La Pérégrination de Fernão Mendes Pinto
La Pérégrination de Fernão Mendes Pinto (1514?-1583) est au programme de l’agrégation externe de portugais en 2025 : l’occasion de revenir sur cette œuvre fondatrice de la littérature portugaise, et sur la présence des Portugais en Extrême-Orient au XVIe siècle.
Publiée au Portugal en 1614, traduite en français dès 1628, l’œuvre relate, à la première personne, le périple de son auteur. Né dans les années 1510, Fernão Mendes Pinto s’embarque à Lisbonne pour les Indes en 1537 dans l’espoir d’y faire fortune. Tour à tour négociant, esclave, pirate, ambassadeur, il parcourt les terres qui s’étendent des contrées éthiopiennes aux îles japonaises, et passe beaucoup de temps en Chine, à Goa et à Malacca (Malaisie actuelle). Se liant à François Xavier, fameux évangélisateur canonisé en 1622, il intègre la Compagnie d’Ignace de Loyola à laquelle il léguera ses biens. Bien qu’absente de sa Pérégrination, sa condition de novice jésuite nous est connue grâce aux lettres envoyées à la Compagnie de Jésus en 1554. Il reviendra d’Extrême-Orient en 1558 et se consacrera à la rédaction de ses mémoires, à destination de sa descendance, dans sa retraite portugaise.
On a longtemps reproché à l’auteur d’avoir affabulé dans son récit de voyage. Un célèbre jeu de mots sur son patronyme résume le doute à l’égard de Fernão Mendes Pinto : Fernão Mentes ? Minto [Fernão, mens-tu ? Oui je mens]. Au début du XXe siècle encore, dans son histoire des relations avec l’Europe aux XVIe et XVIIe siècles, le diplomate japonais Harukazu Nagaoka indique :
“On ne peut accorder beaucoup de crédit au mémoire de Mendez Pinto, qui renferme beaucoup trop d’aventures de voyages, mais nous ne soutiendrons pas néanmoins que tout son récit n’est qu’une longue suite de fables et de mensonges.”
Quoi qu’il en soit, il fait consensus que Mendes Pinto est l’un des premiers Européens à parvenir au Japon, dans les années 1540, sous le règne de Jean III du Portugal, et que son récit possède des qualités littéraires indéniables. Il demeure, pour les deux grands historiens littéraires portugais Oscar Lopes et Antonio José Saraiva, “le plus intéressant récit de voyage du XVIe siècle portugais, et l’un des plus intéressants de la littérature mondiale”, en raison notamment de la puissance d’évocation, de la fraîcheur et de la modernité de sa prose. Il constitue également, toujours pour ces deux historiens, un contrepoint révolutionnaire aux Lusiades contemporains de Camões, introduisant une critique sociale par le biais de la comparaison entre les sociétés chinoise et occidentale.

Le voyage de Mendes Pinto s’inscrit dans l’exploration maritime systématique et progressive du monde par les Portugais, qui, débutée au XVe siècle, donne lieu à un important travail lusitanien de cartographie. Au Moyen-Orient et sur le continent asiatique, les Portugais s’assurent dès le début du XVIe siècle le contrôle terrestre de l’entrée du Golfe Persique à Ormuz, de la mer Rouge à Socotra, et le contrôle des flottes mobiles en mer avec Malacca pour le passage vers l’Océan Pacifique. Magellan effectue la première circumnavigation par l’ouest en 1519. À Lisbonne, la Casa da Índia réceptionne les marchandises venues d’Orient et les distribue sur les marchés européens à partir du comptoir d’Anvers.

Essor commercial et évangélisation vont de pair. Goa, conquise en 1510, devient le siège de cet “Etat de l’Inde orientale” [Estado da India oriental], où vice-rois et gouverneurs se succèdent.

Cette période est notamment documentée, du côté européen, par Damião de Góis (1502-1574), conservateur des Archives Royales du Portugal, qui compile les sources pour livrer en latin des commentaires publiés en 1539.
L’historien João de Barros (1497-1562) entame une vaste synthèse historico-géographique, demeurée inachevée, dont subsistent quelques Décades sur les conquêtes des Portugais en Asie publiées dans les années 1550. Diogo do Couto (1542-1616), conservateur des archives royales de Goa, continue son œuvre dans Cinco livros da decada doze da historia da India, dont la BnF possède une édition de 1645.

Fernão Lopes de Castanheda (1500-1559), historien et chroniqueur, qui connait par sa propre expérience les territoires qu’il décrit, livre une Histoire des Indes de Portugal, traduite en français par Nicolas Grouchy et publiée en 1553.
L’on peut également citer l’œuvre de l’humaniste et évêque Jerónimo Osório (1506-1580), l’Histoire de Portugal comprise en deux volumes contenans infinies choses mémorables avenues depuis l'an du Seigneur M. XC. jusques à l'an M. DCX, ainsi que celle du cartographe Pedro Barreto de Resende.
Fruit de la rencontre avec les peuples européens, les “barbares du Sud”, l’art japonais namban sera l’un des contrepoints de ces récits portugais, notamment grâce aux magnifiques paravents namban conservés au Museu de Arte Antiga de Lisboa.
Pour aller plus loin
- Bibliographie "Poétiques du voyage à l’ère classique, Gil Vicente et Fernão Mendes Pinto", pour préparer l’agrégation
- Les Essentiels BnF sur les cartes marines
- La Compagnie française des Indes Orientales