On peut compter sur
lui pour n'intervenir qu'avec circonspec-
tion et à bon escient., dans le cas seule-
ment où cette intervention deviendrait
indispensable. » -
Je demande encore à M. Pic-hon si le
célèbre Erraisouli participera à la réor-
ganisation de la police chérifienne, dont
il semble jusqu'à présent s'être attribué
le monopole. -'
— Erratsouli, me répond-il, n a que
la situation qu'il s'est faite et qui est
assez mal définie. Il est difficile de pré-
voir le rôle qu'il pourra jouer et l'im-
portance qu'on doit y attacher. Mais, je
vous en prie, répétez que, quoi qu'il ar-
rive, notre attitude peut se résumer en
deux mots : Pas d'aventures ! Pas d'ex-
péditions ! Nous nous en tenons au pro-
gramme fixé par l'Acte d'Algésiras, ni
plus ni moins.
Telles ont été les déclarations du mi-
nistre des affaires étrangères. Il les re-
nouvellera et les développera, avec son
talent habituel, devant la Chambre.
PAUL BELON.
EN TROISIEME PAGE :
L'INOUSE
Par HENRI DE REGNIER
ECHOS
L
e Président de la République et Mme
Fallières offriront aujourd'hui un déjeu-
ner en l'honneur des nouveaux pensionnai-
res de la Villa Médicis et des élèves admis
cette année aux Ecoles françaises de Rome
et d'Athènes.
L
e professeur Coolidge, de l'Université
Harvard, commence aujourd'hui à cinq
heures, a la borbonne, sa série de contéren-
ces en langue anglaise sur les Etats-Unis.
M. Coolidge, qui enseigne à Harvard l'his-
toire moderne et y traite plus particulière-
ment de l'Europe orientale, a choisi comme
sujet : The United States as a world power
(Les Etats-Unis comme puissance mondiale).
p
our les victimes du Lutin.
Sur la demande d'un certain nombre
de personnes désireuses de souscrire au profit
des familles des victimes du sous-marin Lu-
tin, le ministre de la marine a consenti à
centraliser à son cabinet les sommes qui lui
seraient adressées à cet effet.
La répartition du total* W" sommes sous-
crites sera faite ultérieurement, par les soins
du ministre de la marine, en tenant compte
des charges des familles des victimes, et,
ainsi qu'il a été fait à l'occasion de la sous-
cription ouverte en 1905 au profit des famil-
les de l'équipage du Farfadet, cette rép'arti-
tion sera insérée au Journal officiel.
u
ne très curieuse brochure, traitant de la
neurasthénie, anémie cérébrale, épuise-
ment, et donnant les moyens de se guérir en
huit jours, est envoyée gratis, sur demande.
Pharmacie Vidal, 8, rue Molière, Paris.,
L
es statistiques accusent actuellement une
recrudescence de malades. Beaucoup de
ces malheureux du sort seraient bien portant
s'ils eu &op -& croquer à temps F1.
ques c Pastilles Victoria a chocolatées, le
plus agréable et le plus antiseptique des
laxatifs-purgatifs. En vente dans toutes les
pharmacies.
L
a saison bat son plein. Partout, dîners,
five o'clock, bals, soirées et réunions fa-
miliales se succèdent, et partout les Biscuits
Pernot tiennent la place d'honneur parmi les
gourmandises à la mode. Ce n'est pas du
snobisme, mais, au contraire, un juste hom-
mage rendu à leur qualité incomparable et
à leur chic exquis.
N
ous signalons dans le numéro de la
Revue de Paris du lU décembre les
Lettres d'amour de Gambetta adressées à
celle qui joua un si grétnd rôle dans sa vie,
et un article d'A. Leroy-Beaulieu, le célèbre
écrivain libéral, sur la Séparation. Dans ce
numéro commence aussi L'Homme qui assas-
sina, un nouveau roman de Claude F arrère,
le lauréat du prix Goncourt en 1905.
MÉDAILLON
LA DAME TRÈS BLONDE
Max et Alex Fischer, ces deux frères, ont de
l'esprit comme huit, et du meilleur. Pareillement
vêtus, l'un blond et l'autre brun, ils traversent
le monde, l'œil vil à saisir le comique involon-
taire des hommes, le trait capital d'une silhouet-
te, un détail de costume ; et leur cerveau amusé
combine des psychologies, dont ils dressent le
procès-verbal dans un style rapide, sautillant,
net, d'une correction très rare.
C'est en promenant ainsi qu'ils renconirèrerit
La DaméNHSs'btonde et le cocher Pohpf, de
l' « Urbaine », chargé de la « n. Et leur ima-
gination a construit un petit roman délicat,
d'ulne bonne humeur si communicative qu'elle
ellt sauvé de l'obsédante « prédiction de Mvnfi
Judicis », le pauvre Prosper Farkas, qui se trie
de fatigue par peur de mourir.Tous les personna.
ges de ce livre léger et lin, — les Moussard, am-
bitieux de ressembler à la caricature qu'ils ont
inspirée sans le savoir, les anonymes clients
d'une pâtisserie parisienne, le couple Nominet
et Aumoitte, ruraux calculateurs et rusés, le nè-
gre Rikoko, — tous prêtent à rire jollement,
parce que Max et Alex Fischer sont des conteurs
d'une verve jeune et d'une fantaisie bien fran-
çaise. — CHARLES-HENRY HIRsCIi.
L
a « Motobloc » se parisianise : elle Ou-I
t vre sa succursale et son magasin d'expo- |
sition 8, rue Latayette, en plein centre.
Au prochain Salon de l'Automobile, stand
n° 60, au Grand Palais, elle convoque. les
amateurs de mécanique, belle, simple et ro-
buste.
E
n écrivant LaiDixième Muse, Georges
Ohnet ne Drévovait Das Qu'il causerait
une agitation aussi vive dans le milieu litté-
raire parisien. Son livre, qui est une pein-
ture amusante et vivante d'une société très
peu connue, a obtenu et obtient encore un
considérable succès. Il faut dire qu'il y avait
longtemps que nous n'avions lu un roman
aussi attrayant. (Librairie Oilendorff.)
0
ffrîr un cadeau véritablement artistique,
c'est donner la plus vive impression de
son goût et flatter celui à qui il a été fait;
c'est aussi le plus subtil moyen de donner de
soi-même une opinion flatteuse.
Vous trouverez ce cadeau chez MM. L.
Barthe et Mettais-Cartier (Société des Grès
artistiques de Charenton), 47, rue de Para-
dis, qui ont su grouper les œuvres des plus
grands maîtres de la sculpture.
La GarnIson de Givat
décimés par la typhoïde
GIVET, le 3 décembre. (Par dépêche de no-
tre correspondant particulier.) — Les garni-
sons de Givet et de Rocroi som, en ce mo-
ment, décimées par une grave épidémie de
fièvre typhoïde. Le 148e d'infanterie, qui est
caserne dans ces deux villes voit le mal
faire de terribles ravages dans ses rangs.
A l'hôpital de Givet, il y a, depuis, sept
jours, dix-neuf malades reconnus nettement
typhoïdderaes : viogt-haïit autres sont en ob-
servation.
Il entre, dans cet hôpital-infirmenie, une
moyenne de dix malades par jour et pour-
tant il n'y a qu'un seul major pour soigner
tout le monde.
Cette situation, qui menace d'empirer, in-
quiète vivement la population.
MOUVEMENT ADMINISTRATIF.
M. ALAPETITE en TunIsie
N. LOTjillD à Lyon
M, BEHNION directeur
da la Sûreté générale
Un important mouvement administratif
est en préparation au ministère de l'inté-
rieur. Nous croyons savoir que M. Alape-
tite, préfet du Rhône, sera appelé à la ré-
gence de Tunisie, en remplacement de M.
Pichon ; M. Lutaud, préfet de la Gironde,
remplacera M. Alapetite à Lyon.
Et enfin, M. Hennion, commissaire prin-
cipal à la Sûreté générale, sera nommé di-
recteur en remplacement de M. Huard, qui,
comme l'an sait, a été nommé trésorier
payeur général de la Marne.
Par la finesse du Jxm sens, par la sû-
reté de l'observation, par la belle grâce*
de l'esprit et l'agrément du style, le
Carnet. d'un Sauvage obtient, dans le
Journal, un énorme succès, et M. Henry
Maret est un de nos plus précieux colla-
borateurs. Certes, il nous continuera
longtemps, très longtemps, .sa collabo-
ration ; mais, après une année de. travail
quotidien, il nous prie de ne point exi-
ger de lui plus de deux articles par se-
maine. Donc, désormais, le Journal pu-
bliera quotidiennement
LES LIBRES PROPOS
PAR
MM. Emile Bergerat, Tristan Bernard,
Grosclaude, Emile Faguet, Henry Ma-
ret, avec le roulement suivant :
Mercredi. — HENRY MARET.
Jeudi. — TRISTAN BERNARD.
Vendredi. - GROSCLAUDE.
Samedi. - EMILE BERGERAT.
Dimanche. — EMILE FAGUET.
Lundi. — HENRY MARET.
! Mardi, — GROSCLAUDE.
1 LE DOSSIER SYVETON
DU VICE A LA MORT ,;-
PAR LA VOLUPTÉ
Où Mœe Ménard raconte le roman de sa
jeunesse et les violences dont elle -
aurait été la lente victime. ,
.- M. SYVETON
(Plioto Waléry)
Mme rdENARD
(Photo Sazerac)
Notre volonté n'est pas d'injurier ici
les morts sous la pierre qui les défend
mal.
Encore moins, voulons-nous réveiller
les douleurs et les dégoûts, qui entrè-
rent dams le cœur d'une enfant dont le
seul crime fut d'avoir trop tôt la splen-
deur et la faiblesse attirante de la fem-
me. Il a suffi d'un amour vrai et d'une
maternité charmajite pour voiler les
obscènes images, qu'emporta défini-
tivement le premier sourire du premier
né.
Cela dit, la mort de M. Syveten appar-
tient au public. EUe a été parée de men-
songes, enveloppée de draperies oocrè-
ts. Il est temps que parlent les docu-
ments tout secs ; il est temps que les
draperies tombent, et montrent la vérité.
Dès hier, nous. avons dégagé, en par-
tie, la politique dans la déposition en-
seignante du parfait professeur qu'est
M. Jules Lemaître.
Aujourd'hui, il faut livrer la déposi-
tion d'une femme, presque une enfant,
parce que cette déposition fait portrait.
Elle donne la pose privée, l'instantané
familial de M. Syveton.
Nous citerons tout, sauf ce, qui défie
l'élégante honnêteté de la langue fran-
çaise.
Aux faiseurs d'images faciles, qui
nous reprocheraient de remuer ainsi de
la boue, nous répondrions que la boue
séchée n'est plus qu'une vaine poussière
et qu'avec cette poussière, remuée dans
la pure lumière, le temps fait de l'his-
toire, de la majestueuse histoire.
Enfin-les tiers, hommes respectables,
femmes couvertes de vertus et d'ans, qui
regretteraient de figurer dans les dépo-
sitions, voudront bien se souvenir qu'ils
ont semé leurs noms dans le grand
champ de la politique. Ils doivent s'at-
tendre à cueillir plus de ronces que de
blé..
Mme Ménard, née de Bruyn, âgée de
vingt et un ans, fille de Mme Syveton,
belle-fille du fondateur do la Patrie
française, déposa, le 21 décembre 1904,
devant M. Boucard.
Sa grâce fine descendit aux précisions
les plus lourdes ; la souplesse de sa tail-
le se courba sous la honte des faits ;
l'arc de sa bouche lança des mots après
lesquels ses longs cils tombèrent en ri-
deaux sur la beauté de ses yeux. Des
points couperont ici lo récit, et nous
sommes sûrs qu'aucune lectrice ne rem-
placera les mots laissés en défaillance.
- L'INITIATION
Je vernis de faire ma première com-
munion au couvent de Wavre, près de
Malincs, où fêtais en pension, commence
Mme Ménard, lorsque ma mère lit for-
tuitement, au cours d'un voyage à Paris,
la connaissance de M. Syveton.
Un beau jour, une bonne vint me cher-
cher au couvent, et 'mé conduisit chez ma
grand'mère maternelle, Mme Réusens,
demeurant à Anvers.
Très peu de temps après, je suis venue
à Paris avec ma 1nèl'e,et toutes deux
nous habitâmes chez le docteur Barnay.
Le mariage eut lieu eninars 1896.
J'avais alors douze, ans et demi. A l'is-
sue du voyage de noces, je quittai défini-
tivement Mme Reusens, auprès de lar
quelle j'étais retournée, et je rejoignis
ma mère à Angoulême, où mon beau-
père était alors professeur.
Quelques semaines après le mariage,
mon beau-père commença d'avoir avec
moi une attitude des plus familières,
inconvenante même ; mais je ne m'en
rendais pas compte alors.
Dans le courant de Vété, mon beau-
père eut son changement, et nous allâ-
mes habiter Reims.
Un matin^ comme je me rendais au
lycée de la ville, j'allais embrasser, com-
me d'habitude, mes parents.
Ce jour-là, ma mère faisait sa toilette
dans son cabinet. Comme j'allais embras-
ser mon beau-père, qui était encore au
lit, il me prit la main et, sans me dire
un mot, il la porta. sous Ics cou-
vertures. Ce fut le premier fait. Le '$lJ-
cond se passa quelques jours plus tard.
Sous prétexte d'aller chercher, au ly-
cée de garçons,,, un livre qu'il avait ou-
blié, il me fit monter dans sa classe, qui
était alors vide, et il s'enferma avec inoi
dans une petite pièce attenante à celle-ci.
Se tenant debout près de moi, il me
prit la main, m'embrassa sur les lèvres,
me dit qu'il m'aimait ; puis.
A partir de ce mmrient, des faits de
cette nature se renouvelèrent presque
quotidiennement, et quelquefois à plu-
sieurs reprisés dans la même journée.
Ils se passaient dans le cabinet de mon
beaitrpcre, où je faisais auprès de lui mes
devoirs après la classe du soir. Ma mère
était habituellement sortie faire ses vi-
sites
Il se livra ainsi devant moi, ou sur
moi, à tous les acles possiblesr sauf tou-
tefois celui d'un rapprochement sexuel.
Suivant les descriptions de scènes di-
gnes d'un marquis de Sade, sans rete-
nue. C'est de la débauche qui n'a ni l'ex-
cuse de la vieillesse, ni la fougue d'un,
sentiment.
L'enfant conclut, simplement :
Il me disait, entre autres choses : « Voir,
là comment on fait quand on s'aime, »
Il rne. donnait, en outre, des conseils,
me disant que^ le soir.
Je me suis rendu compte, depuis, que
c'était la pensée de m'exciter qui provo-
quait chez lui la plus grande excitation.
,En mars de l'année suivante, étant al-
lée seule passer plusieurs semaines à
Spa., dans la villa de m&n grand-père
Reusens, avenue Marie-Henriette, numé-
ro 14, je lui écrivis un jour un mot au
crayon, à l'expiration de mon séjour,
pour lui dire que je ne voulais plus re-
tourner à Reims.
Dans ce mot, je disais que ma mère
s'était remariée pour me donner un père,
mais qu'au lieu d'un père, c'était un hom-
me qui faisait des saletés avec moi.
Cette anecdote de la lettre au grand-
père est une Heur jolie, dans le parterre
affreux de ce récit. Le silence timide du
vieillard répondant au timide aveu de
l'enfant plaît aussi aux âmes sensibles.
AVEUX ET RÉTRACTATIONS
Je ne crois pas que mon grand-père
m'ait questionnée, mais mon oncle Pier-
re Rcuse-ns ine, reconduisant à Reims,
me demanda en rcrute si ce que j'avais
dit à son père était, vrai. Je répondis affir-
mativement. sans donner aucun détail.
Quelques jours plus tard, mes parents
et moi partîmes pour la mer, en Breta-
gJ1-C, et c'est là que M. Syveton reçut d'un
cousin, M. Courraly, une lettre dans la-
quelle il lui disait de se méfier de moi,
parce que je l'accusais « d'horreurs n.
Nous revînmes tous trois à Paris, pour
mettre au courant de l'affaire le docteur
Barnay. En chemin de jer, mes parents
me questionnèrent et je niai avoir écrit
la lettre en question.
Puis je reconnus l'existence de la, let-
tre, .rna,is je déclarai avoir menti. Mon
beau-père, profitant de quelques ins-
tants oii il était seul avec nwi, m'avait
dit: a Si tu continues à dire que tu as
menti, je te sauverai en te mettant deux
ans au couvent. sans auoL ie Venverrai
en maison de correction. »
Je fus soumise à l'examen de Barnay
d'abord, puis du docteur Beurnier, et ils
reconnurent que j'étais vierge. C'était
bien la vérité ; il n'y avait eu ni viol, ni
violences, à aucun moment ; je m'étais
seulement mal expliquée, et ce certificat,
confirmant mes rétractations, donna rai-
son à M. Syveto.n.
On obtint de moi de déclarer solennel-
lement devant toute ma famiUe de Belgi-
que que j'avais menti.
■ A la suite de cet incident, je fus mise
en pension à Chantilly, où je restai dix
mois.
D. — A Chantilly, n'auriez-vous pas
eu une intrigue avec un jockey ?
R. — Voici ce qu'il y a eu : Un jeune
homme qui m'avait rertmrqdée à la mes-
se m,e fit remettre un jour. par une demi-
pensionnaire, une image portant un
compliment.
Je refusai cette image. Je n'ai jamais
écrit à ce jeune homme et ne l'ai plus
revu, mais la supérieure, agent connu
cet incident, mit mes parents au coti-
tanU
oui iiv ce -pension, le revacus avec mes
parents,, qui venaient de se fixer à Paris,
196, rue de Vaugirard. Cest alors que
M. Syveloit, avec MM. Jutes Lemaitre et
Dausset, londa la Ligue de la Patrie
française.
Le romancier qui replacerait son hé-
rOIDe; après l'aventure première, près
du dangereux beau-père, braverait la
vraisemblance. Que pensetr de parents
qui ne craignent plus la récidive du
mensonge, si ce n'est la récidive des
faits?
Aussitôt rentrés à Paris, les faits que
je vous ai racontés recommencereni et
continuèrent sans interruption jusqu'au
moment de mes fiançailles.
Dès que mon beau-père se • trouvait
seul avec moi.
Tirons ici un long voile, pour sau*
ver le mot de la femme-enfant : -
J'avais beau lui dire que,ça me dégoû*
tait, il continuait.
Quand la mère où lai bonne étaient
dans l'appartement, quand il craignait
d'être dérangé, dans la journéei. soit à
son bureau,- soit même en voiture, en fai-
sant ses courses, M. Syveton prenait en
main le portrait de sa belle-fille et faisait
devant l'image ce qu'il faisait devant 11
victime.
LA FOLIE DE LA PASSION
Il avait toujours près de lui, continua
Mme Ménard, un portrait de moi, eno
fant,. en robe courte, amc de grand* •
cheveux.
De temps en temps, il me faisait deS.
poésies ; je mç rappelle quelques vers.
De ces vers, qui feraient rougir un
corps de garde, on ne peut rien citer. Il
suffit de dire que la muse, de M. Syve-
ton n'était même pas la poliséottflè au
dix-huitième siècle, mais te, fille gros-
sière de l'union d'un charretier et
ture après l'indigence du geste !
Entre temps, nous nous sommes t*tmn
tallés 20 bis, avenue de NeuiUyi, il y a
environ trois ans.
Ma mère faisait de fréquents voyages
en Belgique. (Aprè-s la scène de Spà, et
sans voir qute l'enfant grandissait !) Je
restais seule avec mon. beau-père, et il
avait toutes les facilités pour continuen
les mêmes choses.
Pendant les absences de ma mère^ *
mon beau-père. et moi sortions .toU;OtIf'$
ensemble, le matin aù Bois et l'aprèa*
midi à faire des courses dans Ports.
line cessait de me dire qu'il m'aimait*
qu'il m'adorait, qu'il était fou de moi. Il -
y a trbis mis, ma mère, ayant été à Liège
pour la naissance d'un neveu, resta db*
sente une dizaine de jours.
C'est à cette époque qu'il m'emmena
au théâtre des Nouveautés" voir jouer,
Nelly Rozier. En sortant du thédtre"
nous marchâmes à pied aux environs
de la gare Saint-Lazare, sous le pré-
texte de rencontrer une jolie fille qui
me plairait et qui.
L'aventure descend dans la rue et YaL
même aller plus loin.
Nous somYnes ainçi arrivés rue Jàubet%
Malgré rçia prière donc jpas me forcer à.
le suivre, il me conduisit au. (Et Mme
Ménard prononce le mot qu'ignoraiejnjf
nos grand'mères.)
Naturellement, avec une aisance. eë
une précision qui nous gênent pour
elle, Mme Ménard fait un de ces - ta-
bleaux qu'aiment à voir les noctambu*
les ivres d'ennui, •
La m. (c'est ainsi qu'il appelait la pa-
tranne) lui amena, deux grandes filles
brunes dans l'apparat de la maison. En*
suite, M.Syveton prit l'une d'elles, tandis!
que. Comme cette scène me dégoûtait%
il me traita d'idiote.
Dans la même semaine, ayant profité
de ce que Louise, notre bonne, était
montée au sixième étage dans sa ehfm*
bre, il vint en chemise de nuit me r&
trouver. J'étais couchée.«.
Ici se déroule lentement, précisément,
presquo précieusement, la scène d'à la
violence sans viol.
Il voulait me posséder, jurant qu'il
m'adorait, mais le- luttai.
LA CONFIDENTE ANNA
L'été suivant, nous allâmes à ViUers*
sur-Mer, et les choses continuèrent. (Les
choses en étaient toujours à leur com-
mencement.) Un jour, ma mère étant esta
bain et moi-même étant en train de
peindre, je crois, dans la salle à ma".
ger, notre petite bonne Anna surprit
nion beau-père à genoux près de mot.
(Cette phrase parait entière. Il y man-
que pourtant le principal.) Anna me de-
manda, quelques instants après, ce qtys
cela voulait dire,' et je lui lis, pour Id
première fois, toutes mes contidenccs.
Elle me dit que c'était très mal, ma
blâma de, ne pas tout raconter à ma
m.ère, et je lui rappelai la préfère ac-
cusation que j'avais portée à Spa, accu*
sation qui n'avait pas été prise au sé-
rieux et que j'avais été forcée de rétrac-
ter par peur.
C'est par crainte d'être traitée de men.
teuse, de folle, que je n'ai jamais osé
rien dire. En toute sincérité, je ne von»
lais pas aussi faire de la peine à ma
mère, qui aimait son mari et avait tout*
confiance en lui.
Ce doit êtrt peu de temps après cé
séjour à Villers, c'est-à-dire il y a envi-
oron deux ans et demi, qu'Anna, à soit
tour, fut la victime, tout comme moi, dA
mon beau-père. ','
Celui-ci, un jour, se vanta à moi d'à
voir eu Anna., et il me donn4 des M
tails.,
D'après le témoin, le plus extraordi-
naire des beaux-pèrea aurait décrit à sai
belle-fille le détail complet de son sue-
ces ancillaire. - >il
Je questionnai aussitôt Anna, qui së
mit à pleurer ; j'insistai et elle me dit
tout. A partir de ce moment,.nous nom
somnws lait l'une à Vautre toutes nos
confidences.
Je sus ainsi par elle que M. Syvetoll
lui avait proposé cinq cents francs pout
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