Titre : Floréal : l'hebdomadaire illustré du monde du travail / directeur Paul-Boncour ; éditeur-fondateur Aristide Quillet
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1920-11-27
Contributeur : Quillet, Aristide (1880-1955). Éditeur scientifique
Contributeur : Jean-Lorris (1879-1932). Éditeur scientifique
Contributeur : Paul-Boncour, Joseph (1873-1972). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32776014f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 novembre 1920 27 novembre 1920
Description : 1920/11/27 (N43,T2). 1920/11/27 (N43,T2).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6281137k
Source : CODHOS / OURS, 2012-81221
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
FEMINISME SCIENTIFIQUE
Ceux qui ont approfondi le problème de l'émanci-
pation intégrale de la femme s'étonnent de ce que les
féministes, en général, aient si peu su donner, à leurs
revendications, une autre forme que celle d'un chaos
de plaintes diverses, et que, n ayant pas fait un
faisceau de ces revendications, elles n'aient point su
non plus se situer dans l'ensemble d'un régime, ni
se rattacher à l'évolution politique et sociale.
Peut-on détacher ainsi et isoler, comme dans l'es-
pace des phénomènes sociologiques tels que l'asser-
vissement et l'émancipation des femmes ? J'aimerais
qu'on rappelât aux apôtres d'un féminisme ep tran-
ches la loi scientifique de l'évolution, dans l'harmonie
universelle ; qu'on leur fît constater cette évolution
historique dans les modalités de la production et de
l'échange et dans le régime de la propriété, et com-
bien toujours la morale, les mœurs et les lois ont
découlé du mécanisme économique. Je voudrais aussi
voir ces féministes sans vues générales, se retourner
un instant vers le siècle passé, vers cette Révolution
de 1789 dont, à l'école, on nous a tant vanté la beauté
— cette Révolution-là était française ! — et l'idéal :
Proclamation des Droits de l'Homme. Liberté.
Egalité. Car, avec elles, nous constaterons la faillite
de cette « Proclamation » dès son article premier :
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux
en droits ». A moins que soient de l'égalité réalisée
la chaumière et le château ; le travail sans trêve du
prolétaire et les loisirs du parasite ; le lit d'hôpital,
le sanatorium pour l'épuisement du pauvre diable,
et la villa de Nice pour le riche fatigué dans l'abus
des plaisirs ! Egalité, la puissance politique — direc-
tion des affaires nationales et internationales, —
exclusivement réservée aux fils de la bourgeoisie
aisée, par le privilège de l'enseignement secondaire
et supérieur ? Que les suffragistes ardentes nous
expliquent comment l'électeur, malgré ses droits « poli-
tiques », reste, dans la classe productrice, l'exploité,
en face de la classe possédante ! Comment il reste,
dans la guerre, celui qui ne l'a pas voulue, qui n'a
rien su des querelles diplomatiques ni des appétits
impérialistes, celui qu'on parque en troupeaux, qu'on
dirige sous le « feu roulant de la mort » et qui obéit
au commandement, et qui meurt en obéissant sans,
savoir pourquoi 1 Esclave, il n'est que cela. Alors ?
Si tout est à conquérir pour l'homme prolétaire —
justice, égalité, liberté, — pourquoi s'étonner que
tout soit à conquérir pour la femme ?
Et cependant, sans chercher aucun enseignement
dans la science ni dans l'Histoire, les féministes empi-
riques, semblables à ces premiers socialistes que nous
nommons « utopistes » formulant leurs plaintes, certes
fondées, respectables et impérieuses, dans des déléga-
tions aux Pouvoirs et en appelant à la bonne volonté
des privilégiés !
Les unes ont revendiqué le droit au travail, d'au-
tres l'égalité entre époux dans de menus détails,
d'autres le droit au suffrage politique, d'autres le
droit à l'avortement, d'autres, et celles-ci principale-
ment en Allemagne, le droit à la libre maternité —
maternité consentie, voulue — en dehors du mariage
ou de toute union. C'est évidemment en réunissant
toutes ces aspirations, en faisant un ensemble de
ces revendications que nous pouvons élaborer un pro-
gramme féministe.
Il y a cependant à établir une échelle dans ces
revendications ; car, que servirait à la femme le droit
au travail, si elle devait continuer à être le prolétariat
inférieur, la classe sociale la plus cyniquement exploitée
sur le terrain de la production ? Et que lui serviraient
les droits politiques, et même l'égalité ou la parfaite
liberté économique, la sécurité de la vie matérielle,
même hors d'une tutelle masculine, si, restant l'es-
clave de la maternité imposée, elle ne possédait le
suprême des biens : la libre disposition de soi, dans
sa fonction la plus intime et la plus sacrée de repro-
duction ?
Or, que manque-t-il à la femme pour réaliser dans
sa plénitude cette libre disposition de soi-même ? Ne
lui faudrait-il pas d'abord une instruction plus com-
plète, et que, par exemple, le cours de biologie enseigné
dans les écoles n'eût pas, pour elle, d'aussi regret-
tables omissions ; qu'apprenant le mécanisme de
reproduction de certaines espèces, elle n'ignorât pas
le sien ? Cet enseignement lui est refusé, au nom de
l'intérêt d'une société encore barbare, par la morale
conventionnelle qui découle du monde d'existence —
réforme de la production et de la propriété — de
cette société. Mais dans l'évolution qui fait qu'en cette
société même, et malgré ses lois répressives, ses juges
et ses prisons, grandit chaque jour le nombre des
femmes instruites en biologie et physiologie pratique,
nous pressentons l'état social futur où la femme ne
sera plus mère que de sa propre et seule volonté.
Une mère, cependant, s'inquiétera toujours, même
avant la conception, du bonheur accessible à l'enfant
désiré. Et dans une société où les prolétaires sont le
nombre, où la prolétaire n'a qu'un salaire trop réduit,
sans sécurité du lendemain, où l'enfant constitue pour
elle un accroissement de fatigues, de soucis et un
esclavage de plus, où s'ajoute à l'insécurité pécuniaire,
la menace incessante des guerres, dans cette société-là,
le désir de maternité est combattu par des scrupules
jusqu'à être refoulé. N'enfantent sans réflexion que
les êtres de mentalité inférieure. Et c'est pourquoi
tous les efforts des classes privilégiées régnantes, qui
ont besoin de main-d'œuvre à bon marché et de
nombreux soldats, tendent, quelque hypocrisie qu'elles
y mettent, à maintenir dans cette mentalité inférieure
les populations.
Il faut donc, à la future mère, pour l'enfant
comme pour elle-même, l'assurance de la sécurité
matérielle, l'assurance du bien-être nécessaire et cela
hors de l'asservissement obligatoire à un a chef D de
famille, ni à un patronat arbitraire.
Elle n'aura cela que par la suppression des classes
— qui comprend la suppression du salariat moderne,
— c est-à-dire la reprise par la collectivité de tous les
instruments de production, d'où charge en retour,
pour cette collectivité, d'assurer aux producteurs,
aux procréatrices et aux enfants, la sécurité maté-
rielle — la liberté individuelle.
Et c'est en quoi, à l'heure présente, les revendi-
cations de la femme se confondent avec celles du
prolétaire masculin. Le prolétaire, pour supprimer les
classes sociales — la classe régnante ne voulant pas
renoncer à ses privilèges, — emploiera tous les moyens.
Le rôle de la femme est donc tout indiqué. Elle
doit être la propagandiste ardente de la nécessité d'un
nouveau régime social.
MARIANNE RAUZE.
— 1014 —
Ceux qui ont approfondi le problème de l'émanci-
pation intégrale de la femme s'étonnent de ce que les
féministes, en général, aient si peu su donner, à leurs
revendications, une autre forme que celle d'un chaos
de plaintes diverses, et que, n ayant pas fait un
faisceau de ces revendications, elles n'aient point su
non plus se situer dans l'ensemble d'un régime, ni
se rattacher à l'évolution politique et sociale.
Peut-on détacher ainsi et isoler, comme dans l'es-
pace des phénomènes sociologiques tels que l'asser-
vissement et l'émancipation des femmes ? J'aimerais
qu'on rappelât aux apôtres d'un féminisme ep tran-
ches la loi scientifique de l'évolution, dans l'harmonie
universelle ; qu'on leur fît constater cette évolution
historique dans les modalités de la production et de
l'échange et dans le régime de la propriété, et com-
bien toujours la morale, les mœurs et les lois ont
découlé du mécanisme économique. Je voudrais aussi
voir ces féministes sans vues générales, se retourner
un instant vers le siècle passé, vers cette Révolution
de 1789 dont, à l'école, on nous a tant vanté la beauté
— cette Révolution-là était française ! — et l'idéal :
Proclamation des Droits de l'Homme. Liberté.
Egalité. Car, avec elles, nous constaterons la faillite
de cette « Proclamation » dès son article premier :
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux
en droits ». A moins que soient de l'égalité réalisée
la chaumière et le château ; le travail sans trêve du
prolétaire et les loisirs du parasite ; le lit d'hôpital,
le sanatorium pour l'épuisement du pauvre diable,
et la villa de Nice pour le riche fatigué dans l'abus
des plaisirs ! Egalité, la puissance politique — direc-
tion des affaires nationales et internationales, —
exclusivement réservée aux fils de la bourgeoisie
aisée, par le privilège de l'enseignement secondaire
et supérieur ? Que les suffragistes ardentes nous
expliquent comment l'électeur, malgré ses droits « poli-
tiques », reste, dans la classe productrice, l'exploité,
en face de la classe possédante ! Comment il reste,
dans la guerre, celui qui ne l'a pas voulue, qui n'a
rien su des querelles diplomatiques ni des appétits
impérialistes, celui qu'on parque en troupeaux, qu'on
dirige sous le « feu roulant de la mort » et qui obéit
au commandement, et qui meurt en obéissant sans,
savoir pourquoi 1 Esclave, il n'est que cela. Alors ?
Si tout est à conquérir pour l'homme prolétaire —
justice, égalité, liberté, — pourquoi s'étonner que
tout soit à conquérir pour la femme ?
Et cependant, sans chercher aucun enseignement
dans la science ni dans l'Histoire, les féministes empi-
riques, semblables à ces premiers socialistes que nous
nommons « utopistes » formulant leurs plaintes, certes
fondées, respectables et impérieuses, dans des déléga-
tions aux Pouvoirs et en appelant à la bonne volonté
des privilégiés !
Les unes ont revendiqué le droit au travail, d'au-
tres l'égalité entre époux dans de menus détails,
d'autres le droit au suffrage politique, d'autres le
droit à l'avortement, d'autres, et celles-ci principale-
ment en Allemagne, le droit à la libre maternité —
maternité consentie, voulue — en dehors du mariage
ou de toute union. C'est évidemment en réunissant
toutes ces aspirations, en faisant un ensemble de
ces revendications que nous pouvons élaborer un pro-
gramme féministe.
Il y a cependant à établir une échelle dans ces
revendications ; car, que servirait à la femme le droit
au travail, si elle devait continuer à être le prolétariat
inférieur, la classe sociale la plus cyniquement exploitée
sur le terrain de la production ? Et que lui serviraient
les droits politiques, et même l'égalité ou la parfaite
liberté économique, la sécurité de la vie matérielle,
même hors d'une tutelle masculine, si, restant l'es-
clave de la maternité imposée, elle ne possédait le
suprême des biens : la libre disposition de soi, dans
sa fonction la plus intime et la plus sacrée de repro-
duction ?
Or, que manque-t-il à la femme pour réaliser dans
sa plénitude cette libre disposition de soi-même ? Ne
lui faudrait-il pas d'abord une instruction plus com-
plète, et que, par exemple, le cours de biologie enseigné
dans les écoles n'eût pas, pour elle, d'aussi regret-
tables omissions ; qu'apprenant le mécanisme de
reproduction de certaines espèces, elle n'ignorât pas
le sien ? Cet enseignement lui est refusé, au nom de
l'intérêt d'une société encore barbare, par la morale
conventionnelle qui découle du monde d'existence —
réforme de la production et de la propriété — de
cette société. Mais dans l'évolution qui fait qu'en cette
société même, et malgré ses lois répressives, ses juges
et ses prisons, grandit chaque jour le nombre des
femmes instruites en biologie et physiologie pratique,
nous pressentons l'état social futur où la femme ne
sera plus mère que de sa propre et seule volonté.
Une mère, cependant, s'inquiétera toujours, même
avant la conception, du bonheur accessible à l'enfant
désiré. Et dans une société où les prolétaires sont le
nombre, où la prolétaire n'a qu'un salaire trop réduit,
sans sécurité du lendemain, où l'enfant constitue pour
elle un accroissement de fatigues, de soucis et un
esclavage de plus, où s'ajoute à l'insécurité pécuniaire,
la menace incessante des guerres, dans cette société-là,
le désir de maternité est combattu par des scrupules
jusqu'à être refoulé. N'enfantent sans réflexion que
les êtres de mentalité inférieure. Et c'est pourquoi
tous les efforts des classes privilégiées régnantes, qui
ont besoin de main-d'œuvre à bon marché et de
nombreux soldats, tendent, quelque hypocrisie qu'elles
y mettent, à maintenir dans cette mentalité inférieure
les populations.
Il faut donc, à la future mère, pour l'enfant
comme pour elle-même, l'assurance de la sécurité
matérielle, l'assurance du bien-être nécessaire et cela
hors de l'asservissement obligatoire à un a chef D de
famille, ni à un patronat arbitraire.
Elle n'aura cela que par la suppression des classes
— qui comprend la suppression du salariat moderne,
— c est-à-dire la reprise par la collectivité de tous les
instruments de production, d'où charge en retour,
pour cette collectivité, d'assurer aux producteurs,
aux procréatrices et aux enfants, la sécurité maté-
rielle — la liberté individuelle.
Et c'est en quoi, à l'heure présente, les revendi-
cations de la femme se confondent avec celles du
prolétaire masculin. Le prolétaire, pour supprimer les
classes sociales — la classe régnante ne voulant pas
renoncer à ses privilèges, — emploiera tous les moyens.
Le rôle de la femme est donc tout indiqué. Elle
doit être la propagandiste ardente de la nécessité d'un
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MARIANNE RAUZE.
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