Titre : Floréal : l'hebdomadaire illustré du monde du travail / directeur Paul-Boncour ; éditeur-fondateur Aristide Quillet
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1920-12-04
Contributeur : Quillet, Aristide (1880-1955). Éditeur scientifique
Contributeur : Jean-Lorris (1879-1932). Éditeur scientifique
Contributeur : Paul-Boncour, Joseph (1873-1972). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32776014f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 décembre 1920 04 décembre 1920
Description : 1920/12/04 (N44,T2). 1920/12/04 (N44,T2).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62811380
Source : CODHOS / OURS, 2012-81221
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
LE SENS DES ÉLECTIONS AMÉRICAINES
LE TRIOMPHE RÉPUBLICAIN
L'irrésistible mouvement d'opinion qui se dessi-
nait aux Etats-Unis contre les idées et la politique de
M. Wilson a abouti, le 2 novembre, à l'écrasement du
candidat démocrate Cox et à la victoire du candidat
du parti républicain, le sénateur Harding.
Cette victoire est énorme : la majorité républicaine
obtenue sur les démocrates et les socialistes réunis
est de plus de six millions de voix. La vague répu-
blicaine a submergé jusqu'aux Etats du Sud, citadelle
des démocrates. Au Sénat, les républicains auront
56 voix et les démocrates 40. Quant à la Chambre des
représentants, sur 435 députés, elle comprendra
293 républicains, 138 démocrates, 1 socialiste, et 3 dé-
putés d'autres partis.
C'est dire que le parti démocrate, qui était au pou-
voir avec M. Wilson depuis 1912, sort de la grande
épreuve complètement battu.
LA CANDIDATURE DE DEBS
Les lecteurs de Floréal s'étonneront peut-être que
mes premières paroles, au début de cet article, n'aient
pas été pour l'admirable Debs, une des plus belles
incarnations du socialisme contemporain, le seul can-
didat qui ait représenté aux élections présidentielles
une idée, et non des affaires. C'est que le véritable duel
était entre deux partis capitalistes puissants, entre les
agents d'affaires de ces deux partis, Cox et Harding,
et non entre le capitalisme et le socialisme. Le pri-
sonnier d'Atlanta n'a pu recueillir que deux à trois
millions de voix ; et c'est là un fort beau succès par
rapport aux élections antérieures. Il ne faut pas oublier
que le socialisme n'a pas encore de racines profondes
en Amérique, que dans ce pays neuf et riche où de
nombreuses nationalités se trouvent mêlées, il s'agit
beaucoup moins de lutte de classes, au sens marxiste
du mot, que de lutte de races, ou encore de compétitions
individuelles entre de fortes personnalités qui, dans le
struggle lor lile, parcourent tous les degrés de l'échelle
sociale et deviennent des rois de l'industrie ou de grands
administrateurs de l'Etat. Il importe aussi de rap-
peler que les 80 environ du prolétariat ne sont
pas organisés, et que Y American Fédération of Labour,
dirigée par Gompers, est une pure aristocratie syndi-
cale qui a si peu l'esprit socialiste qu'elle n'a pas com-
battu pour- Debs, mais patronné le candidat du parti
démocrate.
LE VOTE DES FEMMES
Cette année, il y avait aux élections une grosse
inconnue : pour la première fois, sur 29 millions d'élec-
teurs, 9 millions de femmes votaient. On aurait pu
croire que de nombreuses voix féminines se porteraient
sur le nom d'Eugène Debs, le candidat du parti qui
avait depuis longtemps lutté pour le suffrage des
femmes contre l'hostilité des démocrates et des répu-
blicains. Debs leur avait adressé un vibrant appel. Il
leur rappelait que le premier congrès féministe amé-
ricain s'était tenu à Seneca Falls, en 1848, et que
depuis 72 ans les partis démocrate et républicain qui
avaient pris alternativement le pouvoir avaient tou-
jours refusé aux citoyennes d'Amérique le droit de
vote :
« Allez-vous maintenant, leur disait-il, justifier et
approuver la dégradation qu'ils vous ont imposée ?
Les deux partis démocrate et républicain sont les deux
agences des profiteurs de Wall Street qui pillent la
nation et soumettent le peuple à l'esclavage industriel.
Le parti socialiste est pour la classe ouvrière, pour la
justice sociale basée sur la liberté industrielle. » L'appel
de Debs paraît avoir eu peu d'écho, car le vote des
femmes a été surtout favorable à M. Harding. Il faut
enfin, souligner que les socialistes, parti des pauvres,
ont des difficultés toutes particulières de propagande
aux Etats-Unis parce qu'une campagne électorale
pour la présidence est, avant tout, une campagne
d'argent, et qu'il faut dépenser des millions. Et si
M. Harding l'a emporté sur son concurrent Cox, ce
n'est pas seulement parce que le peuple américain
voulait se débarrasser de Wilson et du wilsonisme,
mais aussi parce que sa campagne avait été admirable-
ment organisée dès la première heure et régulièrement
financée, tandis que les démocrates n'avaient de bonnes
organisations locales que dans quelques Etats, et que
leurs fonds ont été vite épuisés. « L'organisation dé-
mocrate est plus pauvre qu'une souris d'église, gémis-
sait le New- York Times. Si le parti, démocrate peut
réunir assez d'argent pour envoyer une quantité suf-
fisante d'orateurs capables et bien informés sur la
Ligue des Nations, la campagne républicaine d'équi-
voques et de faussetés, déjà menacée, échouera.
Envoyez vos chèques à MM. Gérard, Marsh, etc., à
New-York. »
Mais les chèques n'affluèrent pas au Comité national
démocrate, et ce fut une des raisons de. l'échec de
M. Cox.
OUI EST M. HARDING ?
Le sénateur Harding est originaire de l'Ohio où il
est né en 1865. Journaliste, comme son rival, il est
depuis l'âge de dix-neuf ans le propriétaire du Star, un
quotidien qui paraît à Marion, petite ville de 40.000 ha-
bitants. M. Harding a commencé sa carrière politique
au Sénat de l'Ohio où il a représenté Marion de 1899
à 1903. En 1914, il est entré au Sénat des Etats-Unis.
Ce paisible citoyen de Marion, cet homme d'origine
modeste, est un simple rouage de la grande machine
républicaine. Il n'a ni originalité, ni initiative. Le parti
auquel il est immuablement fidèle, pense pour lui.
Je ne puis mieux faire pour le présenter aux lec-
teurs que de reproduire le portrait que traçait de lui,
le 29 septembre, la grande revue libérale américaine,
The New Republic. On verra quel triste personnage
le peuple américain a mis à la tête de sa République
à cette heure critique de son histoire :
« M. Harding, dit la New Republic, n'est pas seule-
ment un franc réactionnaire : c'est presque un parfait
exemple du type.
« Il croit dévotement et irrésistiblement aux prin-
cipes et -aux. pratiques qui ont prévalu dans la poli-
tique et les affaires américaines dans la période de la
suprématie républicaine de la fin de la Guerre Civile
à 1900 et il se propose d'y revenir autant que possible.
« Il a pris très au sérieux son travail de candidat ;
il a soigneusement médité quelques-uns de ses dis-
cours avec l'intention évidente d'en faire des contri-
butions intéressantes à leurs sujets. Malheureusement
c'est quand il est le plus réfléchi dans sa discussion des
questions publiques qu'il est le plus clairement et
désespérément réactionnaire.
« Pour si excellentes que soient ses intentions, son
esprit est incapable de se mouvoir hors de certains
sillons. Il est incapable même de concevoir les motifs
— 1021 —
LE TRIOMPHE RÉPUBLICAIN
L'irrésistible mouvement d'opinion qui se dessi-
nait aux Etats-Unis contre les idées et la politique de
M. Wilson a abouti, le 2 novembre, à l'écrasement du
candidat démocrate Cox et à la victoire du candidat
du parti républicain, le sénateur Harding.
Cette victoire est énorme : la majorité républicaine
obtenue sur les démocrates et les socialistes réunis
est de plus de six millions de voix. La vague répu-
blicaine a submergé jusqu'aux Etats du Sud, citadelle
des démocrates. Au Sénat, les républicains auront
56 voix et les démocrates 40. Quant à la Chambre des
représentants, sur 435 députés, elle comprendra
293 républicains, 138 démocrates, 1 socialiste, et 3 dé-
putés d'autres partis.
C'est dire que le parti démocrate, qui était au pou-
voir avec M. Wilson depuis 1912, sort de la grande
épreuve complètement battu.
LA CANDIDATURE DE DEBS
Les lecteurs de Floréal s'étonneront peut-être que
mes premières paroles, au début de cet article, n'aient
pas été pour l'admirable Debs, une des plus belles
incarnations du socialisme contemporain, le seul can-
didat qui ait représenté aux élections présidentielles
une idée, et non des affaires. C'est que le véritable duel
était entre deux partis capitalistes puissants, entre les
agents d'affaires de ces deux partis, Cox et Harding,
et non entre le capitalisme et le socialisme. Le pri-
sonnier d'Atlanta n'a pu recueillir que deux à trois
millions de voix ; et c'est là un fort beau succès par
rapport aux élections antérieures. Il ne faut pas oublier
que le socialisme n'a pas encore de racines profondes
en Amérique, que dans ce pays neuf et riche où de
nombreuses nationalités se trouvent mêlées, il s'agit
beaucoup moins de lutte de classes, au sens marxiste
du mot, que de lutte de races, ou encore de compétitions
individuelles entre de fortes personnalités qui, dans le
struggle lor lile, parcourent tous les degrés de l'échelle
sociale et deviennent des rois de l'industrie ou de grands
administrateurs de l'Etat. Il importe aussi de rap-
peler que les 80 environ du prolétariat ne sont
pas organisés, et que Y American Fédération of Labour,
dirigée par Gompers, est une pure aristocratie syndi-
cale qui a si peu l'esprit socialiste qu'elle n'a pas com-
battu pour- Debs, mais patronné le candidat du parti
démocrate.
LE VOTE DES FEMMES
Cette année, il y avait aux élections une grosse
inconnue : pour la première fois, sur 29 millions d'élec-
teurs, 9 millions de femmes votaient. On aurait pu
croire que de nombreuses voix féminines se porteraient
sur le nom d'Eugène Debs, le candidat du parti qui
avait depuis longtemps lutté pour le suffrage des
femmes contre l'hostilité des démocrates et des répu-
blicains. Debs leur avait adressé un vibrant appel. Il
leur rappelait que le premier congrès féministe amé-
ricain s'était tenu à Seneca Falls, en 1848, et que
depuis 72 ans les partis démocrate et républicain qui
avaient pris alternativement le pouvoir avaient tou-
jours refusé aux citoyennes d'Amérique le droit de
vote :
« Allez-vous maintenant, leur disait-il, justifier et
approuver la dégradation qu'ils vous ont imposée ?
Les deux partis démocrate et républicain sont les deux
agences des profiteurs de Wall Street qui pillent la
nation et soumettent le peuple à l'esclavage industriel.
Le parti socialiste est pour la classe ouvrière, pour la
justice sociale basée sur la liberté industrielle. » L'appel
de Debs paraît avoir eu peu d'écho, car le vote des
femmes a été surtout favorable à M. Harding. Il faut
enfin, souligner que les socialistes, parti des pauvres,
ont des difficultés toutes particulières de propagande
aux Etats-Unis parce qu'une campagne électorale
pour la présidence est, avant tout, une campagne
d'argent, et qu'il faut dépenser des millions. Et si
M. Harding l'a emporté sur son concurrent Cox, ce
n'est pas seulement parce que le peuple américain
voulait se débarrasser de Wilson et du wilsonisme,
mais aussi parce que sa campagne avait été admirable-
ment organisée dès la première heure et régulièrement
financée, tandis que les démocrates n'avaient de bonnes
organisations locales que dans quelques Etats, et que
leurs fonds ont été vite épuisés. « L'organisation dé-
mocrate est plus pauvre qu'une souris d'église, gémis-
sait le New- York Times. Si le parti, démocrate peut
réunir assez d'argent pour envoyer une quantité suf-
fisante d'orateurs capables et bien informés sur la
Ligue des Nations, la campagne républicaine d'équi-
voques et de faussetés, déjà menacée, échouera.
Envoyez vos chèques à MM. Gérard, Marsh, etc., à
New-York. »
Mais les chèques n'affluèrent pas au Comité national
démocrate, et ce fut une des raisons de. l'échec de
M. Cox.
OUI EST M. HARDING ?
Le sénateur Harding est originaire de l'Ohio où il
est né en 1865. Journaliste, comme son rival, il est
depuis l'âge de dix-neuf ans le propriétaire du Star, un
quotidien qui paraît à Marion, petite ville de 40.000 ha-
bitants. M. Harding a commencé sa carrière politique
au Sénat de l'Ohio où il a représenté Marion de 1899
à 1903. En 1914, il est entré au Sénat des Etats-Unis.
Ce paisible citoyen de Marion, cet homme d'origine
modeste, est un simple rouage de la grande machine
républicaine. Il n'a ni originalité, ni initiative. Le parti
auquel il est immuablement fidèle, pense pour lui.
Je ne puis mieux faire pour le présenter aux lec-
teurs que de reproduire le portrait que traçait de lui,
le 29 septembre, la grande revue libérale américaine,
The New Republic. On verra quel triste personnage
le peuple américain a mis à la tête de sa République
à cette heure critique de son histoire :
« M. Harding, dit la New Republic, n'est pas seule-
ment un franc réactionnaire : c'est presque un parfait
exemple du type.
« Il croit dévotement et irrésistiblement aux prin-
cipes et -aux. pratiques qui ont prévalu dans la poli-
tique et les affaires américaines dans la période de la
suprématie républicaine de la fin de la Guerre Civile
à 1900 et il se propose d'y revenir autant que possible.
« Il a pris très au sérieux son travail de candidat ;
il a soigneusement médité quelques-uns de ses dis-
cours avec l'intention évidente d'en faire des contri-
butions intéressantes à leurs sujets. Malheureusement
c'est quand il est le plus réfléchi dans sa discussion des
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