Titre : L'Aurore : littéraire, artistique, sociale / dir. Ernest Vaughan ; réd. Georges Clemenceau
Éditeur : L'Aurore (Paris)
Date d'édition : 1905-08-07
Contributeur : Vaughan, Ernest (1841-1929). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 août 1905 07 août 1905
Description : 1905/08/07 (Numéro 2849). 1905/08/07 (Numéro 2849).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Ncuvî^fiie année. â Numéro
tUt Paris, Seine et Seine-et-Oise : 5 eentimes. â Départements : 10 centime»
UJNDl T AOUT i«&
Rédacteur en Chef :
GEORGES CLEMENCEAU
Unit! Ma kl Mwiialim mariait h Bfluti»
u SteriUirc J. Il Util».
Uresier lettre» rt naudals à I. Félix MILLET
Secrétaire géwr TCLtPHOffe tiPB'Bft
Let manuscrit* non intérêt ne tout pat rendus
L'AURORE
Politique, Littéraire, Sociale
gis Trois
ABONKiaiiarra u»_*n moi» moa
Sains ET Seijsb ET OI3B ; 7 . 32'^ ifl'- &'+
DÉPARTEMENTS. f f t f ⢠7 ⢠38 â 18 » 9 »
ÉTAAitGER (UNION POSTAIS). .48» 24 â 18'
LES ANNONCES SONT REÇUES î
À L'OFFICE D'ANNONCES, 10, pU« de la Bmw
IT AU* Bunuux DU JOUBMi, M, BUE HOHTIUflTBE
ADRESSE téléûhaphiijde : AURORE-PARIS
Lfl CONSICNE
ESI DE RONFLER
Carlsbad.
Lies. "voyages du Tsar et du Kaiser
m'ont empêché de présenter humble-
ment nia défense en réponse à une sé-
vère admonestation que j'ai reçue de
MM. Jaurès et Barthou. Mes lecteurs
ne sont pas sans savoir que- j'ai pris la
liberte grande de n'etre pas de l'opinion
de MM. Jaurès et Barthou â pas plus
que M. de Mun, leur collaborateur â
sur la façon dont ils conçoivent la sé-
paration \de l'Eglise et de l'Etat. « Drôle
de séparation, s'écriait Ranc, en vertu
de laquelle l'Etal se fait le protecteur de
la hiérarchie, de l'unité catholique ! »
On ne pouvait mieux résumer l'idée
que j'avais développée en de nombreux
articles. Je 11e veux point reprendre au-
jourd'hui, les critiques que j'ai pu faire
du projet de loi qui va venir en discus-
sion devant le Sénat. J'ai formellement
dit que j'étais prêt à émettre ce que 8i-
gismond Lacroix appelle avec raison
un « »ofe rte sagesse a pour réaliser le
plus promptement possible la dénon-
ciation du Concordat. Oui, s'il le fallait
absolument, je voterais le projet tel
quel au cas où mes critiques auraient
l'inconvenient d'en ajourner la promul-
gation après le 1" janvier prochain,
dans ma candeur, j'avais pensé que ce
sacrifice me serait compté par le méli-
nisme de M. Barthou et le socialisme
unifié de Jaurès. Espoir trop tût dé-
truit! illusion trop vite envolée.
N'ai-je pas eu l'audace de dire que
s'il m'était possible, sans retarder le
vote de la loi, d'apporter à l'article A
.une modification qui me paraissait né-
cessaire, je ferais tous mes efforts pour
obtenir ce .résultat ? Un tel langage a
paru subversif non seulement à la
-modération â aux reflets divers â de
jM. Barthou, mails à l'esprit rëvolution-
naire de Jaurès. Je ressens, comme i!
convient, mon malheur. Mais dans la
crainte de me voir conduit par une
mauvaise destinée à continuer de méri-
ter le blâme du moderantisme et. de la
'Révolution unifiée â in medio stal vir-
lus â j'ose m'arroger le droit de pré-
senter modestement ma justification, si
«e mot n'est pa^ trop présomptueux.
Oue me dit M. Barthou dans la Petite
Gironde '! M. Barthou n'a point de
â¢mauvais sentiments pour moi. 11 s'inté-
resse sinon à mon passé, qui fut em-
ployé à .lutter contre ses amis aujour-
d'hui en minorite dans la Chambre, du
moins à mon avenir qu'il souhaiterait
meilleur. Il craint que « M, Clemen-
ceau lie perde une fais de plus i occa-
6 ion de demontrer que. supérieur à sa
légende, il sait construire aussi bien
que critiquer cl qu'il peut agir m i tre-
ment que dans les négations ». Ainsi je
n'aurais qu'il ronfler à mon banc pour
montrer que je suis capable de « cons-
truire ». Êt je laisse passer cette occa-
sion unique d'acquerir en dormant une
réputation do « constructeur ». M. Bar-
thou doit croire que c'est dans île « som-
meil d'Homère » que l'iliade fut exécu-
tée.
Je ne discuterai point là-dessus. Je
«lirai seulement que ma légende de
destructeur (fabriquée par les parties
intéressées) vient peut-être de ce que
les amis de M. Barthou ne m'ont pas,
que je sache, accordé la confiance né-
cessaire pour qu'il 'me fût donné de
faire montre de mes talents de cons-
truction. Si j'avais été ministre, comme
M. Barthou, soas Méline, j'aurais peut-
être fait d'aussi grandes choses que lui
â pas contre les républicains, cepen-
dant â mais je ne puis m'empêcher de
remarquer qu'il est cruel, envers un
homme qu'on n'a pas mis au pied du
mur, de lui reprocher d'être un mau-
vais maçon. C'est probablement une
change dont je dois remercier le Ciel
â¢qu'on ne m'ait point mis â l'essai, car
je n'aurais probablement pas mieux
lait que les autres. Qu'on me laisse au
moins le bénéfice de cette partie tte ma
virginité.
D'ailleurs, si j'en avais le temps, je
pourrais peut-être démontrer à M. Bar-
thou que le mal de l'humanité prove-
nant d'aibord 'des liens dont ses
maîtres se plaisent à gêner son libre
développement, lés plus grands bienfai-
teurs furent ceux qui s acharnèrent à
'détruire ces entraves. Et quant à ceux
qui las ont remplacées par certains ap-
pareils de « liberté », je vois bien qu'ils
s'admirent d'aussi bonne foi que Gri-
bouille quand il eut Irouvé l'art We pas
se mouiller, niais, n les regarder faire,
â¢je crois Wen que je mourrai tout con-
solé de n'avoir pu « agir », comme dit
cocassement M. Barthou, que « dans
les négations ».
Ah ! oc terrible mot de « négateur »
dont fut apostrophé par Jéhovah lui-
même Satan révolté, je n'oublie pas
Jant 'd'autres, d'accord avec M. Bar-
thou â m'en a foudroyé. Tous ces gens
qui se font un dogme de ce qui leur
â¢passe par la tête â que ce soit Jéhovah,
Barthou ou Jaurès â ont en exécration
ceux qui prétendent raisonner. J'en
suis bien fiché, mais à l'exe'mple du
grand déchu, mon noble père, je n'ai
pas le goût de la soumission.
C'ait ce qui m'a gagné le mépris d'un
collaborateur anonyme de Jaurès, dont
je dois mettre les paroles au compte de
Jaurès, qui couvre ses rédacteurs de
son autorité. Après avoir expliqué que
ae Sénat doit voter le projet de sépara-
tion « en évitant toute retouche inop-
}| ortune Inutile, ou péri lieuse, à liin
texte longuement débattu, qui est (ait
'tic claivoyance ou de justice », Je ré-
dacteur, sachant que « la clairvoyance »
de il. de Mun (1 qui wjua devons le
vote de l'article i) m'est un peu'sus-
pecte et que je proposa d'en donner les
raisons à la tribune, veut bien, 1 ce
propos, me tremper une petite soupe
de sa façon. Savoures le plat, je vous
prie : V Les détracteurs éternels dont
l'esprit emprunte tantôt les conceptions
d'unn libéralisme indolent et dédai-
gneux, tantot les formules d'un jacobi-
nisme exaspéré, peuvent aiguiser leurs
sarcasmes et masquer de reflets fulgu-
rants leur systématique NÉGATION, ce feu
n'aura qu'un interet oratoire. » if Dé-
tracteur éternel » de tous les pontifi-
cats I Comment ne me serais-je ipas re-
connu ? Convaincu de « négation » !
C'est Jaurès et Barthou qui le disent
: après Jéhovah I Dans quel cas me suis-
se mis pour avoir entrepris 'de démon-
trer que le projet de MM. Barthou,
Jaurès et de Mun changeait le mono-
pole concordataire kle Rome en un
autre monopole, mais ne faisait pas la
liberté. Cela n'aura qu'un « intérêt ora-
toire ». Qui aurait cru qu'on méprisât
si fort « l'intérêt oratoire » à l'Huma-
niti t
Ce (jui me met tout particulièrement
en peine, c'est de savoir comment je
pourrais concilier mon « jacobinisme
exaspéré » avec mon n libéralisme indo-
lent n. Après avoir bien cherché, voici
ce que j'ai trouvé. Mon « )libéralisme
indolent » s'est mi® en travers du fa-
meux monopole ou « collectivisme de
l'enseignement «, selon Jaurès : cela au
nom de la liberté. Mon jacobinisme
exaspéré n'admot pas que le même Jau-
rès orée un monopole cultuel au profit
d'une certaine société spécialement fa-
vorisée du pape, parce que c'est la né-
gation de la liberté. On voit que mon
«jacobinisme» et mon «libéralisme»ne
sont pas sans avoir des traite de res-
semblance. Pour ce qui est de demen-
trer qu'il y a monopole papalin dans
le Concordat unilatéral de Jaurès, aussi
bien que dans le Concordat bilatéral de
Napoléon et de Pic VII, avec l'adjonc-
tion des articles organiques unilaté-
raux, je n'aurai besoin dos '« reflets
fulgurante » d'aucun « sarcasme » pour
accomplir cette oeuvre, à laquelle un
simple collégien suffirait. O'n voit donc
que tout en étant plongé dans le plus
noir marasme à la suite de® répri-
mandes quo je viens d'encourir, il me
demeure quelque vague chance de me
tirer '(l'affaire. Seulement, cela n'est
possible que si tle gouvernement con-
voqué les Chambres à temps pour que
le Sénat, puisse achever sa délibération
avant janvier. Je compte sur le con-
coure de Jaurès pour que cette faveur
â lui est un droit â nous soit accor-
dée. |
G. CLEMENCEAU.
Echos
Record Battu.
On ne connaît ordinairement de Byron que
ses vers et sa vie généreuse. On ignore en
général que ce fut aussi un nageur d'élite.
Mais, à Venise, on ne l'a pas oublié. Et tous
les nageurs du monde ont été conviés en cette
ville d'eau pour le 27 août, afin de renouve-
ler, s'ils 'le pouvaient, le tour de force de 'lord
Byron, qui parcourut à la nage tout le
grand-canal et le bassin de Saint-Marc jus-
qu'au Lido, soit sept kilomètres.
Un nageur italien de première force, le
professeur Zennero, vïent de devancer l'heure
de ce grand concours international. 11 s'est
jeté à Feau vendredi dans le Grand-Canal et,
sous la surveillance de deux gondoles, a
nagé jusqu'au Lido. Il a effectué le parcours
en deux heures dix minutes, battant de vingt
minutes le record du poète anglais, qui l'avait
fait en deux heures et trente minutes.
N'empêche que d'avoir conservé ce record
pendant près d'un sièdie, c'est un fameux
titre de gloire.
* ww
Un * Guérisseur » Célèbre.
Vous connaissez au moins de nom ces re-
bouteux et autres vagues guérisseurs que l'on
poursuit parfois activement pour exercice il-
légal de la médecine. L'un d'eux vient de
mourir, après s'être acquis une gloire inter-
nationale. C'est le « guérisseur n lyonnais
Philippe â de son vrai nom Philippe Lan-
dard.
Ce singulier thaumaturge se qualifiait mo-
destement de chimiste depuis qu'il avait eu
des difficultés avec la justice qui l'accusait
de pratiquer sans titres la médecine.
C'était un ancien garçon boucher qui pré-
tendait s'être senti aippelé par des voix se-
crètes à pratiquer des guérisons par l'hypno-
tisme. IÎ opérait dans un petit salon de la
rue de la Tête-d'Or, à Lyon. Ses clients
s'alignaient dam l'ordre de" leur arrivée. Phi-
lippe s'arrêtait devant chacun d'eux, le tou-
chait au front et le déclarait guéri.
Telle était sa réputation que le tsar Ni-
colas II, fort superstitieux comme on sait,
l'envoya consulter à Lyon pour essayer de
connaître ù l'avance le sexe de son héritier.
Ses révélations enthousîamèrent tellement
le souverain qu'il fit peu après cadeau à Phi-
lippe d'une merveilleuse automobile ornée
de garnitures en métal précieux. Mais ce
rutilant présent provoquait dans les rues de
Lyon de tels attroupements que la munici-
palité pria Philïppe d'éteindre un 'peu los
tons de son véhicule.
Depuis ce temps, sa notoriété était consa-
crée et il avait des droits.acquis à une nécro-
logie dans toutes les gazettes soucieuses d!ac-
tualité.
w%
Bigame la mort dans l'àme.
C'est un curieux et déconcertant problème
de psychologie féminine que celui dont
vient d'avoir à connaitre un juge de la Goun-
ty Court, à Brooklyn. Mistress Mary Franz,
âgée de dix-huit ans, lui a avoué d'un ton
simple et sans embarras qu'elle était bigame.
Voici les faits ; îe jê jnvier dernier, cette
jeune fille épousait G. Franz, de Glendat,
dans le Long Island. Le ménage vécut dans
cette petite ville jusqu'au.$ avril- epoque
où Mme Franz disparut. Son mari la fît val- 1
nement rechercher à Brooklyn et à New-
York. Il désespérait de la revoir, lorsqu'il
y a quelques semaines, Franz rencontra, par
hasard, sa femme à Coney ïsland.
Sans se troubler, Mme Franz apprit à son
ex-mari qu'elle s'était mariée avec M. J.Granit,
demeurant dans lia 53* rue, à Brooklyn.
Une discussion animée s'ensuivit avec son
premier mari. Soudain l'épouse infidèle réus-
sit à se perdre dans ia foule et disparut de
nouveau.
M. Franz, furieux du sans-gene de sa
femme, alla conter son histoire au procureur
du district qui fit arrêter Mme Franz, deve-
nue Mme Grant.
Mais ce n'est pals tout d'agir. Il fallait sta-
tuer et le juge n'en trouva point la force,
tant l'estomaquèrent et le désarmèrent les
déclarations de la jeune bigame :
« Il est absolument vrai que j'ai deux jma-
ris, dit-elle, mais je n'ai pu m'empêcher de
les épouser tous les deux. Celui que j'aimais
le plus était Grant, mais Franz avait telle-
ment d'influence sur moi que je n'ai pu lui
dire non lorsqu'il m'a demandée en ma-
riage. J'ai été très ennuyée quand je me suis
aperçue que j'aimais mieux Grant que Franz.
Grant -ne savait pas que j'étais déjà mariée
et lorsqu'il m'a demandée à son tour de l'é-
pouser, j'y ai consenti, s
Le juge, fort embarrassé, remit son juge-
ment à huitaine, pour examiner à loisir ce
cas intéressant. Salomon lui-même eût-il pu
mieux faire ?
Le Châtiment Exemplaire
II ©si bi«n entendu, n'est-ce pas 7 que ta
peine do mort n'a rien de commun avec
un geste misérable vengeance. Nous ne
sommes plus aux temps obscurs où fa loi
du talion dominait la conscience humaine.
La peine de mort a une haute va-leur
d exemple ; elle doit inspirer au public qui
on est spectateur des réflexions de moralité
supérieure et aussi des sentiments de sa-
lutaire prudence. C'est la seule excuse qui
permette de justifier l'acte par lequel la so-
ciété, impuissante à créer la vie, se con-
fère lo droit de la retirer, fût-ce à un assas-
sin.
On a tout, dit, semble-t-il, sur la vanité
de cette spéculation m orale, où tous ont
tout à perdre ên réalité : victimes, exécu-
teurs ot spectateurs. On a évoqué les nuits
d'orgie, en attendant que le jour éclaire la
lugubre scène, la curiosité sanguinaire,
l'ivresse rouge de oeux que co coup d'oeil
fascine. Une illustration d'expérience man-
quait à ces considérations, La double exé-
cution de Dunkerque vient de nous la four-
nir éclatante. Savourez ces simples extraits
d'un témoin, envoyé spécial de notre con-
frère le Matin :
Voici d'abord l'attente allegre de la jour-
née funèbre :
Jusqu'au dernier moment ]es condamnés cru-
rent à, leur grâce. Il n'en était pas de même
parmi la population dunkerquoise, chez laquelle
ce crime avait produit îa plus violente émotion.
Depuis huit jours, chaque -nuit, de bruyantes et
tumultueuses manifestations se produisaient
aux alentours de la prison. Et, d'après ce que
me dit hier un des chefs du service de la Sû-
reté de Dunkerque, la police de cette ville m-,
doutait des troubles graves si la décision pré-
sidentielle n'était, pas intervenue pour ordonner
l'expiation suprême.
Bref, la foule brutale réclame sa proie.
C est le cri renouvelé de la Rome dégéné-
rée : Panèm et circenses ! Les jeux du cir-
que, n'étaient-ce pas les exécutions capi-
tales d'autrefois ?
Puis, ce sont les propriétaires louant
leurs fenêtres, rendus cyniques par l'espoir
d'une bonne affaire :
Depuis huit jours; dans l'expectative de l'exé-
cution prochaine, de larges pancartes, avec ces
mots : Fenetres tt louer, couvraient les murs
des immeubles ouvriers faisant face & )a pri-
son, Les curieux n'avaient pas manqué. Et rapi-
dement, grâce a cette location, les habitants des
immeubles avaient réalisé d'appréciables béné-
fices. Depuis huit jours, chaque nuit, jusqu'il
une heure avancée, une foule grouillante et
bruyante, massée à ces fenêtres, attendait avec
impatience !e macabre spectacle,
Depuis trois ou quatre jours, ne voyant rîen
venir, ceux qui, moyennant des sommes fort
rondelettes, y avaient retenu leurs places, se de-
mandaient avec inquiétude s'ils n'allaient pas
ôtrç floués et si l'exécution aurait bien lieu en
cet endroit.
Chacun en veut pour son argent, n'est-il
pas vrai ?
Poursuivons. Voici le tableau de toute
cette « foule en goguette », comme il est
dit dans la chanson de Bruant.
Mais, cette lois, il n'y a plus de doute {Quel
soulagement /). Le fourgon vient de s'arrêter
a la porte do la prison. Déjà, les aides se sai-
sissent des montants de la machine et lés dis-
posent sur le sol, fi quinze mètres il peine des
maisons dont les fenêtres ont fait prime- 11 y a
là, A ces fenêtres, des hommes, des femmes, des
enfante, ctes [Mettes, des bébés même, ait bras
de leurs mères.
Tout le monde est satisfait. On ne perdra pas
une bouchée du spectacle.
Aussi, de toutes paris, des cris éclatent :
« Bravo i bravo 1 vive Deibler 1 vive Dei-
bler 1»
d Vive le bourreau 1 » Gri sublime de la
férocité, encourageant une oeuvre de « jus-
tice » i
Tous ces gens d'ailleurs ne s'ennuient
pas :
Par les fenêtres largement ouvertes passent
des chants, des rires et des bruits de joie. Ici,
des guitares soutiennent quelques sérénades
d'Espagne ; là;, un piano égrène une valse, ci
l'on aperçoit des. couples qui tournoient. Ail-
leurs, autour des tables servies, dés gens îes-
toient, tandis que, debout sur Une chaise; une'
serviette autour de la tête, une femme chante
une pleurarde et sentimentale romance. f
Enfin l'heure de : la fête est a rivée. Les.
condamnés paraissent. C'est d'abord la tétq
do Van den Bogaert qui tombe. Dans Ja
foule des bravos éclatent I Puis c'est le
tour de Zwartwaeger : nouveaux bravos !
Deibler est comme Facteur bissé qui re-
vient sur la scène, tandis que la galerie ne
se. tient plus d'enthousiasme. Les généreux
applaudissements que voilà 1 Et savez-vous
qui en a donné le signal ? C'est le mari de
la victime, « au premier rang des privilé-
giés ». Lui que je 11e sais quelle pudeur de
deuil a tirait dû ce jour-là confiner à domi-
cile, volets clos, et loin de ces cris barba-
re?, il tient a donner à cette scène la si-
gnification d'une oeuvre de vengeance. Il
n'y a plus à s'y tromper : ce n'est pas la
justice, mais bien la loi du talion qui est
satisfaite.
Et, pour oue par toute la France îc même
sentiment de curiosité malsaine soit plei-
nement satisfait, un journal du matin, fai-
sant poser lés morts, reproduit lù photo-
graphie des têtes tranchées, placées sur
le chariot .où, il & soin de nous apprendre t
qu'on les a spécialement disposées & son
usage. On voix de ces choses chéz les peu-
plades africaines, où l'on empale les têtes
dos vaincus aux grilles des chefs victo-
rieux. -
Voilà tout l'édifiant enseignement que
Ton peut retirer d'une exécution capitale
au début du vingtième siècle. C'est ainsi
que l'humanité se fait justice en grande
pompe, alors que le soleil se lève pour ré-
pandre sur la terre un peu de vivifiante
clarté-
François Albert.
LE KRACH DES SUCRES
LES COMPTES DE M. JALuzot
La situation à ia Bourse de commerce
Les négociations de L'administrateur
M. Jaluzot parle encore
L'écoulement
La chambre syndicale des fabricants de
sucre de France avait exprimé le voeu,
dans une rêunioon qu'elle a tenue, que le
président du syndicat, M. Viéville, Ht de
pressantes démarches pour obtenir de la
Banque de France que 'es plus grandes fa-
cilités soient accordées à la sucrerie pour
le warrantement de§ sucres, afin de per-
mettre aux industriels d'espacer leurs ven-
tes.
M, Vièville, d'un côté, M. Lacaussadc,
président 4® la chambre syndicale du com-
; merce des sucres, de l'autre, sè sont ren-
dus auprès du directeur de la Banque de
Fronce, qui, après l'exposé de ia situation
et jle l'intérêt national qui se trouve en
jeu7 a promis de faire tous ses efforts pour
donner satisfaction au désir exprimé par
l'industrie et le commerce des sucres.
On peut donc considérer qu'à la Bourse
du Commerce la crise des sucres est vir-
tuellement terminée.
Ceci veut dire que les commerçants, spé-
culateurs ou autres, qui, comptant sur la
grande réputation de fortune de M. Jalu-
zoti s'étaient prêtés aux jeux compliqués
de ses combinaisons, se tireront sans trop
de mal du mauvais pas où les avait attirés
l'espoir de récolter un jour un assez joli
gain pour leur part. Mais il restera, après
deg arrangements, qui ont heureusement
diminué l'étendue du désastre, à prévenir
dans la mesure du possible' le retour (le !
crises semblables. Il importera en particu-
lier de ne point laisser aux fauteurs de
tout le désordre l'illusion qu'ils pourront
continuer comme par le passé leurs scan-
daleuses spéculations, leurs accaparements
monstrueux, ni la certitude qu'au jour d'un
mauvais coup du sort, couverts par la
gravité même du désastre qui causerait
leur chute, ils bénéficieront de la complai-
sance du gouvernement et de la bienveil-
lance des commerçants liés à eux par la
solidarité du marché. Ce n'est pas évidem-
ment à la Bourse du Commerce, où l'on
n'avait à s'occuper que des moyens de pa
rér aux conséquences financières de 'a
crise, que ce côté de la question devait
être examiné. À agir, du reste, dans ce
sens," on y manifesterait, je pense, quel-
que répugnance. C'est en d'autres lieux
que des décisions nécessaires doivent être
prises à cet égard. Et, sans doute, beau-
coup de personnes, bien qu'on paraisse en
bonne voie de sauvegarder les intérêts par-
ticuliers, nè voudront consentir à oublier
ie krach des sucres que lorsqu'on aura
aussi donné satisfaction à l'intérêt général
en exerçant l'action publique contre tou3
les spéculateurs,, accapareurs et sous-acca-
pareurs.
Le Printemps et M. Jaluzot
D'après les renseignements lentement
réunis sur cette affaire compliquée, 011
peut aujourd'hui se rendre à peu près exac-
tement compte de la situation de M. Jalu-
zot et de celle de la société dont il a si
habilement, confondu l'actif avec sa for-
tune personnelle pour le succès â momen-
tané â de ses spéculations.
Le passif de M, Jaluzot envers le Prin-
temps n'est pas inférieur à 13 millions 1/2,
et il n'est pas certain que le Printemps ait
une créance privilégiée h rencontre des
créanciers de la Bourse de Commerce.
Quant au passif de M- Jaluzot sur le mar-
ché du sucre, on l'évalue à une dizaine de
millions ; c'est donc un total de £4 millions
environ que M. Jaluzot doit rembourser,
soit en totalité, soit au marc le franc.
Le Printemps a, pour le compte de ses
actionnaires, un actif de 24 millions, mais
il a un passif de 20 millions, qui se dé-
compose ainsi :
Rayon d'épargne, solde à rembourser,
1.500.000 fr. ; comptes courants, 5.500.000
francs ; sommes remboursables à vue,
7.000.000 ; bons de caisse à échéance,
7.000.000.
Les employés du Printemps
Nous disions hiér que les employés du
Printemps étaient déposants à la caisse du
Rayon d'épargne et qu'ils ont, par consé-
quent, à souffrir eux-mêmes de la suspen-
sion'des remboursements. Mais leur situa-
lion est plus fâcheuse encore, et l'habileté
de M. Jaluzot à se préoccuper par tous les
moyens des capitaux pour ses affaires per-
sonnelles les a réduits à cette condition sin-
gulière qu'ils sont à la fois leurs propres
créanciers et leurs propres débiteurs. Lo
règlement de la maison les obligeait, en
effet, à acquérir' des actions du Printemps
sur leurs économies, ils doivent donc en
qualité d'actionnaires ce qu'ils peuvent ré-
clamer à la Société du Printemps en qua-
lité de déposants.
Voici par quel étrange procédé de con-
trainte le sièur Jaluzot ramenait dans ses
coffres une partie de l'argent qu'il payait
à ses employés. Dès qu'un employé était
depuis six mois dans la « maison », 011
lui retenait, en vue de l'achat d'une action
de la Société, un dixième de son salaire.
Lorsque les versements de l'employê avaient
atteint 40 ou 50 francs, on achetait pour
lui et on ⢠lui retenait ensuite les intérêts
dq l'argent avancé jusqu'à complet rem-
boursement. La Société une fois rentrée
dans ses débours, on recommençait pour
une nouvelle action et ainsi indéfiniment
l'employé fournissait à ia caisse d'où M.
Jaluzot s'.était empressé de rafler, dans le
but que l'on sait, les premiers versements.
Encore une interview
; Cette facilité avec laquelle M. Jaluzot
puisait à tout propos, dans les caisses qui
ni étaient confiées, les sommes dont il
avait besoin pour des spéculations hasar-
deuses apparaît d'une façon frappante dans
l'interview qu'il a donnée hier à un rédac-
teur du Temps. M. Jaluzot avoue avec in-
génuité la fréquence de ses appela à la
caisse des magasins du Printemps. U pa-
rait n'en éprouver aucune gène. Il se dit à
l'abri de toute critique, parce qu'il aurait,
en empruntant, rempli toutes lei formalités
aue t'op eût exige d'un tiers* % ne paraît
pas s'apercevoir que quelques détails, qui
ont bien leur importance, comme sa qualité
de directeur-gérant des magasins du Prin-
temps empêchaient précisément que sa si-
tuation fût comparable à celle d'un tiers.
Eh 1 sans doute, ses opérations ont pu
être régulières. Il était bien trop avisé pour
risquer d'éveiller la méfiance par des appa-
rences douteuses. Mais il n en était pas
moins vrai que c'était trahir la confiance
de ses actionnaires que d'utiliser l'influence
prépondérante qu'il avait dans l'adminis-
tration de la Société pour détourner leurs
capitaux vers des affaires dont te prestige
de son expérience dissimulait les dangers
et sur lesquelles il n'offrait aucun contrôle.
Comme le rédacteur du Temps l'interro-
geait sur les emprunts qu'il avait faits pour
ses opérations de la Bourse de commerce
à la caisse de Sa Société, M. Jaluzot répon-
dit : *
ft est inscrit explicitement dans les statuts
de la société du Printemps, que des avances
pourront être consenties sur les titres cotés à la
Bourse de Paris,
M'importe qui peut bénéficier de celte clause ;
et en fait, le Printemps a. consenti h de nom-
breux prêts sur titres. Eï moi, le directeur de
la société, j'aurais été précisément le seul à qui
ce bénéfice fût refusé I La société aurait pu prê-
ter, sur titres colés, à tous les clients, à tous les
employés du Printemps, et n'aurait pu le faire
à moi seul, Jaluzot 1
Non, j'avais ie droit, comme tout le monda,
de demander au Printemps des prêts sur ti-
tres ; et j'ai profité de ce droit, voila tout, Je
veux simplement vous prouver que tous mes
emprunts étaient garantis, et pour une .valeur
bien supérieure 4 leur total.
Je possédais⢠24,700 actions du Printemps.
2,000 actions ont été déposées par moi comme i
garantie statutaire de gérance ; ne noua occu-
pons pas d'elles,
20,000 actions ont été remises ft la société, i
en garantie d'avances à moi consenties, en dé-
pôt régulier, avec nantissement régulier. Ces
avances m'ont été faites il y a quelques années
déjà.
Le complément, soit 2,700 actions, est égale'
ment dans les caisses du Printemps, comme ga-
rantie d'avances ultérieures.
Eh bien, le Printemps m'a avancé, en tout, â
je ne peux vous donner qu'un chiffre approxima-
tif, â au plus 14 millions.
â Au dernier cours de la Bourse (à 500 francs
chacune), les 24,700 actions déposées par moi
dans la caisse du Printemps représentent déjà
ù elles seules une somme de Î2 millions et
demi. Or, il faut ajouter, comme au Ire garantie
des avances à moi faites : l' des warrants fran-
çais représenté^ par 240,000 sacs do sucre ;
2* 300,000 francs environt gagés par des war-
rants étrangers ; 3" diverses valeurs de Bourse
qui m'appartiennent, et dont une partie est réa»
lisee journellement depuis une quinzaine de
jours, de manière k créer des fonds disponibles.
Faites le total de toutes ces garanties, et vous !
verrez que les 14 millions que m'a avancés la
société du Printemps ne risquaient rien.
Et je le répète, elle avait 5e droit de me les
avancer, j'avais le droit de les ïai demander :
les statuts sont formels. , ,
Mais les fonds versés par les déposants
du u rayon d'épargne » servaient-ils aux
prêts que consentaient la Société du Prin-
temps ?
Naturellement, répond M. Jaluzot. Tous les
fonds provenant des cinquante comptoirs de la
société, des dépôts en comptes couraants, des
dépôts du * rayon d'épargne » sont versés dans
le même coffre ; et remarquez, d'ailleurs, que
puisque la société sert un interet pour les dépôts
du « rayon d'épargne », elle ne peut les laisser
dans son coffre, immobiles, improductifs. C'est
pour les rendre productifs qu'elle prête sur ti-
tres. Il n'y a rien là qui nè soit naturel.
On s'est étonné que M. Jules Jaluzot, avec
ses propriétés et son crédit, se soit laissé
acculer à la situation où on le voit, par l'im-
possibilité de payer, le 31 juillet, la sommé,
pour lui relativement peu importante, d'un
million et demi.
Il n'y a là rien d'étonnant, dit-il tristement.
J'aurais pu l'avoir, ce million et demi, et sur
l'heure : je n'avais qu'a 10 demander, en
avancé, i la société du Printemps. Nous avions
bien plus que cette somme dans noire caisse,
puisque nous avons remboursé le lendemain et
» surlendemain deux millions et demi en qua-
rante-huit heures. Mais â et la voix de notre
interlocuteur s'assourdit epeore'â cette fois je
n'aurais pu, en conscience, fournir une garantie
suffisante : }e n'ai rien demandé.
Eh ! quoi, M, Jaluzot n'avait donc pas
d'autres sommes à sa disposition que oel- j
les que contenaient la caisse du Prin-
temps? Voudra-Mi, après cet aveu, se:
donner encore comme un tiers quelconque
qui eût demandé à la Société du Printemps
ae lui consentir les prêts autorisés par ses
statuts? Un tiers eût été singulièrement i
imprudent qui n'eût pas constitué de ca-
pital pour faire face à ses affaires person-
nelles et qui, pour se sortir d'embarras en
cas d'accident, n'eût compté que sur l'iné-
puisable bonne volonté au même prêteur.
Pour qu'il ait fait un pareil calcul, il faut
Sue M. Jaluzot ait eu une singulière con-
ance dans les bonnes dispositions de la
Société à laquelle il se proposait de recou-
rir ainsi sans limites. La vérité est qu'il
était et qu'il se savait le maître de la
caisse du Printemps. La vérité est qu'il
n'avait fondé le Rayon d'épargne que pour ;
y attirer, sur la garantie des magasins, af- ;
faire de façade, des capitaux qu'il utilise-
rait ensuite au service de combinaisons ;
louches et mystérieuses. E11 confondant
ainsi secrètement les affaires publiquement
distinctes du spéculateur, du banquier et
du gérant des magasins du Printemps, M.
Jaluzot a jeté à dessein la confusion dans !
l'esprit de sa clientèle et indignement
abusé de la bonne foi des déposants, qui
n'entendaient pas subvenir aux besoins de
ses manoeuvres d'accaparements, des ac-
tionnaires qui ne croyaient pas exposer le
sort d'une affaire sûre et prospère aux ha-
sards de la spéculation.
A. S.
Les Rapports Anglo-allemands
La rencontre d'Edouard Vît et de Guillau-
me II â Déclaration de l'ambassade
d'Allemagne â Pour assurer
la paix du monde
⢠Berlin, 6 août.
Dans les milieux politiques on considère
la rencontre de Guillaume II ot d'E-
douard VII comme probable, bien qu'il n'y
ait encore aucune information officielle à
co sujet. Le correspondant parisien du Lo-
kal-Anzeiger dit avoir recueilli à l'ambas-
sade d'Angleterre à Paris la déclaration
suivante :
Vous pouvez annoncer que des raisons poli-
tiques et non personnelles sont la cause du re-
tard de trois jours apporté au voyage du rot
d'Angleterre à Marienbad, où son arrivée avait
d'abord été arrangée pour le 11 août. Lo roi no
Veut pas partir en voyage avant d'avoir vu
clair dans la question du trône de Norvège et
avoir reçu des informations sur le début de la
conférence de paix à Porismouth. Selon toutes
probabilités les prochains dix jours apporteront
des nouvelles importantes non pas peut-être
pour le grand publie, mais certainement pour les
milieux dirigeants. Sous l'impression dé ces nou-
velles," qui vraisemblablement réjouiront les
J amis de la paix dans les deux hémisphères,
è l'entrevue du roj et de l'empereur pourra être
. considérée comme très importante, tandis que
cette entrevue perdrait de sa valeur si elle sur-
venait avant ces- nouvelles,- Pendant dW
* jours surviendra peut-etre aussi l'accord de*
-[ puissances sur !o programme de la conférence
r marocaine, de telle sorte qu'on pourrait alors
* s'attendre non seulement, è une conversation po-
3 liment amicale, mais même franchement cordiale
ï entre les deux monarques.
Le correspondant du Lokal-Anzeiger. fait
- néanmoins remarquer que la confirmai ion
* directe de l'entrevue n'était pas encore nr-
' rivée à l'ambassade d'Angleterre ù Paris,
* où. Ton venait de lui' faire ces déclarations.
Le Fremdênblatt reçoit de Berlin la dé»
' pêche suivante :
;; L'accueil sympathique qua trouvé en AHe-
' magne le projet dune entrevue entre l'empe-
reur Guillaume et le roi Edouard, a produit iclr
une vive satisfaction.
î On monde également de Berlin à la Zett :
1,1 , La. nouvelle de la. rencontre de l'empereur
d'Allemagne av«û le roi d'Angleterre à. l'occasion
. du voyage de ce dernier à Maricnbad n'est pas
; encore confirmée^ mais on y croit généralement
1 à Berlin, et cette nouvelle est accueillie d'une
j façon sympathique. La rencontre fera disparaî-
tre les bruits malveillants propagés au sujet
d'une tension anglo-allemande. On sait que ie
, roi d'Angleterre, qui a visité toutes les grandes
capitales européennes depuis son avènement,
n'est pas encore venu à Berlin, et. qu'il s'est con-
testé de voir l'empereur ^'Allemagne & KJeL
1 ⢠,. Prague, 6 aoitt.
LAbéndblatt, journal demi-offieieux de
Prague, annonce que d'après les avis pnr-
venus à Matlesbad le roi Edouard d'Angle*
, terre arrivera le 14 d«n& l'après-midi en
cette ville,
| Primitivement l'arrivée du souverain aii-
j glni-a avait été fixée au 11, mais il est pro-
bable, ajoute YAbendblau, qu'elle a été re-
tardée de trois jours pal* suite de l'entrevue
projetée du roi avec l'empereur Guillaume.
DEVANT LA STATUE
D'ETIENNE DOLET
LE CORTEGE DE LA LIBRE PENSEE
De la place de l'Hôtel-de-Ville à la plaça
Maubert Le défilé â La Fédéra-
tion de Bretagne et le drapeau
rouge .âr La police fait du
zèle â Les meetings
Quelques-uns des groupes anticléricaux
de Paris étaient déjà venus dans la ma-
tinée manifester autour du monument
d'Etienne Dôlet." Mais c'est dans l'après-
midi, selon l'usage, que le gros du cortège
a défilé place Maubert,
Le rendez-vous avait été. pris sur la place
de PHôtel-d^-vnre, où, dès une heure, les
groupements commencent à se former.
M. Lépine a organisé, pour n'en pas p«r.
dre l'habitude, un de Ces services d'ordre
tellement exagérés qu'avec la meilleure vo-
lonté du monde de 'a part des manifes-
tants', il est cependant presque impossible
d'éviter les bousculades. M. Lépine eut i';é
mieux inspiré de laisser la rue libre, où Je
cortège eut pu s'écou'cr sans obstacle.
D'autant plus que beaucoup moins de îi»
bres-penseura que les années précédente*
s'étaient déplacés à l'appel de leurs co-
mités. La i:ampa£ne a trop de charme,,
par les* belles journées du dimanche. JCt
sans doute aussi, convient-il de ne pas ou-
blier que certains froissements rclenlis-
sants survenus entre les chefs de fife de la
libre pensée, entre MM. Charbonnol et Bé-
renger, pour ne pas les nommer, expli-
quent bien des abstentions.
Vers doux heures, les premières déléga-
tions se mettent en marche, pendent q->e
les groupes de banlieue viennent prendre
la file.
L'aspect de la p&cc de l'Hôtel-de-Vil ko «st
des plus curkiiix ; las manifestants >oiU
massés au centre, derrière les ceriteoux
norta.nl le noin de-' tours groupes ; tous ar-
borent soit les cocardes rouges des Asso-
ciations de Jibr*«-pen»eusoit encono des cartes-eaHcatures à\'ec ces
mots : m À baJ? les calottes I ..
I>es vendeurs circulent dans les groupe
offrant dos insignes, des égkntines, des pu-
bhcaUons révolutiowiaires. Les agents Ar-
ment, de chaque côté de Fa chaussée, u u>
haie que les= manifestants ne doivent pns
franchir ; cette haie se prolonge sur le bou-
levard Saiul-Germain jusqu'à la hauteur de
Ja rue Saint-Jacques, où aura lieu la di.-Oo-
ootion du cortè^;.
M. Lépine mareJie en tête de la mamfes-
Vvrf °-PPUiremmont qu'elle ne s'é-
gare. Elle est oopendtint bien canalisée en.
ire les deux haies d'agents.
L'itinéraire est court, par le quoi d-n Ces-
vres, le marché aux fleurs, le pont Notre-
Dame, la rue Lagraivce-
Ouapd la tête du cortège an'ive devant
la statue, des eris : « A bus 1a calotte L â >
sont poussés par les niantfestante ; Ja cou-
ronne est placée au pied de la statue sa 13
que le cortège ait mienti sa marche.
Le préfet de police a donné l'ordra de m
tolérer aucun diant ni iujcun cri, oemui-
dan t les ehants sont continus et les cris fré-
quents.
CCvSt ^Internationale qui forme Ja parlic
principale, entrecoupée de variations : .« A
1 * â c?,0i4e ! Viv'« 'a République soéialc h»
Mais la foule passe, et la police se lient
tranquille. Cest une démonstration «aire et
pacifique, et rangée.
Pourvu que ça dure.
Une bagarre
Mais ça ne devait pas durer, m I/m
ne saurait tolérer que des manifestants
aient leur journée, s'il n'avait 1« sienne
Les chants et les cris d'une foule, impu s-
5S? ù réprimer- 0om njfH dâns tous se«
états. Il lui faut quelques victimes à bri-
mer. . â .
Juslomerit voici ijut ia Fédération An D\e-
huj ne nasse a,wc. un drarfeau muiic. il
seuibiait que depuis que iea drapeaux rou-
ges dénièrent jadis pfuce do la Nutiun,
vaut M. J.nutei. il semblait bien min
preuve Clait faite que l'exhibition de n
emblèmes ne mettait pae. la patrie en don.
ger. M. Lapine n'a pu s'y faire, cependant.
Le groupe de la FSdéralioi de Urclagi e
s est arrêté devant la statue. On entend
ci-ier : « Vive ia Révolution ! » et lô porkur
du drapeau rouge l'agite en trois sens, coni-
me pour créer sous le soleil alors ai-dent un
peu de brise révolutionnaire.
La police, tuguiîlonnéo par les ordres
d'en haut, s'agite. Le cortège pusse comme
lc« autres, et s'engage 4 iravei-ser le boule-
vard Seunt-Oermâia, maia la drapeau roj a
flotte toujours.
A l'angle du boulevard Saint-jGenmain el
de la rue des Anglais, lea manilestant» ta
tUt Paris, Seine et Seine-et-Oise : 5 eentimes. â Départements : 10 centime»
UJNDl T AOUT i«&
Rédacteur en Chef :
GEORGES CLEMENCEAU
Unit! Ma kl Mwiialim mariait h Bfluti»
u SteriUirc J. Il Util».
Uresier lettre» rt naudals à I. Félix MILLET
Secrétaire géwr
Let manuscrit* non intérêt ne tout pat rendus
L'AURORE
Politique, Littéraire, Sociale
gis Trois
ABONKiaiiarra u»_*n moi» moa
Sains ET Seijsb ET OI3B ; 7 . 32'^ ifl'- &'+
DÉPARTEMENTS. f f t f ⢠7 ⢠38 â 18 » 9 »
ÉTAAitGER (UNION POSTAIS). .48» 24 â 18'
LES ANNONCES SONT REÇUES î
À L'OFFICE D'ANNONCES, 10, pU« de la Bmw
IT AU* Bunuux DU JOUBMi, M, BUE HOHTIUflTBE
ADRESSE téléûhaphiijde : AURORE-PARIS
Lfl CONSICNE
ESI DE RONFLER
Carlsbad.
Lies. "voyages du Tsar et du Kaiser
m'ont empêché de présenter humble-
ment nia défense en réponse à une sé-
vère admonestation que j'ai reçue de
MM. Jaurès et Barthou. Mes lecteurs
ne sont pas sans savoir que- j'ai pris la
liberte grande de n'etre pas de l'opinion
de MM. Jaurès et Barthou â pas plus
que M. de Mun, leur collaborateur â
sur la façon dont ils conçoivent la sé-
paration \de l'Eglise et de l'Etat. « Drôle
de séparation, s'écriait Ranc, en vertu
de laquelle l'Etal se fait le protecteur de
la hiérarchie, de l'unité catholique ! »
On ne pouvait mieux résumer l'idée
que j'avais développée en de nombreux
articles. Je 11e veux point reprendre au-
jourd'hui, les critiques que j'ai pu faire
du projet de loi qui va venir en discus-
sion devant le Sénat. J'ai formellement
dit que j'étais prêt à émettre ce que 8i-
gismond Lacroix appelle avec raison
un « »ofe rte sagesse a pour réaliser le
plus promptement possible la dénon-
ciation du Concordat. Oui, s'il le fallait
absolument, je voterais le projet tel
quel au cas où mes critiques auraient
l'inconvenient d'en ajourner la promul-
gation après le 1" janvier prochain,
dans ma candeur, j'avais pensé que ce
sacrifice me serait compté par le méli-
nisme de M. Barthou et le socialisme
unifié de Jaurès. Espoir trop tût dé-
truit! illusion trop vite envolée.
N'ai-je pas eu l'audace de dire que
s'il m'était possible, sans retarder le
vote de la loi, d'apporter à l'article A
.une modification qui me paraissait né-
cessaire, je ferais tous mes efforts pour
obtenir ce .résultat ? Un tel langage a
paru subversif non seulement à la
-modération â aux reflets divers â de
jM. Barthou, mails à l'esprit rëvolution-
naire de Jaurès. Je ressens, comme i!
convient, mon malheur. Mais dans la
crainte de me voir conduit par une
mauvaise destinée à continuer de méri-
ter le blâme du moderantisme et. de la
'Révolution unifiée â in medio stal vir-
lus â j'ose m'arroger le droit de pré-
senter modestement ma justification, si
«e mot n'est pa^ trop présomptueux.
Oue me dit M. Barthou dans la Petite
Gironde '! M. Barthou n'a point de
â¢mauvais sentiments pour moi. 11 s'inté-
resse sinon à mon passé, qui fut em-
ployé à .lutter contre ses amis aujour-
d'hui en minorite dans la Chambre, du
moins à mon avenir qu'il souhaiterait
meilleur. Il craint que « M, Clemen-
ceau lie perde une fais de plus i occa-
6 ion de demontrer que. supérieur à sa
légende, il sait construire aussi bien
que critiquer cl qu'il peut agir m i tre-
ment que dans les négations ». Ainsi je
n'aurais qu'il ronfler à mon banc pour
montrer que je suis capable de « cons-
truire ». Êt je laisse passer cette occa-
sion unique d'acquerir en dormant une
réputation do « constructeur ». M. Bar-
thou doit croire que c'est dans île « som-
meil d'Homère » que l'iliade fut exécu-
tée.
Je ne discuterai point là-dessus. Je
«lirai seulement que ma légende de
destructeur (fabriquée par les parties
intéressées) vient peut-être de ce que
les amis de M. Barthou ne m'ont pas,
que je sache, accordé la confiance né-
cessaire pour qu'il 'me fût donné de
faire montre de mes talents de cons-
truction. Si j'avais été ministre, comme
M. Barthou, soas Méline, j'aurais peut-
être fait d'aussi grandes choses que lui
â pas contre les républicains, cepen-
dant â mais je ne puis m'empêcher de
remarquer qu'il est cruel, envers un
homme qu'on n'a pas mis au pied du
mur, de lui reprocher d'être un mau-
vais maçon. C'est probablement une
change dont je dois remercier le Ciel
â¢qu'on ne m'ait point mis â l'essai, car
je n'aurais probablement pas mieux
lait que les autres. Qu'on me laisse au
moins le bénéfice de cette partie tte ma
virginité.
D'ailleurs, si j'en avais le temps, je
pourrais peut-être démontrer à M. Bar-
thou que le mal de l'humanité prove-
nant d'aibord 'des liens dont ses
maîtres se plaisent à gêner son libre
développement, lés plus grands bienfai-
teurs furent ceux qui s acharnèrent à
'détruire ces entraves. Et quant à ceux
qui las ont remplacées par certains ap-
pareils de « liberté », je vois bien qu'ils
s'admirent d'aussi bonne foi que Gri-
bouille quand il eut Irouvé l'art We pas
se mouiller, niais, n les regarder faire,
â¢je crois Wen que je mourrai tout con-
solé de n'avoir pu « agir », comme dit
cocassement M. Barthou, que « dans
les négations ».
Ah ! oc terrible mot de « négateur »
dont fut apostrophé par Jéhovah lui-
même Satan révolté, je n'oublie pas
thou â m'en a foudroyé. Tous ces gens
qui se font un dogme de ce qui leur
â¢passe par la tête â que ce soit Jéhovah,
Barthou ou Jaurès â ont en exécration
ceux qui prétendent raisonner. J'en
suis bien fiché, mais à l'exe'mple du
grand déchu, mon noble père, je n'ai
pas le goût de la soumission.
C'ait ce qui m'a gagné le mépris d'un
collaborateur anonyme de Jaurès, dont
je dois mettre les paroles au compte de
Jaurès, qui couvre ses rédacteurs de
son autorité. Après avoir expliqué que
ae Sénat doit voter le projet de sépara-
tion « en évitant toute retouche inop-
}| ortune Inutile, ou péri lieuse, à liin
texte longuement débattu, qui est (ait
'tic claivoyance ou de justice », Je ré-
dacteur, sachant que « la clairvoyance »
de il. de Mun (1 qui wjua devons le
vote de l'article i) m'est un peu'sus-
pecte et que je proposa d'en donner les
raisons à la tribune, veut bien, 1 ce
propos, me tremper une petite soupe
de sa façon. Savoures le plat, je vous
prie : V Les détracteurs éternels dont
l'esprit emprunte tantôt les conceptions
d'unn libéralisme indolent et dédai-
gneux, tantot les formules d'un jacobi-
nisme exaspéré, peuvent aiguiser leurs
sarcasmes et masquer de reflets fulgu-
rants leur systématique NÉGATION, ce feu
n'aura qu'un interet oratoire. » if Dé-
tracteur éternel » de tous les pontifi-
cats I Comment ne me serais-je ipas re-
connu ? Convaincu de « négation » !
C'est Jaurès et Barthou qui le disent
: après Jéhovah I Dans quel cas me suis-
se mis pour avoir entrepris 'de démon-
trer que le projet de MM. Barthou,
Jaurès et de Mun changeait le mono-
pole concordataire kle Rome en un
autre monopole, mais ne faisait pas la
liberté. Cela n'aura qu'un « intérêt ora-
toire ». Qui aurait cru qu'on méprisât
si fort « l'intérêt oratoire » à l'Huma-
niti t
Ce (jui me met tout particulièrement
en peine, c'est de savoir comment je
pourrais concilier mon « jacobinisme
exaspéré » avec mon n libéralisme indo-
lent n. Après avoir bien cherché, voici
ce que j'ai trouvé. Mon « )libéralisme
indolent » s'est mi® en travers du fa-
meux monopole ou « collectivisme de
l'enseignement «, selon Jaurès : cela au
nom de la liberté. Mon jacobinisme
exaspéré n'admot pas que le même Jau-
rès orée un monopole cultuel au profit
d'une certaine société spécialement fa-
vorisée du pape, parce que c'est la né-
gation de la liberté. On voit que mon
«jacobinisme» et mon «libéralisme»ne
sont pas sans avoir des traite de res-
semblance. Pour ce qui est de demen-
trer qu'il y a monopole papalin dans
le Concordat unilatéral de Jaurès, aussi
bien que dans le Concordat bilatéral de
Napoléon et de Pic VII, avec l'adjonc-
tion des articles organiques unilaté-
raux, je n'aurai besoin dos '« reflets
fulgurante » d'aucun « sarcasme » pour
accomplir cette oeuvre, à laquelle un
simple collégien suffirait. O'n voit donc
que tout en étant plongé dans le plus
noir marasme à la suite de® répri-
mandes quo je viens d'encourir, il me
demeure quelque vague chance de me
tirer '(l'affaire. Seulement, cela n'est
possible que si tle gouvernement con-
voqué les Chambres à temps pour que
le Sénat, puisse achever sa délibération
avant janvier. Je compte sur le con-
coure de Jaurès pour que cette faveur
â lui est un droit â nous soit accor-
dée. |
G. CLEMENCEAU.
Echos
Record Battu.
On ne connaît ordinairement de Byron que
ses vers et sa vie généreuse. On ignore en
général que ce fut aussi un nageur d'élite.
Mais, à Venise, on ne l'a pas oublié. Et tous
les nageurs du monde ont été conviés en cette
ville d'eau pour le 27 août, afin de renouve-
ler, s'ils 'le pouvaient, le tour de force de 'lord
Byron, qui parcourut à la nage tout le
grand-canal et le bassin de Saint-Marc jus-
qu'au Lido, soit sept kilomètres.
Un nageur italien de première force, le
professeur Zennero, vïent de devancer l'heure
de ce grand concours international. 11 s'est
jeté à Feau vendredi dans le Grand-Canal et,
sous la surveillance de deux gondoles, a
nagé jusqu'au Lido. Il a effectué le parcours
en deux heures dix minutes, battant de vingt
minutes le record du poète anglais, qui l'avait
fait en deux heures et trente minutes.
N'empêche que d'avoir conservé ce record
pendant près d'un sièdie, c'est un fameux
titre de gloire.
* ww
Un * Guérisseur » Célèbre.
Vous connaissez au moins de nom ces re-
bouteux et autres vagues guérisseurs que l'on
poursuit parfois activement pour exercice il-
légal de la médecine. L'un d'eux vient de
mourir, après s'être acquis une gloire inter-
nationale. C'est le « guérisseur n lyonnais
Philippe â de son vrai nom Philippe Lan-
dard.
Ce singulier thaumaturge se qualifiait mo-
destement de chimiste depuis qu'il avait eu
des difficultés avec la justice qui l'accusait
de pratiquer sans titres la médecine.
C'était un ancien garçon boucher qui pré-
tendait s'être senti aippelé par des voix se-
crètes à pratiquer des guérisons par l'hypno-
tisme. IÎ opérait dans un petit salon de la
rue de la Tête-d'Or, à Lyon. Ses clients
s'alignaient dam l'ordre de" leur arrivée. Phi-
lippe s'arrêtait devant chacun d'eux, le tou-
chait au front et le déclarait guéri.
Telle était sa réputation que le tsar Ni-
colas II, fort superstitieux comme on sait,
l'envoya consulter à Lyon pour essayer de
connaître ù l'avance le sexe de son héritier.
Ses révélations enthousîamèrent tellement
le souverain qu'il fit peu après cadeau à Phi-
lippe d'une merveilleuse automobile ornée
de garnitures en métal précieux. Mais ce
rutilant présent provoquait dans les rues de
Lyon de tels attroupements que la munici-
palité pria Philïppe d'éteindre un 'peu los
tons de son véhicule.
Depuis ce temps, sa notoriété était consa-
crée et il avait des droits.acquis à une nécro-
logie dans toutes les gazettes soucieuses d!ac-
tualité.
w%
Bigame la mort dans l'àme.
C'est un curieux et déconcertant problème
de psychologie féminine que celui dont
vient d'avoir à connaitre un juge de la Goun-
ty Court, à Brooklyn. Mistress Mary Franz,
âgée de dix-huit ans, lui a avoué d'un ton
simple et sans embarras qu'elle était bigame.
Voici les faits ; îe jê jnvier dernier, cette
jeune fille épousait G. Franz, de Glendat,
dans le Long Island. Le ménage vécut dans
cette petite ville jusqu'au.$ avril- epoque
où Mme Franz disparut. Son mari la fît val- 1
nement rechercher à Brooklyn et à New-
York. Il désespérait de la revoir, lorsqu'il
y a quelques semaines, Franz rencontra, par
hasard, sa femme à Coney ïsland.
Sans se troubler, Mme Franz apprit à son
ex-mari qu'elle s'était mariée avec M. J.Granit,
demeurant dans lia 53* rue, à Brooklyn.
Une discussion animée s'ensuivit avec son
premier mari. Soudain l'épouse infidèle réus-
sit à se perdre dans ia foule et disparut de
nouveau.
M. Franz, furieux du sans-gene de sa
femme, alla conter son histoire au procureur
du district qui fit arrêter Mme Franz, deve-
nue Mme Grant.
Mais ce n'est pals tout d'agir. Il fallait sta-
tuer et le juge n'en trouva point la force,
tant l'estomaquèrent et le désarmèrent les
déclarations de la jeune bigame :
« Il est absolument vrai que j'ai deux jma-
ris, dit-elle, mais je n'ai pu m'empêcher de
les épouser tous les deux. Celui que j'aimais
le plus était Grant, mais Franz avait telle-
ment d'influence sur moi que je n'ai pu lui
dire non lorsqu'il m'a demandée en ma-
riage. J'ai été très ennuyée quand je me suis
aperçue que j'aimais mieux Grant que Franz.
Grant -ne savait pas que j'étais déjà mariée
et lorsqu'il m'a demandée à son tour de l'é-
pouser, j'y ai consenti, s
Le juge, fort embarrassé, remit son juge-
ment à huitaine, pour examiner à loisir ce
cas intéressant. Salomon lui-même eût-il pu
mieux faire ?
Le Châtiment Exemplaire
II ©si bi«n entendu, n'est-ce pas 7 que ta
peine do mort n'a rien de commun avec
un geste misérable vengeance. Nous ne
sommes plus aux temps obscurs où fa loi
du talion dominait la conscience humaine.
La peine de mort a une haute va-leur
d exemple ; elle doit inspirer au public qui
on est spectateur des réflexions de moralité
supérieure et aussi des sentiments de sa-
lutaire prudence. C'est la seule excuse qui
permette de justifier l'acte par lequel la so-
ciété, impuissante à créer la vie, se con-
fère lo droit de la retirer, fût-ce à un assas-
sin.
On a tout, dit, semble-t-il, sur la vanité
de cette spéculation m orale, où tous ont
tout à perdre ên réalité : victimes, exécu-
teurs ot spectateurs. On a évoqué les nuits
d'orgie, en attendant que le jour éclaire la
lugubre scène, la curiosité sanguinaire,
l'ivresse rouge de oeux que co coup d'oeil
fascine. Une illustration d'expérience man-
quait à ces considérations, La double exé-
cution de Dunkerque vient de nous la four-
nir éclatante. Savourez ces simples extraits
d'un témoin, envoyé spécial de notre con-
frère le Matin :
Voici d'abord l'attente allegre de la jour-
née funèbre :
Jusqu'au dernier moment ]es condamnés cru-
rent à, leur grâce. Il n'en était pas de même
parmi la population dunkerquoise, chez laquelle
ce crime avait produit îa plus violente émotion.
Depuis huit jours, chaque -nuit, de bruyantes et
tumultueuses manifestations se produisaient
aux alentours de la prison. Et, d'après ce que
me dit hier un des chefs du service de la Sû-
reté de Dunkerque, la police de cette ville m-,
doutait des troubles graves si la décision pré-
sidentielle n'était, pas intervenue pour ordonner
l'expiation suprême.
Bref, la foule brutale réclame sa proie.
C est le cri renouvelé de la Rome dégéné-
rée : Panèm et circenses ! Les jeux du cir-
que, n'étaient-ce pas les exécutions capi-
tales d'autrefois ?
Puis, ce sont les propriétaires louant
leurs fenêtres, rendus cyniques par l'espoir
d'une bonne affaire :
Depuis huit jours; dans l'expectative de l'exé-
cution prochaine, de larges pancartes, avec ces
mots : Fenetres tt louer, couvraient les murs
des immeubles ouvriers faisant face & )a pri-
son, Les curieux n'avaient pas manqué. Et rapi-
dement, grâce a cette location, les habitants des
immeubles avaient réalisé d'appréciables béné-
fices. Depuis huit jours, chaque nuit, jusqu'il
une heure avancée, une foule grouillante et
bruyante, massée à ces fenêtres, attendait avec
impatience !e macabre spectacle,
Depuis trois ou quatre jours, ne voyant rîen
venir, ceux qui, moyennant des sommes fort
rondelettes, y avaient retenu leurs places, se de-
mandaient avec inquiétude s'ils n'allaient pas
ôtrç floués et si l'exécution aurait bien lieu en
cet endroit.
Chacun en veut pour son argent, n'est-il
pas vrai ?
Poursuivons. Voici le tableau de toute
cette « foule en goguette », comme il est
dit dans la chanson de Bruant.
Mais, cette lois, il n'y a plus de doute {Quel
soulagement /). Le fourgon vient de s'arrêter
a la porte do la prison. Déjà, les aides se sai-
sissent des montants de la machine et lés dis-
posent sur le sol, fi quinze mètres il peine des
maisons dont les fenêtres ont fait prime- 11 y a
là, A ces fenêtres, des hommes, des femmes, des
enfante, ctes [Mettes, des bébés même, ait bras
de leurs mères.
Tout le monde est satisfait. On ne perdra pas
une bouchée du spectacle.
Aussi, de toutes paris, des cris éclatent :
« Bravo i bravo 1 vive Deibler 1 vive Dei-
bler 1»
d Vive le bourreau 1 » Gri sublime de la
férocité, encourageant une oeuvre de « jus-
tice » i
Tous ces gens d'ailleurs ne s'ennuient
pas :
Par les fenêtres largement ouvertes passent
des chants, des rires et des bruits de joie. Ici,
des guitares soutiennent quelques sérénades
d'Espagne ; là;, un piano égrène une valse, ci
l'on aperçoit des. couples qui tournoient. Ail-
leurs, autour des tables servies, dés gens îes-
toient, tandis que, debout sur Une chaise; une'
serviette autour de la tête, une femme chante
une pleurarde et sentimentale romance. f
Enfin l'heure de : la fête est a rivée. Les.
condamnés paraissent. C'est d'abord la tétq
do Van den Bogaert qui tombe. Dans Ja
foule des bravos éclatent I Puis c'est le
tour de Zwartwaeger : nouveaux bravos !
Deibler est comme Facteur bissé qui re-
vient sur la scène, tandis que la galerie ne
se. tient plus d'enthousiasme. Les généreux
applaudissements que voilà 1 Et savez-vous
qui en a donné le signal ? C'est le mari de
la victime, « au premier rang des privilé-
giés ». Lui que je 11e sais quelle pudeur de
deuil a tirait dû ce jour-là confiner à domi-
cile, volets clos, et loin de ces cris barba-
re?, il tient a donner à cette scène la si-
gnification d'une oeuvre de vengeance. Il
n'y a plus à s'y tromper : ce n'est pas la
justice, mais bien la loi du talion qui est
satisfaite.
Et, pour oue par toute la France îc même
sentiment de curiosité malsaine soit plei-
nement satisfait, un journal du matin, fai-
sant poser lés morts, reproduit lù photo-
graphie des têtes tranchées, placées sur
le chariot .où, il & soin de nous apprendre t
qu'on les a spécialement disposées & son
usage. On voix de ces choses chéz les peu-
plades africaines, où l'on empale les têtes
dos vaincus aux grilles des chefs victo-
rieux. -
Voilà tout l'édifiant enseignement que
Ton peut retirer d'une exécution capitale
au début du vingtième siècle. C'est ainsi
que l'humanité se fait justice en grande
pompe, alors que le soleil se lève pour ré-
pandre sur la terre un peu de vivifiante
clarté-
François Albert.
LE KRACH DES SUCRES
LES COMPTES DE M. JALuzot
La situation à ia Bourse de commerce
Les négociations de L'administrateur
M. Jaluzot parle encore
L'écoulement
La chambre syndicale des fabricants de
sucre de France avait exprimé le voeu,
dans une rêunioon qu'elle a tenue, que le
président du syndicat, M. Viéville, Ht de
pressantes démarches pour obtenir de la
Banque de France que 'es plus grandes fa-
cilités soient accordées à la sucrerie pour
le warrantement de§ sucres, afin de per-
mettre aux industriels d'espacer leurs ven-
tes.
M, Vièville, d'un côté, M. Lacaussadc,
président 4® la chambre syndicale du com-
; merce des sucres, de l'autre, sè sont ren-
dus auprès du directeur de la Banque de
Fronce, qui, après l'exposé de ia situation
et jle l'intérêt national qui se trouve en
jeu7 a promis de faire tous ses efforts pour
donner satisfaction au désir exprimé par
l'industrie et le commerce des sucres.
On peut donc considérer qu'à la Bourse
du Commerce la crise des sucres est vir-
tuellement terminée.
Ceci veut dire que les commerçants, spé-
culateurs ou autres, qui, comptant sur la
grande réputation de fortune de M. Jalu-
zoti s'étaient prêtés aux jeux compliqués
de ses combinaisons, se tireront sans trop
de mal du mauvais pas où les avait attirés
l'espoir de récolter un jour un assez joli
gain pour leur part. Mais il restera, après
deg arrangements, qui ont heureusement
diminué l'étendue du désastre, à prévenir
dans la mesure du possible' le retour (le !
crises semblables. Il importera en particu-
lier de ne point laisser aux fauteurs de
tout le désordre l'illusion qu'ils pourront
continuer comme par le passé leurs scan-
daleuses spéculations, leurs accaparements
monstrueux, ni la certitude qu'au jour d'un
mauvais coup du sort, couverts par la
gravité même du désastre qui causerait
leur chute, ils bénéficieront de la complai-
sance du gouvernement et de la bienveil-
lance des commerçants liés à eux par la
solidarité du marché. Ce n'est pas évidem-
ment à la Bourse du Commerce, où l'on
n'avait à s'occuper que des moyens de pa
rér aux conséquences financières de 'a
crise, que ce côté de la question devait
être examiné. À agir, du reste, dans ce
sens," on y manifesterait, je pense, quel-
que répugnance. C'est en d'autres lieux
que des décisions nécessaires doivent être
prises à cet égard. Et, sans doute, beau-
coup de personnes, bien qu'on paraisse en
bonne voie de sauvegarder les intérêts par-
ticuliers, nè voudront consentir à oublier
ie krach des sucres que lorsqu'on aura
aussi donné satisfaction à l'intérêt général
en exerçant l'action publique contre tou3
les spéculateurs,, accapareurs et sous-acca-
pareurs.
Le Printemps et M. Jaluzot
D'après les renseignements lentement
réunis sur cette affaire compliquée, 011
peut aujourd'hui se rendre à peu près exac-
tement compte de la situation de M. Jalu-
zot et de celle de la société dont il a si
habilement, confondu l'actif avec sa for-
tune personnelle pour le succès â momen-
tané â de ses spéculations.
Le passif de M, Jaluzot envers le Prin-
temps n'est pas inférieur à 13 millions 1/2,
et il n'est pas certain que le Printemps ait
une créance privilégiée h rencontre des
créanciers de la Bourse de Commerce.
Quant au passif de M- Jaluzot sur le mar-
ché du sucre, on l'évalue à une dizaine de
millions ; c'est donc un total de £4 millions
environ que M. Jaluzot doit rembourser,
soit en totalité, soit au marc le franc.
Le Printemps a, pour le compte de ses
actionnaires, un actif de 24 millions, mais
il a un passif de 20 millions, qui se dé-
compose ainsi :
Rayon d'épargne, solde à rembourser,
1.500.000 fr. ; comptes courants, 5.500.000
francs ; sommes remboursables à vue,
7.000.000 ; bons de caisse à échéance,
7.000.000.
Les employés du Printemps
Nous disions hiér que les employés du
Printemps étaient déposants à la caisse du
Rayon d'épargne et qu'ils ont, par consé-
quent, à souffrir eux-mêmes de la suspen-
sion'des remboursements. Mais leur situa-
lion est plus fâcheuse encore, et l'habileté
de M. Jaluzot à se préoccuper par tous les
moyens des capitaux pour ses affaires per-
sonnelles les a réduits à cette condition sin-
gulière qu'ils sont à la fois leurs propres
créanciers et leurs propres débiteurs. Lo
règlement de la maison les obligeait, en
effet, à acquérir' des actions du Printemps
sur leurs économies, ils doivent donc en
qualité d'actionnaires ce qu'ils peuvent ré-
clamer à la Société du Printemps en qua-
lité de déposants.
Voici par quel étrange procédé de con-
trainte le sièur Jaluzot ramenait dans ses
coffres une partie de l'argent qu'il payait
à ses employés. Dès qu'un employé était
depuis six mois dans la « maison », 011
lui retenait, en vue de l'achat d'une action
de la Société, un dixième de son salaire.
Lorsque les versements de l'employê avaient
atteint 40 ou 50 francs, on achetait pour
lui et on ⢠lui retenait ensuite les intérêts
dq l'argent avancé jusqu'à complet rem-
boursement. La Société une fois rentrée
dans ses débours, on recommençait pour
une nouvelle action et ainsi indéfiniment
l'employé fournissait à ia caisse d'où M.
Jaluzot s'.était empressé de rafler, dans le
but que l'on sait, les premiers versements.
Encore une interview
; Cette facilité avec laquelle M. Jaluzot
puisait à tout propos, dans les caisses qui
ni étaient confiées, les sommes dont il
avait besoin pour des spéculations hasar-
deuses apparaît d'une façon frappante dans
l'interview qu'il a donnée hier à un rédac-
teur du Temps. M. Jaluzot avoue avec in-
génuité la fréquence de ses appela à la
caisse des magasins du Printemps. U pa-
rait n'en éprouver aucune gène. Il se dit à
l'abri de toute critique, parce qu'il aurait,
en empruntant, rempli toutes lei formalités
aue t'op eût exige d'un tiers* % ne paraît
pas s'apercevoir que quelques détails, qui
ont bien leur importance, comme sa qualité
de directeur-gérant des magasins du Prin-
temps empêchaient précisément que sa si-
tuation fût comparable à celle d'un tiers.
Eh 1 sans doute, ses opérations ont pu
être régulières. Il était bien trop avisé pour
risquer d'éveiller la méfiance par des appa-
rences douteuses. Mais il n en était pas
moins vrai que c'était trahir la confiance
de ses actionnaires que d'utiliser l'influence
prépondérante qu'il avait dans l'adminis-
tration de la Société pour détourner leurs
capitaux vers des affaires dont te prestige
de son expérience dissimulait les dangers
et sur lesquelles il n'offrait aucun contrôle.
Comme le rédacteur du Temps l'interro-
geait sur les emprunts qu'il avait faits pour
ses opérations de la Bourse de commerce
à la caisse de Sa Société, M. Jaluzot répon-
dit : *
ft est inscrit explicitement dans les statuts
de la société du Printemps, que des avances
pourront être consenties sur les titres cotés à la
Bourse de Paris,
M'importe qui peut bénéficier de celte clause ;
et en fait, le Printemps a. consenti h de nom-
breux prêts sur titres. Eï moi, le directeur de
la société, j'aurais été précisément le seul à qui
ce bénéfice fût refusé I La société aurait pu prê-
ter, sur titres colés, à tous les clients, à tous les
employés du Printemps, et n'aurait pu le faire
à moi seul, Jaluzot 1
Non, j'avais ie droit, comme tout le monda,
de demander au Printemps des prêts sur ti-
tres ; et j'ai profité de ce droit, voila tout, Je
veux simplement vous prouver que tous mes
emprunts étaient garantis, et pour une .valeur
bien supérieure 4 leur total.
Je possédais⢠24,700 actions du Printemps.
2,000 actions ont été déposées par moi comme i
garantie statutaire de gérance ; ne noua occu-
pons pas d'elles,
20,000 actions ont été remises ft la société, i
en garantie d'avances à moi consenties, en dé-
pôt régulier, avec nantissement régulier. Ces
avances m'ont été faites il y a quelques années
déjà.
Le complément, soit 2,700 actions, est égale'
ment dans les caisses du Printemps, comme ga-
rantie d'avances ultérieures.
Eh bien, le Printemps m'a avancé, en tout, â
je ne peux vous donner qu'un chiffre approxima-
tif, â au plus 14 millions.
â Au dernier cours de la Bourse (à 500 francs
chacune), les 24,700 actions déposées par moi
dans la caisse du Printemps représentent déjà
ù elles seules une somme de Î2 millions et
demi. Or, il faut ajouter, comme au Ire garantie
des avances à moi faites : l' des warrants fran-
çais représenté^ par 240,000 sacs do sucre ;
2* 300,000 francs environt gagés par des war-
rants étrangers ; 3" diverses valeurs de Bourse
qui m'appartiennent, et dont une partie est réa»
lisee journellement depuis une quinzaine de
jours, de manière k créer des fonds disponibles.
Faites le total de toutes ces garanties, et vous !
verrez que les 14 millions que m'a avancés la
société du Printemps ne risquaient rien.
Et je le répète, elle avait 5e droit de me les
avancer, j'avais le droit de les ïai demander :
les statuts sont formels. , ,
Mais les fonds versés par les déposants
du u rayon d'épargne » servaient-ils aux
prêts que consentaient la Société du Prin-
temps ?
Naturellement, répond M. Jaluzot. Tous les
fonds provenant des cinquante comptoirs de la
société, des dépôts en comptes couraants, des
dépôts du * rayon d'épargne » sont versés dans
le même coffre ; et remarquez, d'ailleurs, que
puisque la société sert un interet pour les dépôts
du « rayon d'épargne », elle ne peut les laisser
dans son coffre, immobiles, improductifs. C'est
pour les rendre productifs qu'elle prête sur ti-
tres. Il n'y a rien là qui nè soit naturel.
On s'est étonné que M. Jules Jaluzot, avec
ses propriétés et son crédit, se soit laissé
acculer à la situation où on le voit, par l'im-
possibilité de payer, le 31 juillet, la sommé,
pour lui relativement peu importante, d'un
million et demi.
Il n'y a là rien d'étonnant, dit-il tristement.
J'aurais pu l'avoir, ce million et demi, et sur
l'heure : je n'avais qu'a 10 demander, en
avancé, i la société du Printemps. Nous avions
bien plus que cette somme dans noire caisse,
puisque nous avons remboursé le lendemain et
» surlendemain deux millions et demi en qua-
rante-huit heures. Mais â et la voix de notre
interlocuteur s'assourdit epeore'â cette fois je
n'aurais pu, en conscience, fournir une garantie
suffisante : }e n'ai rien demandé.
Eh ! quoi, M, Jaluzot n'avait donc pas
d'autres sommes à sa disposition que oel- j
les que contenaient la caisse du Prin-
temps? Voudra-Mi, après cet aveu, se:
donner encore comme un tiers quelconque
qui eût demandé à la Société du Printemps
ae lui consentir les prêts autorisés par ses
statuts? Un tiers eût été singulièrement i
imprudent qui n'eût pas constitué de ca-
pital pour faire face à ses affaires person-
nelles et qui, pour se sortir d'embarras en
cas d'accident, n'eût compté que sur l'iné-
puisable bonne volonté au même prêteur.
Pour qu'il ait fait un pareil calcul, il faut
Sue M. Jaluzot ait eu une singulière con-
ance dans les bonnes dispositions de la
Société à laquelle il se proposait de recou-
rir ainsi sans limites. La vérité est qu'il
était et qu'il se savait le maître de la
caisse du Printemps. La vérité est qu'il
n'avait fondé le Rayon d'épargne que pour ;
y attirer, sur la garantie des magasins, af- ;
faire de façade, des capitaux qu'il utilise-
rait ensuite au service de combinaisons ;
louches et mystérieuses. E11 confondant
ainsi secrètement les affaires publiquement
distinctes du spéculateur, du banquier et
du gérant des magasins du Printemps, M.
Jaluzot a jeté à dessein la confusion dans !
l'esprit de sa clientèle et indignement
abusé de la bonne foi des déposants, qui
n'entendaient pas subvenir aux besoins de
ses manoeuvres d'accaparements, des ac-
tionnaires qui ne croyaient pas exposer le
sort d'une affaire sûre et prospère aux ha-
sards de la spéculation.
A. S.
Les Rapports Anglo-allemands
La rencontre d'Edouard Vît et de Guillau-
me II â Déclaration de l'ambassade
d'Allemagne â Pour assurer
la paix du monde
⢠Berlin, 6 août.
Dans les milieux politiques on considère
la rencontre de Guillaume II ot d'E-
douard VII comme probable, bien qu'il n'y
ait encore aucune information officielle à
co sujet. Le correspondant parisien du Lo-
kal-Anzeiger dit avoir recueilli à l'ambas-
sade d'Angleterre à Paris la déclaration
suivante :
Vous pouvez annoncer que des raisons poli-
tiques et non personnelles sont la cause du re-
tard de trois jours apporté au voyage du rot
d'Angleterre à Marienbad, où son arrivée avait
d'abord été arrangée pour le 11 août. Lo roi no
Veut pas partir en voyage avant d'avoir vu
clair dans la question du trône de Norvège et
avoir reçu des informations sur le début de la
conférence de paix à Porismouth. Selon toutes
probabilités les prochains dix jours apporteront
des nouvelles importantes non pas peut-être
pour le grand publie, mais certainement pour les
milieux dirigeants. Sous l'impression dé ces nou-
velles," qui vraisemblablement réjouiront les
J amis de la paix dans les deux hémisphères,
è l'entrevue du roj et de l'empereur pourra être
. considérée comme très importante, tandis que
cette entrevue perdrait de sa valeur si elle sur-
venait avant ces- nouvelles,- Pendant dW
* jours surviendra peut-etre aussi l'accord de*
-[ puissances sur !o programme de la conférence
r marocaine, de telle sorte qu'on pourrait alors
* s'attendre non seulement, è une conversation po-
3 liment amicale, mais même franchement cordiale
ï entre les deux monarques.
Le correspondant du Lokal-Anzeiger. fait
- néanmoins remarquer que la confirmai ion
* directe de l'entrevue n'était pas encore nr-
' rivée à l'ambassade d'Angleterre ù Paris,
* où. Ton venait de lui' faire ces déclarations.
Le Fremdênblatt reçoit de Berlin la dé»
' pêche suivante :
;; L'accueil sympathique qua trouvé en AHe-
' magne le projet dune entrevue entre l'empe-
reur Guillaume et le roi Edouard, a produit iclr
une vive satisfaction.
î On monde également de Berlin à la Zett :
1,1 , La. nouvelle de la. rencontre de l'empereur
d'Allemagne av«û le roi d'Angleterre à. l'occasion
. du voyage de ce dernier à Maricnbad n'est pas
; encore confirmée^ mais on y croit généralement
1 à Berlin, et cette nouvelle est accueillie d'une
j façon sympathique. La rencontre fera disparaî-
tre les bruits malveillants propagés au sujet
d'une tension anglo-allemande. On sait que ie
, roi d'Angleterre, qui a visité toutes les grandes
capitales européennes depuis son avènement,
n'est pas encore venu à Berlin, et. qu'il s'est con-
testé de voir l'empereur ^'Allemagne & KJeL
1 ⢠,. Prague, 6 aoitt.
LAbéndblatt, journal demi-offieieux de
Prague, annonce que d'après les avis pnr-
venus à Matlesbad le roi Edouard d'Angle*
, terre arrivera le 14 d«n& l'après-midi en
cette ville,
| Primitivement l'arrivée du souverain aii-
j glni-a avait été fixée au 11, mais il est pro-
bable, ajoute YAbendblau, qu'elle a été re-
tardée de trois jours pal* suite de l'entrevue
projetée du roi avec l'empereur Guillaume.
DEVANT LA STATUE
D'ETIENNE DOLET
LE CORTEGE DE LA LIBRE PENSEE
De la place de l'Hôtel-de-Ville à la plaça
Maubert Le défilé â La Fédéra-
tion de Bretagne et le drapeau
rouge .âr La police fait du
zèle â Les meetings
Quelques-uns des groupes anticléricaux
de Paris étaient déjà venus dans la ma-
tinée manifester autour du monument
d'Etienne Dôlet." Mais c'est dans l'après-
midi, selon l'usage, que le gros du cortège
a défilé place Maubert,
Le rendez-vous avait été. pris sur la place
de PHôtel-d^-vnre, où, dès une heure, les
groupements commencent à se former.
M. Lépine a organisé, pour n'en pas p«r.
dre l'habitude, un de Ces services d'ordre
tellement exagérés qu'avec la meilleure vo-
lonté du monde de 'a part des manifes-
tants', il est cependant presque impossible
d'éviter les bousculades. M. Lépine eut i';é
mieux inspiré de laisser la rue libre, où Je
cortège eut pu s'écou'cr sans obstacle.
D'autant plus que beaucoup moins de îi»
bres-penseura que les années précédente*
s'étaient déplacés à l'appel de leurs co-
mités. La i:ampa£ne a trop de charme,,
par les* belles journées du dimanche. JCt
sans doute aussi, convient-il de ne pas ou-
blier que certains froissements rclenlis-
sants survenus entre les chefs de fife de la
libre pensée, entre MM. Charbonnol et Bé-
renger, pour ne pas les nommer, expli-
quent bien des abstentions.
Vers doux heures, les premières déléga-
tions se mettent en marche, pendent q->e
les groupes de banlieue viennent prendre
la file.
L'aspect de la p&cc de l'Hôtel-de-Vil ko «st
des plus curkiiix ; las manifestants >oiU
massés au centre, derrière les ceriteoux
norta.nl le noin de-' tours groupes ; tous ar-
borent soit les cocardes rouges des Asso-
ciations de Jibr*«-pen»eu
mots : m À baJ? les calottes I ..
I>es vendeurs circulent dans les groupe
offrant dos insignes, des égkntines, des pu-
bhcaUons révolutiowiaires. Les agents Ar-
ment, de chaque côté de Fa chaussée, u u>
haie que les= manifestants ne doivent pns
franchir ; cette haie se prolonge sur le bou-
levard Saiul-Germain jusqu'à la hauteur de
Ja rue Saint-Jacques, où aura lieu la di.-Oo-
ootion du cortè^;.
M. Lépine mareJie en tête de la mamfes-
Vvrf °-PPUiremmont qu'elle ne s'é-
gare. Elle est oopendtint bien canalisée en.
ire les deux haies d'agents.
L'itinéraire est court, par le quoi d-n Ces-
vres, le marché aux fleurs, le pont Notre-
Dame, la rue Lagraivce-
Ouapd la tête du cortège an'ive devant
la statue, des eris : « A bus 1a calotte L â >
sont poussés par les niantfestante ; Ja cou-
ronne est placée au pied de la statue sa 13
que le cortège ait mienti sa marche.
Le préfet de police a donné l'ordra de m
tolérer aucun diant ni iujcun cri, oemui-
dan t les ehants sont continus et les cris fré-
quents.
CCvSt ^Internationale qui forme Ja parlic
principale, entrecoupée de variations : .« A
1 * â c?,0i4e ! Viv'« 'a République soéialc h»
Mais la foule passe, et la police se lient
tranquille. Cest une démonstration «aire et
pacifique, et rangée.
Pourvu que ça dure.
Une bagarre
Mais ça ne devait pas durer, m I/m
ne saurait tolérer que des manifestants
aient leur journée, s'il n'avait 1« sienne
Les chants et les cris d'une foule, impu s-
5S? ù réprimer- 0om njfH dâns tous se«
états. Il lui faut quelques victimes à bri-
mer. . â .
Juslomerit voici ijut ia Fédération An D\e-
huj ne nasse a,wc. un drarfeau muiic. il
seuibiait que depuis que iea drapeaux rou-
ges dénièrent jadis pfuce do la Nutiun,
vaut M. J.nutei. il semblait bien min
preuve Clait faite que l'exhibition de n
emblèmes ne mettait pae. la patrie en don.
ger. M. Lapine n'a pu s'y faire, cependant.
Le groupe de la FSdéralioi de Urclagi e
s est arrêté devant la statue. On entend
ci-ier : « Vive ia Révolution ! » et lô porkur
du drapeau rouge l'agite en trois sens, coni-
me pour créer sous le soleil alors ai-dent un
peu de brise révolutionnaire.
La police, tuguiîlonnéo par les ordres
d'en haut, s'agite. Le cortège pusse comme
lc« autres, et s'engage 4 iravei-ser le boule-
vard Seunt-Oermâia, maia la drapeau roj a
flotte toujours.
A l'angle du boulevard Saint-jGenmain el
de la rue des Anglais, lea manilestant» ta
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