Titre : Floréal : l'hebdomadaire illustré du monde du travail / directeur Paul-Boncour ; éditeur-fondateur Aristide Quillet
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1920-11-06
Contributeur : Quillet, Aristide (1880-1955). Éditeur scientifique
Contributeur : Jean-Lorris (1879-1932). Éditeur scientifique
Contributeur : Paul-Boncour, Joseph (1873-1972). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32776014f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 5091 Nombre total de vues : 5091
Description : 06 novembre 1920 06 novembre 1920
Description : 1920/11/06 (N40,T2). 1920/11/06 (N40,T2).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6281134b
Source : CODHOS / OURS, 2012-81221
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/11/2012
Sur le pré
Des députés ont déposé, dernièrement, une proposi-
tion de loi tendant à interdire le duel. Je ne sais quel
sort lui sera fait. Mais il est étrange qu'à notre époque
il faille mettre en branle le Parlement pour supprimer
un usage en complète contradiction avec nos mœurs
modernes, un usage barbare. quand il n'est pas ridi-
cule.
Son ancienneté n'est pas pour lui un motif de survie.
Le duel date, chez nous, des premiers temps de la
monarchie. Il servait alors de preuve judiciaire et
l'Eglise l'approuvait. Ainsi, on trouve dans une lettre
de saint Augustin, cette phrase effarante :
— Pendant le combat, Dieu attend, les cieux
ouverts, et il défend la partie qu'il voit avoir raison.
Encouragé de la sorte, le duel prospéra, du Moyen
Age à la Renaissance, sans cesser d'être moins féroce.
Au contraire ! On avait, en ce temps-là, le droit de sai-
sir de la main gauche l'épée de son adversaire ou bien
de le frapper dans le dos. Parfois, jetant la rapière, on
s'empoignait à la gorge et l'on cherchait à se larder à
coups de dague. On trouvait tout naturel d'achever
son ennemi à terre et de le dépouiller. On emportait
ses armes, ses bagues, ses bijoux, ses vêtements. Et,
quand les écuyers étaient passés après leurs maîtres,
le guet, le lendemain, pouvait ramasser des cadavres
nus.
Des exemples de ces assassinats tolérés, nous en
avons de nombreux. Le plus célèbre, sans doute, est
celui que commit Jarnac sur son adversaire La Châ-
taigneraie. Jarnac avait appris du capitaine italien
Chaize une botte secrète. Se voyant en présence d'un
homme plus adroit et plus fort que lui, il employa son
moyen perfide, « le falso manquo » ou coup de jarret,
qui est devenu le proverbial coup de Jarnac. Peu de
gens y trouvèrent à redire.
- Avec l'invention des armes à feu, un nouvel appoint
fut donné aux duellistes. Ceux qui étaient las de
l'épée purent se battre au pistolet. On a conservé
mémoire de la première rencontre de ce genre. Elle eut
lieu en 1606, en Bretagne, près de Reitz, entre deux
cousins-germains, Toussaint de Guémadeuc et René de
Tournemine. Les deux hommes s'affrontèrent à cheval.
Les balles échangées ne furent pas sans résultat, car
les deux cousins furent touchés. Guémadeuc fut tué
sur le coup ; Tournemine, blessé à mort, languit plus
d'un an avant de rendre l'âme. Cinquante ans plus
tard, les ducs de Beaufort et de Nemours, en se mesu-
rant pistolet au poing, mirent cette arme à la mode.
On se souvient des efforts de Richelieu contre le duel.
L'institution du « tribunal du point d'honneur » et
surtout les pénalités rigoureuses édictées par le cardi
nal, calmèrent la frénésie des pourfendeurs. Montmo-
rency-Boutteville, comme beaucoup d'autres, en fit
l'expérience. Il voulait risquer la mort. Il l'eut. sur
l'échafaud. La méthode était radicale. Elle porta ses
fruits.
Au XVIIIe siècle, le duel reparut, mais moins féroce
que précédemment. On se piqua au contraire de l'élé-
gantiser. On se battit pour un mot, pour un quatrain,
pour un sourire qui s'était trompé d'adresse. Mais on
ne se fit guère de mal. Les femmes elles-mêmes se
mirent de la partie. Elles allaient échanger des coups
de pistolet au Bois de Boulogne pour les beaux yeux
d'un acteur ou l'abandon d'un amant. Mmes de Polignac
et de Nesles se disputèrent, l'épée à la main, le cœur
du volage duc de Richelieu. Les aventures, enfin, de
Mlle Maupin, aussi célèbres, sont plus dramatiques.
Ainsi, un soir, la belle actrice, travestie en homme,
assistait à une kermesse au Palais-Ro\ al et s'amusait
à poursuivre une femme de ses assiduités mystérieuses.
Trois autres soupirants intervinrent auprès de ce cava-
lier trop galant. Mlle Maupin leur donna rendez-vous
aussitôt rue Saint-Thomas du-Louvre. Les quatre
combattants se retrouvèrent. Les lanternes étaient
éteintes, la nuit était noire. Tant pis ! l'actrice attaqua,
seule contre trois, et étendit tour à tour ser trois
adversaires sur le pavé.
Quand la Révolution triompha, un de ses premiers
soins fut de condamner ce « dernier reste d'un passé
odieux ». Mais l'Empire remit ce vieux reste à la
mode et, depuis lors, avec plus ou moins de faveur,
selon le cours des événements et l'actualité, le duel
n'a pas cessé d'avoir ses amateurs et ses partisans.
Enumérer tous les hommes célèbres qui, depuis un
siècle, sont allés sur le pré serait au-dessus des forces
— 927 u_-
Des députés ont déposé, dernièrement, une proposi-
tion de loi tendant à interdire le duel. Je ne sais quel
sort lui sera fait. Mais il est étrange qu'à notre époque
il faille mettre en branle le Parlement pour supprimer
un usage en complète contradiction avec nos mœurs
modernes, un usage barbare. quand il n'est pas ridi-
cule.
Son ancienneté n'est pas pour lui un motif de survie.
Le duel date, chez nous, des premiers temps de la
monarchie. Il servait alors de preuve judiciaire et
l'Eglise l'approuvait. Ainsi, on trouve dans une lettre
de saint Augustin, cette phrase effarante :
— Pendant le combat, Dieu attend, les cieux
ouverts, et il défend la partie qu'il voit avoir raison.
Encouragé de la sorte, le duel prospéra, du Moyen
Age à la Renaissance, sans cesser d'être moins féroce.
Au contraire ! On avait, en ce temps-là, le droit de sai-
sir de la main gauche l'épée de son adversaire ou bien
de le frapper dans le dos. Parfois, jetant la rapière, on
s'empoignait à la gorge et l'on cherchait à se larder à
coups de dague. On trouvait tout naturel d'achever
son ennemi à terre et de le dépouiller. On emportait
ses armes, ses bagues, ses bijoux, ses vêtements. Et,
quand les écuyers étaient passés après leurs maîtres,
le guet, le lendemain, pouvait ramasser des cadavres
nus.
Des exemples de ces assassinats tolérés, nous en
avons de nombreux. Le plus célèbre, sans doute, est
celui que commit Jarnac sur son adversaire La Châ-
taigneraie. Jarnac avait appris du capitaine italien
Chaize une botte secrète. Se voyant en présence d'un
homme plus adroit et plus fort que lui, il employa son
moyen perfide, « le falso manquo » ou coup de jarret,
qui est devenu le proverbial coup de Jarnac. Peu de
gens y trouvèrent à redire.
- Avec l'invention des armes à feu, un nouvel appoint
fut donné aux duellistes. Ceux qui étaient las de
l'épée purent se battre au pistolet. On a conservé
mémoire de la première rencontre de ce genre. Elle eut
lieu en 1606, en Bretagne, près de Reitz, entre deux
cousins-germains, Toussaint de Guémadeuc et René de
Tournemine. Les deux hommes s'affrontèrent à cheval.
Les balles échangées ne furent pas sans résultat, car
les deux cousins furent touchés. Guémadeuc fut tué
sur le coup ; Tournemine, blessé à mort, languit plus
d'un an avant de rendre l'âme. Cinquante ans plus
tard, les ducs de Beaufort et de Nemours, en se mesu-
rant pistolet au poing, mirent cette arme à la mode.
On se souvient des efforts de Richelieu contre le duel.
L'institution du « tribunal du point d'honneur » et
surtout les pénalités rigoureuses édictées par le cardi
nal, calmèrent la frénésie des pourfendeurs. Montmo-
rency-Boutteville, comme beaucoup d'autres, en fit
l'expérience. Il voulait risquer la mort. Il l'eut. sur
l'échafaud. La méthode était radicale. Elle porta ses
fruits.
Au XVIIIe siècle, le duel reparut, mais moins féroce
que précédemment. On se piqua au contraire de l'élé-
gantiser. On se battit pour un mot, pour un quatrain,
pour un sourire qui s'était trompé d'adresse. Mais on
ne se fit guère de mal. Les femmes elles-mêmes se
mirent de la partie. Elles allaient échanger des coups
de pistolet au Bois de Boulogne pour les beaux yeux
d'un acteur ou l'abandon d'un amant. Mmes de Polignac
et de Nesles se disputèrent, l'épée à la main, le cœur
du volage duc de Richelieu. Les aventures, enfin, de
Mlle Maupin, aussi célèbres, sont plus dramatiques.
Ainsi, un soir, la belle actrice, travestie en homme,
assistait à une kermesse au Palais-Ro\ al et s'amusait
à poursuivre une femme de ses assiduités mystérieuses.
Trois autres soupirants intervinrent auprès de ce cava-
lier trop galant. Mlle Maupin leur donna rendez-vous
aussitôt rue Saint-Thomas du-Louvre. Les quatre
combattants se retrouvèrent. Les lanternes étaient
éteintes, la nuit était noire. Tant pis ! l'actrice attaqua,
seule contre trois, et étendit tour à tour ser trois
adversaires sur le pavé.
Quand la Révolution triompha, un de ses premiers
soins fut de condamner ce « dernier reste d'un passé
odieux ». Mais l'Empire remit ce vieux reste à la
mode et, depuis lors, avec plus ou moins de faveur,
selon le cours des événements et l'actualité, le duel
n'a pas cessé d'avoir ses amateurs et ses partisans.
Enumérer tous les hommes célèbres qui, depuis un
siècle, sont allés sur le pré serait au-dessus des forces
— 927 u_-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
- Auteurs similaires Vallès Jules Vallès Jules /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Vallès Jules" or dc.contributor adj "Vallès Jules")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 7/24
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6281134b/f7.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6281134b/f7.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6281134b/f7.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6281134b/f7.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6281134b
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6281134b
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6281134b/f7.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest