Drôles de repas dans la littérature anglaise (2/2)
Un orphelin devient pickpocket pour un bol de gruau, une jeune fille prend le thé avec un lièvre et un chapelier… toujours plus de classiques anglais à dévorer dans Gallica.
Aventures d’Alice au pays des Merveilles, Lewis Carroll, [1865], illustrations de John Tenniel, 1869
Aujourd’hui, Gallica s’invite à la table des enfants de la littérature victorienne, où les expériences culinaires ont parfois des conséquences inattendues.
Le réalisme culinaire de Dickens
L’œuvre du romancier Charles Dickens est particulièrement riche en plats emblématiques de la cuisine anglaise. C’est ainsi que dans Oliver Twist, publié en feuilletons de 1837 à 1839, le porridge joue un rôle décisif.
Un plein bol de gruau et jamais plus »
Au début du roman, le jeune orphelin est exploité dans une workhouse. Dickens décrit ces hospices pour les pauvres, où les enfants sont astreints à un travail pénible et ne reçoivent pour toute nourriture quotidienne qu’un malheureux bol de gruau.
On trouvera les détails de cette préparation dans Le Cuisinier anglais, notamment les différentes manières de fabriquer les pap, gruel et porridge, c’est-à-dire des bouillies, gruaux et porridges plus ou moins délayés dans un liquide de cuisson. Si les recettes les plus nutritives proposent de cuire l’avoine dans du lait, les plus économiques n’emploient que de l’eau.
C’est cette version maigre, nourriture des pauvres à l’époque victorienne, qui est servie aux jeunes orphelins. L’un d’entre eux, affamé, les avertit qu’il “se verrait dans la nécessité une belle nuit de dévorer son camarade de lit”. Effrayés, les orphelins tirent à la courte-paille et désignent Oliver pour accomplir une mission salvatrice : demander au chef un second bol de gruau.
J'en voudrais encore, Monsieur, s'il vous plaît »
En réponse, Oliver reçoit un coup de louche sur la tête et se voit expulsé de l’hospice. Ce gruau refusé devient ainsi le point de départ des aventures du jeune garçon, qui va errer jusqu’à Londres où de nouveaux dangers l’attendent : il entrera dans la bande de petits voleurs du terrifiant Fagin, qui l’appâtera avec… de délicieuses saucisses grillées à la poêle !
Oliver Twist, Charles Dickens, [1837-1839], illustrations de George Cruikshank, 1839
Quelques années plus tard, en 1865, c’est une autre enfant de la littérature victorienne qui va vivre des aventures culinaires pleines de rebondissements...
La nourriture de l'absurde de Lewis Carroll
Dès sa chute dans un trou profond à la poursuite d’un lapin blanc, la jeune Alice manifeste un appétit curieux.
Aventures d’Alice au pays des Merveilles,
Lewis Carroll, [1865], illustrations de John Tenniel, 1869
À chaque obstacle qui se dresse sur son chemin, la fillette n’hésite pas à goûter un nouvel aliment aux effets magiques imprévisibles.
Un gâteau qui portait, joliment dessiné avec des raisins de Corinthe, les deux mots : ‘Mangez-moi !’ »
Sans craindre trop de transformations physiques, on pourra, dans Le Cuisinier anglais, se faire une idée des délicieux petits gâteaux que goûte Alice, avec les recettes des biscuits croquants (short biscuits), des gâteaux à la reine (Queen cakes) ou encore des gâteaux à la petite Marthe (Little Patty’s cakes).
Urbain Dubois, dans sa Cuisine de tous les pays, donne aussi la recette du Cambridge cake, une autre variante de ces petits sablés anglais.
Mais les expériences culinaires d’Alice culminent avec la scène la plus connue du roman, le thé chez les fous. Lewis Carroll y parodie le rituel du teatime, pilier de la vie sociale et théâtre des convenances britanniques, tandis que ni le Chapelier fou, ni le Lièvre de Mars, ni même le Loir qui dort dans la théière n’offriront à Alice la moindre goutte de thé.
Pour mieux comprendre le rôle de cette boisson chez nos voisins d’Outre-Manche, Gallica dispose de nombreux documents consacrés à son histoire et à sa consommation en Angleterre, comme la Monographie du thé et les Instructions sur la manière de préparer la boisson du thé de J.-G. Houssaye.
Quant à Alice, elle connaîtra encore de nouvelles aventures culinaires dans la suite du roman, De l’autre côté du miroir, tandis que bien d’autres mets de la cuisine victorienne seront dégustés dans l’œuvre de Charles Dickens…
Avis aux lecteurs gourmands, romans et recettes britanniques se consomment sans modération dans Gallica !
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Thé
Alice au pays des merveilles et Lewis Carroll
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