Titre : La Revue des revues : un recueil des articles paraissant dans les revues françaises et étrangères
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1899-10-01
Contributeur : Smith, Ernest W.. Directeur de publication
Contributeur : Finot, Jean (1858-1922). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344304308
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 10008 Nombre total de vues : 10008
Description : 01 octobre 1899 01 octobre 1899
Description : 1899/10/01 (T4)-1899/12/15. 1899/10/01 (T4)-1899/12/15.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62675467
Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2012-130607
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 02/10/2012
222 LA REVUE DES REVUES
rosité des riches. Les prêtres qui ne possèdent pas de fortune per-
sonnelle sont pauvres, presque nécessiteux.
Ainsi par les villes et par les villages se cache un prolétariat en sou-
tane dontle silence disciplinaire s'élève jusqu'àl'abnégation. Et pourtant
les gauloiseries abondent sur le bien-être dont les curés ouatent leur
célibat. La chanson a glorifié dans le presbytère un grenier d'abon-
dance où des faces rubicondes riaient jusqu'à se fendre. Ce sont là des
airs de vaudevilles, de vaudevilles défunts dont le vent a semé la
cendre un peu partout, dans le mépris, dans l'oubli! Justement ces
curés de campagne qui, pour leurs hôtes, savent aller chercher der-
rière les fagots une bouteille de bon vin — don du châtelain ou du
notaire — composent l'un des fragments de ce prolétariat ecclé-
siastique qu'on semble méconnaître. L'autre fragment est représenté
par des prêtres qui n'ont ni feu ni lieu, des prêtres errants qui che-
minent derrière une idée, derrière une espérance ou derrière une
ambition. Forts de l'Idée, ils ont demandé à leur évêque l'autorisa-
tion de quitter le diocèse et de se rendre dans tel autre dont l'évêque
agrée leur présence.
Le prélat sollicité s'est enquis des motifs de leur déplacement, et
des moyens d'existence qu'ils trouveront en leur nouvelle résidence,
car si le prêtre doit être nourri par l'évêque qui est son chef, il devient
la proie du hasard dès qu'il change de diocèse pour des raisons per-
sonnelles. Aux questions de l'évêque, on répond par l'étalage de glo-
rieuses espérances, ah ! les beaux rêves où rayonne la grandeur de
l'Eglise, où s'illumine l'épopée de la Foi !
Le pain quotidien ? Minuscule préoccupation à côté de l'Idée ma-
gnifique ! On compte sur de vagues leçons, sur d'anciennes amitiés.
Et l'évêque. pour ne pas emprisonner dans le cercle étroit des habi-
tudes provinciales, ces intelligences ailées qui donneront peut-être à
l'Eglise les grands hommes dont elle a besoin et dont elle s'enorgueil-
lira, accorde son autorisation. Et les prêtres partent à l'aventure.
A ceux-là, il est impossible de discuter la qualification de prolé-
taires : ils vivent commme ils peuvent, mangent aux tables qui s'ou-
vrent par charité. Les uns sont des capricieux, des mécontents, des
fantasques ; les autres, des songeurs qui ont cru avoir mieux à faire
dans la vie que de se condamner aux médiocres besognes d'es petites
cures. Une ambition éclaire leur route, ils vont vers la grande ville
où l'on bataille. Ils fondent des journaux, dirigent des revues, vivent
d'articles ou de leçons, et se trouvent dans toutes les mêlées où les
masses intellectuelles, se jettent, les crocs en avant. On en cite quel-
ques-uns qui, sans se départir de la dignité de leur caractère, ont
revêtu, à des heures difficiles, la cotte de l'ouvrier, et ont demandé au
labeur de leurs bras de les nourrir pendant que leur pensée poursui-
vait un rêve.
Mais la plupart se confinent dans le préceptorat, acceptent une
situation voisine de la domesticité, et vont, au gré dés Fpitumehistorhv.
sacrie, répandre un peu de latin dans l'intelligence de jeunes maîtres
rosité des riches. Les prêtres qui ne possèdent pas de fortune per-
sonnelle sont pauvres, presque nécessiteux.
Ainsi par les villes et par les villages se cache un prolétariat en sou-
tane dontle silence disciplinaire s'élève jusqu'àl'abnégation. Et pourtant
les gauloiseries abondent sur le bien-être dont les curés ouatent leur
célibat. La chanson a glorifié dans le presbytère un grenier d'abon-
dance où des faces rubicondes riaient jusqu'à se fendre. Ce sont là des
airs de vaudevilles, de vaudevilles défunts dont le vent a semé la
cendre un peu partout, dans le mépris, dans l'oubli! Justement ces
curés de campagne qui, pour leurs hôtes, savent aller chercher der-
rière les fagots une bouteille de bon vin — don du châtelain ou du
notaire — composent l'un des fragments de ce prolétariat ecclé-
siastique qu'on semble méconnaître. L'autre fragment est représenté
par des prêtres qui n'ont ni feu ni lieu, des prêtres errants qui che-
minent derrière une idée, derrière une espérance ou derrière une
ambition. Forts de l'Idée, ils ont demandé à leur évêque l'autorisa-
tion de quitter le diocèse et de se rendre dans tel autre dont l'évêque
agrée leur présence.
Le prélat sollicité s'est enquis des motifs de leur déplacement, et
des moyens d'existence qu'ils trouveront en leur nouvelle résidence,
car si le prêtre doit être nourri par l'évêque qui est son chef, il devient
la proie du hasard dès qu'il change de diocèse pour des raisons per-
sonnelles. Aux questions de l'évêque, on répond par l'étalage de glo-
rieuses espérances, ah ! les beaux rêves où rayonne la grandeur de
l'Eglise, où s'illumine l'épopée de la Foi !
Le pain quotidien ? Minuscule préoccupation à côté de l'Idée ma-
gnifique ! On compte sur de vagues leçons, sur d'anciennes amitiés.
Et l'évêque. pour ne pas emprisonner dans le cercle étroit des habi-
tudes provinciales, ces intelligences ailées qui donneront peut-être à
l'Eglise les grands hommes dont elle a besoin et dont elle s'enorgueil-
lira, accorde son autorisation. Et les prêtres partent à l'aventure.
A ceux-là, il est impossible de discuter la qualification de prolé-
taires : ils vivent commme ils peuvent, mangent aux tables qui s'ou-
vrent par charité. Les uns sont des capricieux, des mécontents, des
fantasques ; les autres, des songeurs qui ont cru avoir mieux à faire
dans la vie que de se condamner aux médiocres besognes d'es petites
cures. Une ambition éclaire leur route, ils vont vers la grande ville
où l'on bataille. Ils fondent des journaux, dirigent des revues, vivent
d'articles ou de leçons, et se trouvent dans toutes les mêlées où les
masses intellectuelles, se jettent, les crocs en avant. On en cite quel-
ques-uns qui, sans se départir de la dignité de leur caractère, ont
revêtu, à des heures difficiles, la cotte de l'ouvrier, et ont demandé au
labeur de leurs bras de les nourrir pendant que leur pensée poursui-
vait un rêve.
Mais la plupart se confinent dans le préceptorat, acceptent une
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