On y voyait s' échaffaudant avec lenteur un puissant édifice de nuages construits sur de hautes collines. Ces nuages semblaient at- tendre un événement. Ils menaçaient la plaine. C'est le propre des grands orages d'été qui avant d'éclater font peser sur les basses terres une longue menace. Ils sont là, ils prennent leur temps .
Au ras du sol l'air dessèche et grille les herbes. Déjà les bê- tes se retirent et vont s'abriter en rampant. Les maisons rapprochent leurs toits, couvrent de cendres leurs foyers mourants. Elles ont peur. Et comme la nuit monte de la terre quelques lampes s'allument.
Un chien aboie très loin en solitude quelque part au fond des campagnes. Il s'inquiète. Des flammes bleuâtres parcourent très rapidement les collines. Elles illuminent les bois, les falaises, les eaux, et s'enfuient entre des colonnades de ténèbres.
Dans une échancrure d'azur apparaît tout à coup une planète.
Elle disparaît. L'air s'alourdit. Il pèse, il étouffe lentement la terre. Maintenant l'orage a pris corps. On le voit tout entier. C'est une bête. Elle pense. Sa pensée est barrée par un front de ténèbres. Mais il y a en elle une pensée. On la pressent qui veille, qui attend sous le masque. Une seule pensée, la tempête. Et la terre attend elle aussi, immense, vulnérable. Qu'éclate une étincelle, le ciel s'effondre. Et la bête re- garde, regarde toujours. Elle mesure, elle pèse, calcule la force de la terre. C'est le moment privilégié où la bête en arrive à ressembler à l'homme. Elle en a toutes les passions et douloureusement quelque chose de l'âme humaine. Et quand l'âme, cette âme étrange, s'étend à l'immensité de l'orage, un ciel méconnaissable tout à coup flamboie et à pic tombe sur le corps de la vieille mère des hommes.
Alors la terre souffre mais elle patiente .
Car elle a fait les hommes. Et il lui a fallu pour les enfanter tels qu'ils sont beaucoup de patience et le sombre et irrésistible désir d'atteindre à une étoile.
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