Titre : L'Homme libre : journal quotidien du matin / rédacteur en chef, Georges Clemenceau ; directeur, Fr. Albert
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1926-10-15
Contributeur : Clemenceau, Georges (1841-1929). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 15 octobre 1926 15 octobre 1926
Description : 1926/10/15 (A14,N3735). 1926/10/15 (A14,N3735).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-230
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/02/2014
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L'HOMME LIBRE
LES LETTRES
COURRIER LITTERAIRE
© Le père de l'aviateur Roland Garros
va faire ses débuts dans la littérature.
Son premier livre, Forcerivs Humaines,
sou vera sans doute des polémiques dans
■1er» cercles coloniaux.
L'auteur y expose, en s'attachant à les
jllstifier, les revendications des const.itu-
tionnalistes annamites, lesquels, mécon-
tents t'es procédés administratifs des pe-
tits fonctionnaires, réclament une sorte
d'autonomie administrative sous le pro-
tectorat de la France.
M. Garros est un avocat très, connu en
Indochine, où il dirige un journal intitulé
la Jeune Asie.
* Les frères Leblcnd vont faire paraî-
tre, chei F. <,cnczi. un grand roman po-
litique auquel ils travaillent depuis 1912.
Ils se sont efforcés de traiter cette œuvre
avec la sérénité de l'Histoire.
L'action débute en ifi02, avec le minis-
tre Combe: et la loi de séparation. Deux
ordres-de personnages : des hommes: d'.E-
tat (Combes, Clemenceau, Briand, etc.),
qui font mouvoir les héros du livre, chefs
de parti en province. 1 1
Titre de l'ouvrage : les Martyrs de la.
République.
En apprenant la mort de M. Pierre
Dccourcellc. le Petit Bleu écrit ":
« On peut dire, sans le blesser, qu'il ap-
partenait à la grande épicerie littéraire. 11
M. Valmy-Baysse, dans l'article élo-
gieux qu'il lui a consacré dans la V >•
Zanté. déclare :
« Il a beaucoup travaillé, mais il a .fait
aussi beaucoup travailler les autres. »
Le Soir, de Bruxelles, rappelle le mot
cinglant d'Aurélien Scholl : « On joue une
pièce de Pierre Decourcelle ce soir, quel
est l'auteur. »
Enfin, la Presse Associée conte « qu'il
y a dix ans» les journaux publiaient la pe-
tite histoire suivante :
« On se rappelle la stupéfaction de ce
directeur de journal qui reçut, un matin,
deux (c suites » différentes du roman de
M. Decourcelle en cours de publication.
Par suite d'un contre-ordre, les deux
équipes qui, d'ordinaire, alternaient,
avaient travaillé au même chapitre, mais
tandis qu'une version laissait la mar-
quise désespérée, s'empoisonner après
avoir fiancé son fils naturel à la fille du
garde-chasse, la seconde favorisait la
fuite coupable de la grande dame avec ce
subalterne, vengeant ainsi l'honneur de
sa femme outragé par le jeune vicomte. »
ig Duhamel, romancier de l'inquiétude.
La Nouvelle revue française continue la
publication du Journal de Salavin. Voici
un* passage qui montrera Je héros de
Georges Duhamel en proie à un tourment
nouveau : -
4 juin. -.Je cherche, avec persévérance,
jun'moyen de parvenir à la chasteté. Il va
sans dire que ce projet semble incompati-
ble avec la cohabitation. Ce soir, après le.
dîner, ma mère dans sa chambre, j'ai ris-
qué, devant Marguerite, quelques phrases
fort générales sur mon besoin de solitude,
sur certains travaux entrepris depuis peu
ét qui pourraient exiger une retraite mo-
mentanée. Marguerite, qui cousait, a re-
levé la tête et m'a regardé, longuement.
Elle n'a pas pleuré ; mais sa bouche s'est
tordue. Chose effrayante, elle s'est mise à
loucher. Oui, sous l'effort de ses pensées,
elle a louché. Je ne la reconnaissais plus
et ne savais que dire..
Il est onze heures passées. Marguerite
est au lit, maintenant, dans la pièce voi-
sine. Elle ne dort pas- Elle ne bouge pas.
je sens qu'elle est éveillée. Elle louche
peut-être encore, toute seule,, dans la nuit.
Idée intolérable..
Comment puis-je trouver la paix de l'â-
me, avec, auprès de moi, cette douleur
obstinée que je ne pourrais soulager qu'en')
renonçant à moi-même ?
e De M. Léon Deffoux (Mercure de Fran-
ce) : Saint François d'Assise patron de
Chateaubriand. - « La - Saint-fronçais
m'est tous les ans un jour d'examen de
conscience », écrit Chateaubriand dans ses
Mémorres d'Outre-tombe (Tome VI, li-
vre IX) ; et la note q, Biré mise à cette
place, en bas de page, nous apprend que
tout lé morceau sur François d'Assise fut
écrit deux jours après la célébration de la
fête du saint, le 6 octobre 1833. Chateau-
briand y dit quels sont les dons qu'il reçut
de son patron : - -11
« François mourant voulut 'sortir du
monde nu comme il y était entré ; il de-
manda que son corps dépouillé fût enterré
dans le lieu où l'on exécutait les* crimi-
nels, en imitation du Christ qu'il avait
pris pour modèle. Il dicta un testament
tout spirituel, car il n'avait à léguer à ses
frères que la pauvreté et la paix ;\une
sainte femme le mit au tombeau.
« J'ai reçu de mon patron la pauvreté,
l'amour des petits et des humbles, la com-
passion pour les animaux ; mais mon bâ-
lon stérile ne se changera point en chêne
vert pour les protéger. »
Allusion à l'un dès miracles de la légen-
de franciscaine : le saint plantant son bâ-
ton à l'entrée du monastère de Ravaccia-
no 'et le bâton se changeant en un chêne
vert pour donner asile à des colombes. En
dépit de sa foi magnifique, Chateaubriand
n'attendait pas que l'année 1833 vît se re-
nouveler — même pour lui — de tels pro-
diges-
Marcel Thnmermnns
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ECHOS
Une réorganisation
L'arrivée de M. Bréaud a la tète de l'ad-
ministration de la Compagnie d'Orléans à
été saluée partout avec satisfaction. M.
Bréaud est un homme de grand mérite
qui contribua pour une grande part il la
reconstitution du réseau dç l'Etat, lequel
était, on s'en souvient, dans un état pi-
toyable.
Au surplus, on ne saurait mieux faire
son éloge qu'en rappelant ses états de ser-
vice. M. Bréaud est entré à la Compagnie
d'Orléans en novembre 1890, après sa sor-
tie de l'Ecole polytechnique. Ingénieur en
chef des services commerciaux en juin 191U,
il a été. a cette époque, chargé par le gou-
vernement d'une mission en Grèce pour
collaborer à la- réorganisation des chemins
de fer grecs. Rentré en France en janvier
1921, il fut détaché par le réseau d'Or-
léans sur le réseau de l'Etat pour y occu-
per les fonctions de sous-directeur de ce
réseau. Appelé quelques mois après à la
direction de la régie des chemins de fer
de la Ruhr, il y remplit un rôle prépon-
dérant qui lui valut les éloges du gouver-
nement. Malgré les grandes difficultés
auxquelles il eut à faire face, M. Bréaud
remit, en effet, sur pied toute l'organi-
sation des chemins de fer dit pays et as-
sura le bon fonctionnement des transports
dans des conditions très favorables à notre
occupation. Nommé directeur général du
réseau de l'Etat. le 1er novembre 1924, M.
Bréaud quitta ces fonctions en avril der-
nier pour des raisons personnelles, avec
le titre de directeur général honoraire. M.
Bréaud est commandeur de la Légion
d'honneur depuis le 5 août 1923.
M. Bréaud à la tète d'un réseau impor-
tant. n'esl-ce point l'homme qu'il faut à
la place qu'il faut ?
Les femmes turques et le mariage
.,
La nouvelle loi sur le mariage est en-
trée en vigueur à Constantinople. Désor-
mais, les jeunes filles turques seront sou-
mises aux mêmes lois que les européen-
nes. Elles ne pourront se fiancer avant l'â-
ge de 17 ans et se marier avant d'avoir 18
ans.
Les bans, tout comme chez nous, de-
vront être publiés huit jours avant la date
du mariage.
Est-ce à dire qu'ù. l'avenir la polygamie
sera supprimée et qu'il n'y aura plus de
désenchantées sur les rives du Bosphore ?
Le décret ne semble pas préciser jus-
qu'alors.
H RL01JNT
La Ville et le Département
La question du lait
M. Pierre Godin, président du Conseil
municipal de Paris, et (M. Dherbécourt,
président du Conseil général de la Seine,
se sont rendus, hier, auprès de M. Poin-
caré, président, du conseil des ministres, et
lui ont remis, au nom des bureaux de ces
assemblées, le vœu ci-après : Le bureau du
Conseil municipal et le burçau du Conseil
général -expriment l'émotion qu'ils res-
sentent devant la hausse constante des
prix du lait et de la raréfaction des arri-
vages d'un produit essentiel au ravitaille-
ment d'une grande agglomération, et par-
ticulièrement des enfants et des vieillards.
Ils expriment le vœu que le gouvernement
prenne d'urgence tout-es les mesures sus-
ceptibles de concourir à l'arrêt de la haus-
se des cours et. à la reprise normale des
expéditions dont le ralentissement progres-
sif est une angoissante menace pour la
population du. département de la Seine.
Réceptions
< La municipalité dé Paris recevra : 1. au-
jourd'hui vendredi, à 18 heures, une dé-
légation du congrès des Français à l'étran-
ger ; 2. demain samedi 16 octobre, à 18
heures, une délégation du congrèë des géo-
mètres ; 3. lundi 18 octobre à 15 heures,
une délégation du comité d'entente des
groupements natibnaux d'anciens combat-
tants et victimes de la guerre.
E. B.
"MORT DE M. MATHIS
député des Vosges
M. Edôuard Mathis, député des Vosges,
maire de Ville-sur-lllon, est décédé hier
dans une clinique de Nancy. Le défunt
était né le 8 décembre 1860, à Ville-sur.
Illon.
Ce .décès entraînera dés élections légis-
latives, complémentaires, puisque deux siè-
ges demeurent vacants avec l'élection au
Sénat de M. Flayelle.
LES RETRAITES
DES CHEMINOTS DE L'ETAT
M André Tardieu, ministre des travaux
publics, vient de décider la fusion de la
caisse de retraites des chemins de fer de
l'Etat avec celle des chemins de fer de
Il'Ouest. Bien que, depuis huit ans, le ré-
seau de l'Etat et le réseau racheté de
l'Ouest aient un budget unique, la gestion
des deux caisses.de retraites était restée
séparée. La mesure prise par le ministre
des travaux publics permettra de réaliser
d'importantes simplifications administra-
tives et permettra également un meilleur
aménagement des ressources de ces éta-
blissements.
LE CINEMA
Faisons le point !
Certes, l'industrie du cinéma n'a pas,
chez nous, toute la place qu'elle mérite,
et les films d'outre-Atlantique n'ont pas
encore trouvé, en France, la concurrence
que notre génie artistique doit pouvoir lui
opposer. Cependant les temps sont peut-
être plus proches qu'on ne le croirait où
cet état de choses évoluera, si toutefois
des difficultés d'ordre financier ne vien-
nent pas changer les actuelles données du
problème. En effet, de divers côtés, on
nous signale qu'écrasé par les taxes nou-
velles, des établissements de province vont
être contraints de fermer leurs portes.
Le prix des places a', de toute évidence,
atteint le plafond. C'est l'éternelle his.
toire de la poule aux œufs d'or ; mais le
gouvernement voudra-t-il le comprendre ?
Ceci est une tout autre histoire.
En attendant, voyons ensemble, si vous
le voulez bien, ce que nous apportent les
nouveautés de la semaine.
Vénus moderne, d'abord. C'est — en-
core I — un film américain. Naturellement,
il y sera question d'affaires, de commerce,
de luttes, de combat pour « faire » de l'ar-
gent. Tout ceci surprendra un peu sous
un titre qui annonce, malgré l'adjectif, de
l'amour. Mais nous sommes à Centre-
ville, où deux fabricants de parfums, Hugo
Miles et John Gray ont engagé une àpre
lutte pour lancer'un produit de beauté.
Niles, qui commence à chercher un peu
de repos, songe à marier son fils Horace,
jeune homme plus prétentieux que capa-
ble, à Mary Gray, vraiment délicieuse
fille.
Mais cela ne fait pas l'affaire du chef
de la publicité de Niles, qui juge déplora-
ble de voir ainsi gâcher l'existence de
Mary Gray. Aussi donne-t-il sa démission
et va-t-il proposer à Gray de présenter
sa fille au concours de beauté organisé
par les journaux. Vous avez deviné son
idée ? Il compte bien que Mary, une fois
couronnée reine de beauté (j'allais écrire
« star »), affirmera qu'elle ne doit son
charme qu'à l'emploi du produit dont son
père est l'inventeur.
Alors. alors se produisent des incidents
tellement nombreux et divers que je dois
renoncer à vous les narrer tous. Niles fait
tout pour décourager Mary, qui s'entête,
mais ne gagne pas le prix : c'est une de
ses amies qui décroche la timbale, et celle-
ci ne demande pas mieux que d'abonder
aux suggestions ingénieuses du chef de la
publicité.
Pour décousu qu'il soit, reconnaissons
que ce film est amusant. C'est d'ailleurs
la seule prétention qu'il avait : il y réus-
sit en partie. Il est bien joué par Esther
Ralsto.n, Lawrence Gray, Ford Sterling,
et par Fay Lanphier. Celle-ci a un droit
indiscutable à jouer un tel film : elle est
la femme unique à laquelle un concours
donna le droit de porter le titre de « la
plus belle femme des Etats-Unis ». Et, de-
puis-lors, elle se fait appeler : Miss Ame-
rica.
.Je vous parlerai maintenant d'une au-1
tre production qui, pour étrange qu'elle
puisse vous paraître, est un film français :
Le Petit Parigot. Film sportif, évidem-
ment. Peut-on' maintenant écrire un ro-
man, monter une pièce de théâtre, présen-
ter un film où ne trônera pas le mts-
cle ?
Le Petit Parigot est dû à René Le Soinp-
tier. M. Le Somptier, qui collabora avec
Louis Feuillade, a compris et su exploi-
ter (tout l'intérêt du film à épisodes. Il
a su le montrer dans Le Roi de la Pédale.
Mais revenons à nos moutons. Le Petit
Parigot, c'est l'homme de la rue, de la
rue. en ce moment, le jeune sportif qui
va du stade au vélodrome, ardent, vibrant
à toutes les émotions que lui dispensent
les animateurs des grandes réunions.
C'est d'après* l'œuvre de MM. Cartoux
et Decoin que René Le Somptier a bâti
son œuvre.
Capitaine de l'équipe française oe
rugby, Georges Grigny-Latour, fils d'un
académicien célèbre, a reçu de ses coéqui-
piers le surnom de « Petit Parigot ». Le
sport le passionne si vivement qu'il quit-
tera le foyer paternel à la suite d'une al-
tercation au cours de laquelle le vieil aca-
démicien , son père, jette l'anathème au
sport qui, dit-il, détourne les jeunes hom-
mes de leurs études.
Naturellement, le « Petit Parigot » est
débrouillard par nature. Il réussit à se
faire prendre par son ami Mesnil, pro-
priétaire d'un garage. Le jeune mécani-
cien ne tarde pas à s'éprendre de la jolie
Lucie Mesnil.
Celle-ci est courtisée, d'autre part, par
un commanditaire du garage, Robert de
M on te rv al, fiancé de la sœur de Georges
Grigny-Latour.
Pour arriver a ses fins, de Monterval
menace Lucie de ruiner son père à tout
jamais. Le « Petit Parigot », qui découvre
l'infâme conduite de son futur bpau-frère,
s'ingénie à le confondre.
Tel est le thème. Il est simple, mais
René Le Somptier a su en tirer parti
avec beaucoup d'habileté : il a utilisé tou-
tes les grandes manifestations sportives
de notre époque et a convié devhnt l'ob-
jectif les « as » du court, de la route et
de l'air. C'eet ainsi que figurent, dans le
film, Suzanne Lenglen, Pelletier d'Oisy,
Suzanne Wurtz, etc.
Les grandes journées du stade de Co-
lombes ont également trouvé leur place
dans cette bonne réalisation. Le mouve-
ment bien noté des départs de trains pour
Colombes, et l'inauguration récente de la
saison du stade par le président de la Ré-
publique sont habilement intercalés dans
les principales scènes.
Biscot, le plus sympathique des comi-
ques français/a composé le personnage
vibrant du « Petit Parigot » avec une rare
habileté, beaucoup de gaieté et d'allant.
André Dubosc, dans le rôle de l'académi-
cien Grignv-Latour, est toujours le comé-
dien parfait que l'on connaît.
Suzanne Christy, Napierska, Marqui-
sette, Rosky, Melchior, Jeanne-Marie Lau-
rent, Charpentier et la petite BOllboule,
complètent heureusement la distribution.
Et, chose qui ne gâte rien. de beaux
coins de Paris, de calmes horizons nor-
mands, constituent les toiles de fond de
l'action.
F. F.
AU FILM DES JOURS
Les Chagrins de Satan. — C'est le titre
d'un grand film dont Griffith achève les
montages. On déclare que Les Chagrins
de Salait seront l'œuvre magistrale du
grand animateur.
Valencia. Oui, encore. C'est le titre du
film que tourne en ce moment Maë* Mur-
ray.
Après l'obsession qu'ont subie nos oreil-
les, l'écran va continuer. Pauvres de
nous !
Bardelys le Magnifique. — Ce sera une
production de King Vidor. Ce sera une
œuvre franco-américaine : le mariage de
la carpe et du lapin. Attendons.
Quels sont les sports que pratiquent les
grandes vedettes du film ? Ecoutez :
Betty Bronson adore l'automobile. Wal-
lace Beery, la pêche, tandis que son frère
Noah se livre aux plaisirs de la chasse.
-Raymond Griffith est un yachtman re-
marquable et James Cruzo un nageur
étonnant. Ricardo Cortez a un faible très
marqué pour la boxe et Richard Dix pour
le golf. Florence Vidor est une fervente
de la raquette. Quant au jeune William
Collier, le football a toutes ses sympa-
thies.
Revue de la Presse
Les scandales municipaux
On lit dans le Petit Bleu :
Un congrès de la route s'étant tenu à
Milan, quatorze conseillers municipaux de
la Ville de Paris jugèrent indispensable
de se faire-désigner pour assister aux tra-
vaux de ce congrès et se firent verser, à
titre de provision, une somme de cinq
mille francs- Mais s'ils étaient 14 désignés
et payés pour l'embarquement sur le ba-
teau de la ville, 3 seulement touchèrent au
but. Les autres se contentèrent de tou-
cher très simplement la provision mise à
leur disposition pour frais de voyage et
s'égrenèrent en cours de route. Mais ils
avaient touché et ils pouvaient reprendre,
en la modifiant légèrement, la formule de
Descartes : « Je touche, donc je suis ! ».
Toute philosophie mise à part, ne serait-
il pas de la plus stricte honnêteté, pour
ces édiles qui' faillirent faire un beau
voyage, de rendre très simplement l'ar-
gent ? Et ce ne serait pas moins le devoir
de ceux qui le leur ont versé de le leur
réclamer, car, après tout, cet argent, c'est
le nôtre.,
Guillaume 13
M. Henri Réraud a terminé son énqule
en Allemagne par : te flânerie à Doorrl,
autour du château habité par l'ex-empe-
reur.
A quoi, nous dit-il dans le Journal, son-
ge Guillaume II quand, tourné vers l'Est,
il s'accoude aux parapets du château van
Heek ? Ecoute-t-il, au loin, l'appel des
trompettes de Potsdam ? On peut tout
craindre de cet homme. Seul au monde,
peut-être, il méconnaît le bilan de haine
et de douleur, la grandiose horreur que
représente son nom.
Qui sait s'il oserait ?. Mackensen n'est-
il pas venu, dernièrement, au nom des
reîtres. le rassurer et l'encourager ?
En longeant ces barrières en fils barbe-
lés dont le château de Doorn est entouré,
j'ai pensé aux périls que cet homme in-
carne encore, huit ans après sa fuite et;
sa déchéance. Si les closes ne dépendaient1
que de lui, pensais-je, on pourrait tout
craindre. Il aime tant la politique théâ-
trale ! Même en se sauvant, le poltron fai-
sait des phrases. Il disait : « Je combat-
trai à outrance, avec une poignée de bra-
ves ! » Cependant sa voiture filait héroï-
quement vers Maestricht.
La femme-Jockey
C'est hier que les femmes-jockeys ont
fait leurs débuts en Angleterre, dans le,
Newmarket Town Plate. Il faut ajouter
que colle épreuve était réservée aux, ama.,
leurs.
Les fières et fougueuses amazones, pro-
teste M. Gignoux dans le Figaro, n'au-
ront pas de licences. Les Anglais, qui per-
mettent à leurs ex-suffragettes de siéger
à la Chambre des Communes, ne tolèrent
pas qu'elles disputent aux jockeys pro-
fessionnels le moindre prix à réclamer.
Chez nous, où les femmes ne votent pas.
nos sociétés d'encouragement sont encore
plus résolues à leur faire perdre toute
espérance d'entrer à Auteuil ou à Long-
champ. Le féminisme a trouvé sa limite.
Quo non ascendant ? disait une petite da-
me du Fouquet. — Partout, sauf sur un
cheval numéroté.
Il est permis d'être homme, mais pas
à ce point-là. Quelle injustice et quelle in.
cohérence ! Une femme peut conduire sur
les routes, à cent à l'heure, une automo-
bile de 'quarante chevaux, et vous l'empê-
cheriez de faire du petit trente-cinq sur
un seul cheval, dans un champ de courses
parfaitement clos ! Une femme peut être
avocat, médecin, et vous ne la laisseriez
pas risquer sa propre chance et sa propre
vie sur un hippodrome ! Voilà qui est
inexplicable, incompréhensible.
Portraits sur fruits
On a beaucoup parlé de ces poires offer-
tes par un jardinier à M. Mussolini, et
sur lesquelles, fort bien venu, s'étalait le
portrait du Duce. Il n'y a là, nous disent
les Annales, rien de nouveau.
Il y a beau temps que ce procédé est
connu et employé. Les gros marchands
de primeurs qui fournissent les maisons
royales ou princières ne sont pas les der-
niers à le savoir.
Comment on fait ? C'est très simple. On
choisit un fruit de table, poire, pomme,
pêche ou brugnon, un fruit qui se colore
vivement à l'époque de la maturation. Dès
que ce-fruit a atteint son volume normal,
on applique sur sa partie la mieux expo-
sée au soleil une feuille de papier blanc
ajourée représentant le dessin choisi :
initiales, monogramme, tortîl, couronne,
emblème, portrait.
Les rayons lumineux n'agissent que sur
les endroits découverts- Tout ce qui est
caché reste donc en clair. Quand le soleil
a terminé son œuvre, il n'y a plus qu'à
enlever le papier, et le dessin apparaît,
pâle sur le fond'rouge.
Il y a un mais. Pour ne point attaquer
la peau du fruit, si délicate, il convient
de se servir d'une colle spéciale. Savez-
vous comment on obtient la meilleure ?
En broyant des limaces au fond d'un réci-
pient. La matière gluante qui résulte de
cette opération constitue la colle idéale.
Voilà un petit détail qu'ignorent certai-
nement les grands de ce monde à qui t'en
fait l'honneur de reproduire leurs traits
sur un fruit.
L'impôt sur la mort
Le fisc turc est un grand admirateur
du fisc français et c'est ainsi qité le gtand
argentier d'Angora vient d'établir un nou-
vel impôt qui inaugure en Turquie l'im-
position sur le revenu. Mais ce n'est pas
tout,
Ajoutez à cette taxe de création récente,
nous dit le Carnet de Içl Semaine, une au-
tre sur les morts et vous comprendrez
qu'il est aussi désagréable de vivre que de
mourir en Turquie.
En effet, les compagnies d'assurances
ont été invitées à fournir des renseigne-
ments sur les primes d'assurance à vie et
d'informer chaque fois les autorités com-
pétentes des versements effectués par elles
en cas de décès.-. Alors il faudra vivre.
sans mourir en Turquie ou n'assurer ja-
mais sa vie., la première condition étant
impossible et irréalisable pour les. mor-
tels., force sera pour eux d'opter pour la
seconde. et pratiquement les compagnies
d'assurances seront incapables d'assurer
leur propre existence en Turquie !
La cuite dominicale
Le conseil municipal de Peillac (Mor-
bihan) a voté cette amusante délibération
que nous signale notre confrère ropi-
nion :
« Tout ivrogne rencontré dans les rues
sera passible d'une amende de 10 francs,
qui sera versée au bureau de bienfaisan-
ce. Cette amende sera réduite de 50 pour
cent les jours de fêtes légales et les di-
manches. ,
(c M. le garde-champêtre est chargé de
veiller à l'exécution de la présente. »
On peut prendre une cuite les diman-
ches ft jours de fêtes dans cet heureux
pays' : ça ne coûte que la moitié !
Claude Villechaud.
NOUVELLES
BRêVE S- ,
&
EN FRANCE:
Le bureau du sceau du ministère de la jus-
lice
Les services du bureau du sceau du mi-
nistère de la justice seront transférés le
mercredi 20 octobre, 24, rue de l'Universi-
té, dans l'immeuble qui leur a été affecté
par décret du ?! septembre dernier.
Au Quai d'Orsay
M. Briand, ministre des affaires étran-
gères, a reçu hier matin M. Rakowsky,
ambassadeur des républiques socialistes;
soviétiques. L'ambassadeur de l'U. R. S.
S. a entretenu M. Briand de la prochaine
reprise des négociations relatives à la dct..
le russe envers la France.
La Russo-asiatique
Congrès général des créanciers de la<
Russie. — Assemblée des Associations des
porteurs de fonds russes et du « Comité
d'action pour le règlement des intérêts fran-
çais en Russie » ; Assemblée, spéciale des-
membres de « l'Association des action-
naires de la « Banque russo-asiatique » :
nomination du délégué général : M. Albert
Favre, ancien sous-secrétaire d'Etat. —
Résolutions à prendre en vue de l'assem-
blée des créanciers ; ù: la mairie du IVe
arrondissement, place Baudoyer, à 14 h.'
30, le dimanche 24 octobre 1026.
Les grands débats du Faubourg
Au Çluto du Faubourg, lundi soir, 18 oc-
tobre, salle Wagram, Henri Barbusse ex-
posera : u Pourquoi j'ai écrit u Les Bour-
reaux r,
M. Painlevé à Versailles et à Villacoublay
Le ministre de la guerre a visité 'hier
le centre d'études aéronautiques de Ver-
sailles et la commission des essais prati- -
ques de l'aéronautique de Villacoublay.
A l'Institution nationale des Invalides
M. Louis Marin, ministre des pensions,
a visité hier après-midi, sous la direction
du général Mariaux, l'Institution nationale
des Invalides.
A L'ETRANGER
Le procès Yvan de Justh
Une quarantaine de témoins ont été cités,
à comparaître à Genève au procès Yvan
de Justh, le Hongrois qui frappa le comte
Bethlen dans les couloirs de la Société des
Nations.
Au nombre des témoins de la défense fi-
gurent MM. Aulard et Victor Basch, pro-
fesseurs à la Sorbonne, et le comte An-
drassy.. oU
Le prince Carol redeviendrait prince hé-
ritier
Le « New York Herald » croit savoir de
source très avertie et touchant de près à
la personne du prince Carol de Roumanie,
que celui-ci-ne tardera pas à retourner au-
près de la princesse Hélène, sa femme,
et reprendra ses droits de prince héritier,, ,
LE CAMBRIOLAGE v":
du château de Chantilly
Les inspecteurs Février et. Lespinasse
poursuivent activement leurs investiga-
tions à Chantilly et dans la région. C'est
ainsi qu'ils ont déjà pu savoir où les deux,,
échelles qui ont servi aux cambrioleurs
pour atteindre à la hauteur de la salle
des Gemmes avaient été dérobées. ,
: C'est tout près de la station du champ
de courses, dans jun chantier à côté du
pont de la Morlaye, à un kilomètre et de-
mi du château- 1
Le propriétaire du chantier, M. Guyot,
de Creil qui se déclare sûr de son person-
nel ouvrier, a consenti cependant à faire
dresser la liste des maçons et des manœu-
vres qu'il n'employa que quelques jours,
voire quelques heures, depuis un mois ail-
moins. -
Munis de cette liste, les policiers vérir"
fient les indications qu'elle leur a procu-
rées. Déjà plusieurs ouvriers italiens, qui"
ne travaillèrent que dix ou vingt heures
au chantier du pont de la Morlaye, sont
recherchés.
D'autre part, la scie égoïne brisée trou-
vée près du poteau d'arrivée du -champ de
courses par un employé, M. Colset, a été
reconnue, à-Paris, par les vendeurs d'un
grand bazar proche de l'Hôtel de Ville",
grâce à la mention U/9 portée au crayon
sur sa poignée restée intacte.
Scotland Yard
recherche les ravisseurs du diamant rose
Depuis quarante-huit heures, les inspec-
teurs de Scotland Yard explorent Londres
à la recherche du diamant rose. Tous les
clubs, cabarets et asiles où fréquentent la
haute et la basse pègre ont été visités pen-
dant la nuit. Des détectives surveillent les
abords du quartier de Hatton Garden, où
se trouve concentré le commerce des pier-
res précieuses. Divers receleurs bien con-
nus de la pôlice font l'objet d'une surveil-
lance constante. Aucu. indice n'indique
jusqu'ici que le bijou ait été apporté à-
Londres.
Des photographies des empreintes rele-
vées sur la vitrine aux bijoux ont été re-
çues à Scotland Yard, où des recherches
sont opérées parmi les fiches du bureau
criminel. On s'occupe d'établir les mouve-
ments, au cours de ces dernières semaines,
de deux individus suspects.
FEUILLETON DE L'HOMME LIBRE DU 15 OCTOBRE 1926 - 7 -
Umm
L'HOMME DE PAILLE
(Chronique de 1913)
GRAND ROMAN INEDIT
par COEURJOtE
CHAPITRE III
Le jeune homme examina ce grand
espace avec sympathie. 11 ouvrit deux
panneaux de la baie,. et l'air nocturne
balaya les odeurs mortes du grenier.
Le souvenir des héros de théâtre, que
Taverny l'avait accusé d'imiter fit plai-
samment désirer à Claude de rêver sur le
balcon silencieux : il ne lui manquait
point d'illusions à poursuivre, ou da
plans àrtracer- Mai il était trop soulagé,
ijop heureux de se croire entouré de vbra-
~"es cœurs, un métier dans les mains, le
pied à l'étrier, pour vaincre le sommeil
qui payait cette journée fatigante; c'est
la douleur ou le souci qui nous tiennent
éveillés ; la sécurité, la joie nous acca-
blent.
Découvrant son lit de fer et débouclant
ses valises, Claude jeta ses habits pêle-
mêle sur le canapé ; mais il avait dlabord
caché toute sa fortune, .quatre louis, dans
le ti- ir d'un guéridon ; puis sans même
fermer sa porte à la clef, se tournant vers
le mur pour ne plus voir aucune lumière,
il s'endormit comme un soldat.;
'V ■
CHAPITRE IV
La réverbération du jour sur les mu-
railles obliques éveilla Claude dès quatre
heures. Mais cet aecourcissement imprévu
de son repos ne lui fut point désagréable :
il se souvint 'du régiment, où il n'avait
point éprouvé tant de sympathie pour les
personnes que pour les choses, pour la
monotonie d'une vie fortifiante et pour la
discipline.
Dans le brouillard du demi-sommeil, ces
réminiscences le conduisirent à une rêve-
rie plus vaste, qui s'étendait du passé vers
l'avenir. La traditionnelle méditation qui
prélude aux efforts, à laquelle sa fatigue
ou sa joie l'avait empêché de se li'vrer sur
le balcon, il la fit tout die même, en comp-
tant de son lit les fleurs roses du papier.
Toutes les figures qui lui étaient ap-
parues familièrement se confondaient dans
sa mémoire : il voyait sauter Noche et la
patronne, il entendait Valorcs : « I will
drinh. I am a Frcnchman », et les con-
seils, les promesses, les plaintes du maî-
tre à danser ; puis il écoutait ses propres
réponses, si gauches, et il était honteux de
I s'être aussi mal présenté.
1 .« Quelle, impression a dû faire l'histoi-
re de ma vie ! pensa-t-il en se réveillant
davantage. Qui m'obligeait surtout d'ana-
lyser mon caractère ? Un ambitieux ti-
mide ! - Autant leur dire : « Exploitez-
moi ». D'ailleurs, sais-je moii-iméme ce
que je serai ? Je n'ai jamais navigué sans
pilote, et me voici pour la première fois
responsable ; je ne m'inspire pas une
folle confiance ». •
Ces reflexions, furent suivies de bien
d'autres : Claude, qui avait l'esprit de se
juger, reconnaissait en soi des tendances
cpntraires. Ses vertus presque féminines,
une modestie, une coquetterie malicieuses
et tendres, juraient avec l'ambition assez
vulgaire dont les accès le tourmentaient,
comme ceux drune odieuse, mais inguéris-
sable maladie, et que relevait à peine un
sens ironique du nnonde.
Il tâchait, d'expliquer cette antinomie
par une distraction du hasard : il s'ima-
ginait volontiers être né après l'heure
car les arénérations contigués sont vouées
alternativement à l'action et à la pensée,
comme les robes des femmes, qui vont à
intervalles réguliers de la crinoline au
fourreau.
Qui! dominerait en Claude, dans les lut-
tes perpétuelles que soutiennent la pares-
se et notre volonté, l'homme pratique ou
le rêveur ? Il doutait de soi : Imais au-
dessus d'une relative médiocrité, cette dé-
fiance est commune aux ambitieux et aux
spéculatifs.
Tout dépendait de la première campagne.
Aussi l'intelligence mobile de Claude cri-
tiquait tour-à-lour mille pians ; au mi-
lieu de ces discussions intimes, plus ab-
sorbantes que le sommeil, il eut le sen-
timent que l'on frappait à la porte : elle
s'ouvrit en effet, Mme Orbonne passa la
tète et mummira :
— « C'est qu'il dort toujours ! »
Avant que le jeune homme eût secoué
son engourdissement, la cuisinière péné-
tra tout-à-fait idans l'atelier, parvint au
lit, et fit un cri léger en voyant les yeux
bien ouverts de celui qu'elle croyait as-
soupi.
— Oh ! dit-elle. je vous demande par-
don, monsieur Valentin. En me levant, à
cinq heures, je suis entrée déjà, vous dor-
miez comme un bienheureux.
— Moi ? je me suis éveillé à quatre heu-
res ! dit Claude en prenant sa montre.
— Allons donc ! répliqua Mme Orbonne.
Vous ne savez pas qu',il en est six ?
— Ah! mon Dieu! s'écria le jeune hom-
fIIl'e, qui ne croyait poitot avoir médité si
longtemps. On né m'a pas fixé l'heure à
laquelle je dois être prêt.
— Ah! répondit Mme Orbonne, les Ta-
verny descendront dans deux heures.
Mais je suis plus inatinale. J'occupe la
chambre au fond, sur le même palier que
vous. Je voulais m'assurer que rien ne
vous manquait. et. Mme Taverny m'a
promis que vous me rendriez quelques pe-
tits services. On n'obtient pas des filles
du pays, quand elles veulent encore bien
s'engager comme domestiques, qu'elles
arrivent avant huit heures du matin.
— Mais. dit uiauae surpris, misant un
geste pour se lever, je suis tout à vos
ordres. ».
— Ne vous hâtez pas, dit la cuisinière,
qui! s'ftistalfa dans un fauteuil.
Aujourd'hui, nous nous arrangerons.
Vous vous habillerez quand je serai par-
tie. Dites donc. Comment les avez-votus
trouvés ?
— Qui ?
- Les patrons, les pensionnaires.'
- Ce sont de charmantes gens, dit pru-
demment Claude.
— Bah ! reprit la cuisinière, ne faites
pas le diplomate avec. moi. D'abord, mon
garçon, je pourrais être votre maman, et
puis je ne les porte point dans mon cœur,
les Taverny. De mon vrai métier, je suis
couturière, à Paris. Madame, qui m'em-
ployait en journées, savait que je fricote
gentiment. Elle m'a fait voir monts et mer-1
veilles pour me décider à les suivre. Ah !
ouiche ! Vingt sous par jour et par convive,
voilà ce qu'on me donne, et débrouille-toi.
Dix bouches affamées, dix francs, gages
non compris, comme de raison, mais pen-
sez ce qu'il reste. J'y met du mien.
Pour faire le poids, on ne me marchande
pas les vexations. Je suis veuve et j'ai une
fillette de dix ans, monsieur, silencieuse,
et mignarde, et qui m'aiderait déjà. Oh !
je ne l'ai pas laissée à Paris, bien sûr.
Mais le Taverny a tant fait de musique,
lorsqu'il nous a vues venir, que j'ai confié
ma petite à des épiciers au Tréport. Je ne
la vois que le dimanche, croyez-vous.
Hier soir, VQus avez entendu comme on me
parle. C'est un fou, ce baladin-là, ses
danses lui ont tapé sur le cerveau. Je suis
ébaubie qu'il ne se soit jamais brouillé
avec sa femme, qui est encore la plus ai-
mable. Et ce n'est pas faute de se cha-
mailler. Vous verrez, quand il lui - repro-
che 1 ami de la maison, Valorès. La Co-
prescu s'en mêle, comme elle se mêle de
tout, cette née-sous-les-ponts, toujours
criant, jamais contente, encore plus fière
et chipie que sa fille, le phénomène ! Nico-
las, au moins, est un brave homme, lui,
généreux, et gai. Sa belle-même aussi est
une digne femme, Mme Tirard. S'il n'y
avait qu'elle et les Guttmarai ! Voilà des
personnes discrètes et polies 1 Seulement,
ils ne sont point toqués de la cerba, le
patron ne les caresse pas comme les autres,
quoi qu'ils soient de ses amis d'enfance.
« Ah ! mais ! s'écria la bavarde, saisie
de la froideur de Claude, vous n'irez pas
leur rapporter ce que je vous dis ? Ne vous
faites pas illusiooi : nous sommes du même
parti, Mlle Bourdon, vous Pt moi, de ceux
qu'ils exploiteraient, si nous n'y mettions
obstacle. Faut pas non plus vous impres-
sionner 1, Il vous en arrivera de cruelles,
mais vous êters jeune : ça dresse les hom-
mes.,. Vous avez débarqué à l'heure du
1 urs ? -
— A la fin, répondit Claude.
— Oh ! elles attendaient bien pour vous
dévisager toutes les pimbêches, les bon-
nes élèves, les chéries du patron, Mme Tu-
bingue, Mme Chocardelle, Mme Cattiot.
- Ne m'en dites pas de mal, s'écria la
jeune homme en riant, je dois faire leur"
éloge dans l'Echo de la Plage !
— Bon, dit la cuisinière, je m'en vais
vous édifier.
La médisante Paxisienne renseigna
Claude avec tant de verve, que lorsqu'elle
descendit, après lui avoir répété qu'il
devait la rejoindre à la cuisine, l'infoi;-,,,
tuné sentait sa - belle confiance ruinée par
une 'terreur invincible, et désespérait
d'écrire le panégyrique de tous ces i-nonse..,
itres.
Qu'il eût souhaité la (désinvolture d'un
camarade d'escadron, dans le civil rédac-
teur de faits divers, et qui maniait impu-
demment les liux-communs de la presse !
Tout en s'habillant, il ne pouvait s'empê-
cher de rire des obligations qui s'ajou-
taient à son' emploi.
Soudain, comme il arrive aux journa-
listes débutants, Claude sentit naître une
banale, mais irrésistible inspiration : il..
entrevit le moyen d'utiliser ses impres--
sions de la veille, et de retourner les bro-,,
cards de Mme Orbonnc.
Dans une de ses valises, il prit du pa-
pier. un crayon, et en phrases qui trahis-i
saient le collégien ou le brigadier-fourrier;"
il ébaucha un naïf tableau de l'arrivée dit
violoniste et des danses au milieu du sou."
per, conjura les infidèles de se rallier à
la cerba, vanta le charme de Mme Taver-
ny, les talents du professeur, la conviction
de Nicolas et de Loulou, la précociité de
Noche ; puis s'amusant lui-même à distri-
buer les louanges aux clientes dont ît ,.
savait les noms il vit le terrible article à
moitié fait en un clin d'œil.
(A suivre.)
L'HOMME LIBRE
LES LETTRES
COURRIER LITTERAIRE
© Le père de l'aviateur Roland Garros
va faire ses débuts dans la littérature.
Son premier livre, Forcerivs Humaines,
sou vera sans doute des polémiques dans
■1er» cercles coloniaux.
L'auteur y expose, en s'attachant à les
jllstifier, les revendications des const.itu-
tionnalistes annamites, lesquels, mécon-
tents t'es procédés administratifs des pe-
tits fonctionnaires, réclament une sorte
d'autonomie administrative sous le pro-
tectorat de la France.
M. Garros est un avocat très, connu en
Indochine, où il dirige un journal intitulé
la Jeune Asie.
* Les frères Leblcnd vont faire paraî-
tre, chei F. <,cnczi. un grand roman po-
litique auquel ils travaillent depuis 1912.
Ils se sont efforcés de traiter cette œuvre
avec la sérénité de l'Histoire.
L'action débute en ifi02, avec le minis-
tre Combe: et la loi de séparation. Deux
ordres-de personnages : des hommes: d'.E-
tat (Combes, Clemenceau, Briand, etc.),
qui font mouvoir les héros du livre, chefs
de parti en province. 1 1
Titre de l'ouvrage : les Martyrs de la.
République.
En apprenant la mort de M. Pierre
Dccourcellc. le Petit Bleu écrit ":
« On peut dire, sans le blesser, qu'il ap-
partenait à la grande épicerie littéraire. 11
M. Valmy-Baysse, dans l'article élo-
gieux qu'il lui a consacré dans la V >•
Zanté. déclare :
« Il a beaucoup travaillé, mais il a .fait
aussi beaucoup travailler les autres. »
Le Soir, de Bruxelles, rappelle le mot
cinglant d'Aurélien Scholl : « On joue une
pièce de Pierre Decourcelle ce soir, quel
est l'auteur. »
Enfin, la Presse Associée conte « qu'il
y a dix ans» les journaux publiaient la pe-
tite histoire suivante :
« On se rappelle la stupéfaction de ce
directeur de journal qui reçut, un matin,
deux (c suites » différentes du roman de
M. Decourcelle en cours de publication.
Par suite d'un contre-ordre, les deux
équipes qui, d'ordinaire, alternaient,
avaient travaillé au même chapitre, mais
tandis qu'une version laissait la mar-
quise désespérée, s'empoisonner après
avoir fiancé son fils naturel à la fille du
garde-chasse, la seconde favorisait la
fuite coupable de la grande dame avec ce
subalterne, vengeant ainsi l'honneur de
sa femme outragé par le jeune vicomte. »
ig Duhamel, romancier de l'inquiétude.
La Nouvelle revue française continue la
publication du Journal de Salavin. Voici
un* passage qui montrera Je héros de
Georges Duhamel en proie à un tourment
nouveau : -
4 juin. -.Je cherche, avec persévérance,
jun'moyen de parvenir à la chasteté. Il va
sans dire que ce projet semble incompati-
ble avec la cohabitation. Ce soir, après le.
dîner, ma mère dans sa chambre, j'ai ris-
qué, devant Marguerite, quelques phrases
fort générales sur mon besoin de solitude,
sur certains travaux entrepris depuis peu
ét qui pourraient exiger une retraite mo-
mentanée. Marguerite, qui cousait, a re-
levé la tête et m'a regardé, longuement.
Elle n'a pas pleuré ; mais sa bouche s'est
tordue. Chose effrayante, elle s'est mise à
loucher. Oui, sous l'effort de ses pensées,
elle a louché. Je ne la reconnaissais plus
et ne savais que dire..
Il est onze heures passées. Marguerite
est au lit, maintenant, dans la pièce voi-
sine. Elle ne dort pas- Elle ne bouge pas.
je sens qu'elle est éveillée. Elle louche
peut-être encore, toute seule,, dans la nuit.
Idée intolérable..
Comment puis-je trouver la paix de l'â-
me, avec, auprès de moi, cette douleur
obstinée que je ne pourrais soulager qu'en')
renonçant à moi-même ?
e De M. Léon Deffoux (Mercure de Fran-
ce) : Saint François d'Assise patron de
Chateaubriand. - « La - Saint-fronçais
m'est tous les ans un jour d'examen de
conscience », écrit Chateaubriand dans ses
Mémorres d'Outre-tombe (Tome VI, li-
vre IX) ; et la note q, Biré mise à cette
place, en bas de page, nous apprend que
tout lé morceau sur François d'Assise fut
écrit deux jours après la célébration de la
fête du saint, le 6 octobre 1833. Chateau-
briand y dit quels sont les dons qu'il reçut
de son patron : - -11
« François mourant voulut 'sortir du
monde nu comme il y était entré ; il de-
manda que son corps dépouillé fût enterré
dans le lieu où l'on exécutait les* crimi-
nels, en imitation du Christ qu'il avait
pris pour modèle. Il dicta un testament
tout spirituel, car il n'avait à léguer à ses
frères que la pauvreté et la paix ;\une
sainte femme le mit au tombeau.
« J'ai reçu de mon patron la pauvreté,
l'amour des petits et des humbles, la com-
passion pour les animaux ; mais mon bâ-
lon stérile ne se changera point en chêne
vert pour les protéger. »
Allusion à l'un dès miracles de la légen-
de franciscaine : le saint plantant son bâ-
ton à l'entrée du monastère de Ravaccia-
no 'et le bâton se changeant en un chêne
vert pour donner asile à des colombes. En
dépit de sa foi magnifique, Chateaubriand
n'attendait pas que l'année 1833 vît se re-
nouveler — même pour lui — de tels pro-
diges-
Marcel Thnmermnns
Achetez toujours L'HOMME HHitE
- chez le mime marchand
ECHOS
Une réorganisation
L'arrivée de M. Bréaud a la tète de l'ad-
ministration de la Compagnie d'Orléans à
été saluée partout avec satisfaction. M.
Bréaud est un homme de grand mérite
qui contribua pour une grande part il la
reconstitution du réseau dç l'Etat, lequel
était, on s'en souvient, dans un état pi-
toyable.
Au surplus, on ne saurait mieux faire
son éloge qu'en rappelant ses états de ser-
vice. M. Bréaud est entré à la Compagnie
d'Orléans en novembre 1890, après sa sor-
tie de l'Ecole polytechnique. Ingénieur en
chef des services commerciaux en juin 191U,
il a été. a cette époque, chargé par le gou-
vernement d'une mission en Grèce pour
collaborer à la- réorganisation des chemins
de fer grecs. Rentré en France en janvier
1921, il fut détaché par le réseau d'Or-
léans sur le réseau de l'Etat pour y occu-
per les fonctions de sous-directeur de ce
réseau. Appelé quelques mois après à la
direction de la régie des chemins de fer
de la Ruhr, il y remplit un rôle prépon-
dérant qui lui valut les éloges du gouver-
nement. Malgré les grandes difficultés
auxquelles il eut à faire face, M. Bréaud
remit, en effet, sur pied toute l'organi-
sation des chemins de fer dit pays et as-
sura le bon fonctionnement des transports
dans des conditions très favorables à notre
occupation. Nommé directeur général du
réseau de l'Etat. le 1er novembre 1924, M.
Bréaud quitta ces fonctions en avril der-
nier pour des raisons personnelles, avec
le titre de directeur général honoraire. M.
Bréaud est commandeur de la Légion
d'honneur depuis le 5 août 1923.
M. Bréaud à la tète d'un réseau impor-
tant. n'esl-ce point l'homme qu'il faut à
la place qu'il faut ?
Les femmes turques et le mariage
.,
La nouvelle loi sur le mariage est en-
trée en vigueur à Constantinople. Désor-
mais, les jeunes filles turques seront sou-
mises aux mêmes lois que les européen-
nes. Elles ne pourront se fiancer avant l'â-
ge de 17 ans et se marier avant d'avoir 18
ans.
Les bans, tout comme chez nous, de-
vront être publiés huit jours avant la date
du mariage.
Est-ce à dire qu'ù. l'avenir la polygamie
sera supprimée et qu'il n'y aura plus de
désenchantées sur les rives du Bosphore ?
Le décret ne semble pas préciser jus-
qu'alors.
H RL01JNT
La Ville et le Département
La question du lait
M. Pierre Godin, président du Conseil
municipal de Paris, et (M. Dherbécourt,
président du Conseil général de la Seine,
se sont rendus, hier, auprès de M. Poin-
caré, président, du conseil des ministres, et
lui ont remis, au nom des bureaux de ces
assemblées, le vœu ci-après : Le bureau du
Conseil municipal et le burçau du Conseil
général -expriment l'émotion qu'ils res-
sentent devant la hausse constante des
prix du lait et de la raréfaction des arri-
vages d'un produit essentiel au ravitaille-
ment d'une grande agglomération, et par-
ticulièrement des enfants et des vieillards.
Ils expriment le vœu que le gouvernement
prenne d'urgence tout-es les mesures sus-
ceptibles de concourir à l'arrêt de la haus-
se des cours et. à la reprise normale des
expéditions dont le ralentissement progres-
sif est une angoissante menace pour la
population du. département de la Seine.
Réceptions
< La municipalité dé Paris recevra : 1. au-
jourd'hui vendredi, à 18 heures, une dé-
légation du congrès des Français à l'étran-
ger ; 2. demain samedi 16 octobre, à 18
heures, une délégation du congrèë des géo-
mètres ; 3. lundi 18 octobre à 15 heures,
une délégation du comité d'entente des
groupements natibnaux d'anciens combat-
tants et victimes de la guerre.
E. B.
"MORT DE M. MATHIS
député des Vosges
M. Edôuard Mathis, député des Vosges,
maire de Ville-sur-lllon, est décédé hier
dans une clinique de Nancy. Le défunt
était né le 8 décembre 1860, à Ville-sur.
Illon.
Ce .décès entraînera dés élections légis-
latives, complémentaires, puisque deux siè-
ges demeurent vacants avec l'élection au
Sénat de M. Flayelle.
LES RETRAITES
DES CHEMINOTS DE L'ETAT
M André Tardieu, ministre des travaux
publics, vient de décider la fusion de la
caisse de retraites des chemins de fer de
l'Etat avec celle des chemins de fer de
Il'Ouest. Bien que, depuis huit ans, le ré-
seau de l'Etat et le réseau racheté de
l'Ouest aient un budget unique, la gestion
des deux caisses.de retraites était restée
séparée. La mesure prise par le ministre
des travaux publics permettra de réaliser
d'importantes simplifications administra-
tives et permettra également un meilleur
aménagement des ressources de ces éta-
blissements.
LE CINEMA
Faisons le point !
Certes, l'industrie du cinéma n'a pas,
chez nous, toute la place qu'elle mérite,
et les films d'outre-Atlantique n'ont pas
encore trouvé, en France, la concurrence
que notre génie artistique doit pouvoir lui
opposer. Cependant les temps sont peut-
être plus proches qu'on ne le croirait où
cet état de choses évoluera, si toutefois
des difficultés d'ordre financier ne vien-
nent pas changer les actuelles données du
problème. En effet, de divers côtés, on
nous signale qu'écrasé par les taxes nou-
velles, des établissements de province vont
être contraints de fermer leurs portes.
Le prix des places a', de toute évidence,
atteint le plafond. C'est l'éternelle his.
toire de la poule aux œufs d'or ; mais le
gouvernement voudra-t-il le comprendre ?
Ceci est une tout autre histoire.
En attendant, voyons ensemble, si vous
le voulez bien, ce que nous apportent les
nouveautés de la semaine.
Vénus moderne, d'abord. C'est — en-
core I — un film américain. Naturellement,
il y sera question d'affaires, de commerce,
de luttes, de combat pour « faire » de l'ar-
gent. Tout ceci surprendra un peu sous
un titre qui annonce, malgré l'adjectif, de
l'amour. Mais nous sommes à Centre-
ville, où deux fabricants de parfums, Hugo
Miles et John Gray ont engagé une àpre
lutte pour lancer'un produit de beauté.
Niles, qui commence à chercher un peu
de repos, songe à marier son fils Horace,
jeune homme plus prétentieux que capa-
ble, à Mary Gray, vraiment délicieuse
fille.
Mais cela ne fait pas l'affaire du chef
de la publicité de Niles, qui juge déplora-
ble de voir ainsi gâcher l'existence de
Mary Gray. Aussi donne-t-il sa démission
et va-t-il proposer à Gray de présenter
sa fille au concours de beauté organisé
par les journaux. Vous avez deviné son
idée ? Il compte bien que Mary, une fois
couronnée reine de beauté (j'allais écrire
« star »), affirmera qu'elle ne doit son
charme qu'à l'emploi du produit dont son
père est l'inventeur.
Alors. alors se produisent des incidents
tellement nombreux et divers que je dois
renoncer à vous les narrer tous. Niles fait
tout pour décourager Mary, qui s'entête,
mais ne gagne pas le prix : c'est une de
ses amies qui décroche la timbale, et celle-
ci ne demande pas mieux que d'abonder
aux suggestions ingénieuses du chef de la
publicité.
Pour décousu qu'il soit, reconnaissons
que ce film est amusant. C'est d'ailleurs
la seule prétention qu'il avait : il y réus-
sit en partie. Il est bien joué par Esther
Ralsto.n, Lawrence Gray, Ford Sterling,
et par Fay Lanphier. Celle-ci a un droit
indiscutable à jouer un tel film : elle est
la femme unique à laquelle un concours
donna le droit de porter le titre de « la
plus belle femme des Etats-Unis ». Et, de-
puis-lors, elle se fait appeler : Miss Ame-
rica.
.Je vous parlerai maintenant d'une au-1
tre production qui, pour étrange qu'elle
puisse vous paraître, est un film français :
Le Petit Parigot. Film sportif, évidem-
ment. Peut-on' maintenant écrire un ro-
man, monter une pièce de théâtre, présen-
ter un film où ne trônera pas le mts-
cle ?
Le Petit Parigot est dû à René Le Soinp-
tier. M. Le Somptier, qui collabora avec
Louis Feuillade, a compris et su exploi-
ter (tout l'intérêt du film à épisodes. Il
a su le montrer dans Le Roi de la Pédale.
Mais revenons à nos moutons. Le Petit
Parigot, c'est l'homme de la rue, de la
rue. en ce moment, le jeune sportif qui
va du stade au vélodrome, ardent, vibrant
à toutes les émotions que lui dispensent
les animateurs des grandes réunions.
C'est d'après* l'œuvre de MM. Cartoux
et Decoin que René Le Somptier a bâti
son œuvre.
Capitaine de l'équipe française oe
rugby, Georges Grigny-Latour, fils d'un
académicien célèbre, a reçu de ses coéqui-
piers le surnom de « Petit Parigot ». Le
sport le passionne si vivement qu'il quit-
tera le foyer paternel à la suite d'une al-
tercation au cours de laquelle le vieil aca-
démicien , son père, jette l'anathème au
sport qui, dit-il, détourne les jeunes hom-
mes de leurs études.
Naturellement, le « Petit Parigot » est
débrouillard par nature. Il réussit à se
faire prendre par son ami Mesnil, pro-
priétaire d'un garage. Le jeune mécani-
cien ne tarde pas à s'éprendre de la jolie
Lucie Mesnil.
Celle-ci est courtisée, d'autre part, par
un commanditaire du garage, Robert de
M on te rv al, fiancé de la sœur de Georges
Grigny-Latour.
Pour arriver a ses fins, de Monterval
menace Lucie de ruiner son père à tout
jamais. Le « Petit Parigot », qui découvre
l'infâme conduite de son futur bpau-frère,
s'ingénie à le confondre.
Tel est le thème. Il est simple, mais
René Le Somptier a su en tirer parti
avec beaucoup d'habileté : il a utilisé tou-
tes les grandes manifestations sportives
de notre époque et a convié devhnt l'ob-
jectif les « as » du court, de la route et
de l'air. C'eet ainsi que figurent, dans le
film, Suzanne Lenglen, Pelletier d'Oisy,
Suzanne Wurtz, etc.
Les grandes journées du stade de Co-
lombes ont également trouvé leur place
dans cette bonne réalisation. Le mouve-
ment bien noté des départs de trains pour
Colombes, et l'inauguration récente de la
saison du stade par le président de la Ré-
publique sont habilement intercalés dans
les principales scènes.
Biscot, le plus sympathique des comi-
ques français/a composé le personnage
vibrant du « Petit Parigot » avec une rare
habileté, beaucoup de gaieté et d'allant.
André Dubosc, dans le rôle de l'académi-
cien Grignv-Latour, est toujours le comé-
dien parfait que l'on connaît.
Suzanne Christy, Napierska, Marqui-
sette, Rosky, Melchior, Jeanne-Marie Lau-
rent, Charpentier et la petite BOllboule,
complètent heureusement la distribution.
Et, chose qui ne gâte rien. de beaux
coins de Paris, de calmes horizons nor-
mands, constituent les toiles de fond de
l'action.
F. F.
AU FILM DES JOURS
Les Chagrins de Satan. — C'est le titre
d'un grand film dont Griffith achève les
montages. On déclare que Les Chagrins
de Salait seront l'œuvre magistrale du
grand animateur.
Valencia. Oui, encore. C'est le titre du
film que tourne en ce moment Maë* Mur-
ray.
Après l'obsession qu'ont subie nos oreil-
les, l'écran va continuer. Pauvres de
nous !
Bardelys le Magnifique. — Ce sera une
production de King Vidor. Ce sera une
œuvre franco-américaine : le mariage de
la carpe et du lapin. Attendons.
Quels sont les sports que pratiquent les
grandes vedettes du film ? Ecoutez :
Betty Bronson adore l'automobile. Wal-
lace Beery, la pêche, tandis que son frère
Noah se livre aux plaisirs de la chasse.
-Raymond Griffith est un yachtman re-
marquable et James Cruzo un nageur
étonnant. Ricardo Cortez a un faible très
marqué pour la boxe et Richard Dix pour
le golf. Florence Vidor est une fervente
de la raquette. Quant au jeune William
Collier, le football a toutes ses sympa-
thies.
Revue de la Presse
Les scandales municipaux
On lit dans le Petit Bleu :
Un congrès de la route s'étant tenu à
Milan, quatorze conseillers municipaux de
la Ville de Paris jugèrent indispensable
de se faire-désigner pour assister aux tra-
vaux de ce congrès et se firent verser, à
titre de provision, une somme de cinq
mille francs- Mais s'ils étaient 14 désignés
et payés pour l'embarquement sur le ba-
teau de la ville, 3 seulement touchèrent au
but. Les autres se contentèrent de tou-
cher très simplement la provision mise à
leur disposition pour frais de voyage et
s'égrenèrent en cours de route. Mais ils
avaient touché et ils pouvaient reprendre,
en la modifiant légèrement, la formule de
Descartes : « Je touche, donc je suis ! ».
Toute philosophie mise à part, ne serait-
il pas de la plus stricte honnêteté, pour
ces édiles qui' faillirent faire un beau
voyage, de rendre très simplement l'ar-
gent ? Et ce ne serait pas moins le devoir
de ceux qui le leur ont versé de le leur
réclamer, car, après tout, cet argent, c'est
le nôtre.,
Guillaume 13
M. Henri Réraud a terminé son énqule
en Allemagne par : te flânerie à Doorrl,
autour du château habité par l'ex-empe-
reur.
A quoi, nous dit-il dans le Journal, son-
ge Guillaume II quand, tourné vers l'Est,
il s'accoude aux parapets du château van
Heek ? Ecoute-t-il, au loin, l'appel des
trompettes de Potsdam ? On peut tout
craindre de cet homme. Seul au monde,
peut-être, il méconnaît le bilan de haine
et de douleur, la grandiose horreur que
représente son nom.
Qui sait s'il oserait ?. Mackensen n'est-
il pas venu, dernièrement, au nom des
reîtres. le rassurer et l'encourager ?
En longeant ces barrières en fils barbe-
lés dont le château de Doorn est entouré,
j'ai pensé aux périls que cet homme in-
carne encore, huit ans après sa fuite et;
sa déchéance. Si les closes ne dépendaient1
que de lui, pensais-je, on pourrait tout
craindre. Il aime tant la politique théâ-
trale ! Même en se sauvant, le poltron fai-
sait des phrases. Il disait : « Je combat-
trai à outrance, avec une poignée de bra-
ves ! » Cependant sa voiture filait héroï-
quement vers Maestricht.
La femme-Jockey
C'est hier que les femmes-jockeys ont
fait leurs débuts en Angleterre, dans le,
Newmarket Town Plate. Il faut ajouter
que colle épreuve était réservée aux, ama.,
leurs.
Les fières et fougueuses amazones, pro-
teste M. Gignoux dans le Figaro, n'au-
ront pas de licences. Les Anglais, qui per-
mettent à leurs ex-suffragettes de siéger
à la Chambre des Communes, ne tolèrent
pas qu'elles disputent aux jockeys pro-
fessionnels le moindre prix à réclamer.
Chez nous, où les femmes ne votent pas.
nos sociétés d'encouragement sont encore
plus résolues à leur faire perdre toute
espérance d'entrer à Auteuil ou à Long-
champ. Le féminisme a trouvé sa limite.
Quo non ascendant ? disait une petite da-
me du Fouquet. — Partout, sauf sur un
cheval numéroté.
Il est permis d'être homme, mais pas
à ce point-là. Quelle injustice et quelle in.
cohérence ! Une femme peut conduire sur
les routes, à cent à l'heure, une automo-
bile de 'quarante chevaux, et vous l'empê-
cheriez de faire du petit trente-cinq sur
un seul cheval, dans un champ de courses
parfaitement clos ! Une femme peut être
avocat, médecin, et vous ne la laisseriez
pas risquer sa propre chance et sa propre
vie sur un hippodrome ! Voilà qui est
inexplicable, incompréhensible.
Portraits sur fruits
On a beaucoup parlé de ces poires offer-
tes par un jardinier à M. Mussolini, et
sur lesquelles, fort bien venu, s'étalait le
portrait du Duce. Il n'y a là, nous disent
les Annales, rien de nouveau.
Il y a beau temps que ce procédé est
connu et employé. Les gros marchands
de primeurs qui fournissent les maisons
royales ou princières ne sont pas les der-
niers à le savoir.
Comment on fait ? C'est très simple. On
choisit un fruit de table, poire, pomme,
pêche ou brugnon, un fruit qui se colore
vivement à l'époque de la maturation. Dès
que ce-fruit a atteint son volume normal,
on applique sur sa partie la mieux expo-
sée au soleil une feuille de papier blanc
ajourée représentant le dessin choisi :
initiales, monogramme, tortîl, couronne,
emblème, portrait.
Les rayons lumineux n'agissent que sur
les endroits découverts- Tout ce qui est
caché reste donc en clair. Quand le soleil
a terminé son œuvre, il n'y a plus qu'à
enlever le papier, et le dessin apparaît,
pâle sur le fond'rouge.
Il y a un mais. Pour ne point attaquer
la peau du fruit, si délicate, il convient
de se servir d'une colle spéciale. Savez-
vous comment on obtient la meilleure ?
En broyant des limaces au fond d'un réci-
pient. La matière gluante qui résulte de
cette opération constitue la colle idéale.
Voilà un petit détail qu'ignorent certai-
nement les grands de ce monde à qui t'en
fait l'honneur de reproduire leurs traits
sur un fruit.
L'impôt sur la mort
Le fisc turc est un grand admirateur
du fisc français et c'est ainsi qité le gtand
argentier d'Angora vient d'établir un nou-
vel impôt qui inaugure en Turquie l'im-
position sur le revenu. Mais ce n'est pas
tout,
Ajoutez à cette taxe de création récente,
nous dit le Carnet de Içl Semaine, une au-
tre sur les morts et vous comprendrez
qu'il est aussi désagréable de vivre que de
mourir en Turquie.
En effet, les compagnies d'assurances
ont été invitées à fournir des renseigne-
ments sur les primes d'assurance à vie et
d'informer chaque fois les autorités com-
pétentes des versements effectués par elles
en cas de décès.-. Alors il faudra vivre.
sans mourir en Turquie ou n'assurer ja-
mais sa vie., la première condition étant
impossible et irréalisable pour les. mor-
tels., force sera pour eux d'opter pour la
seconde. et pratiquement les compagnies
d'assurances seront incapables d'assurer
leur propre existence en Turquie !
La cuite dominicale
Le conseil municipal de Peillac (Mor-
bihan) a voté cette amusante délibération
que nous signale notre confrère ropi-
nion :
« Tout ivrogne rencontré dans les rues
sera passible d'une amende de 10 francs,
qui sera versée au bureau de bienfaisan-
ce. Cette amende sera réduite de 50 pour
cent les jours de fêtes légales et les di-
manches. ,
(c M. le garde-champêtre est chargé de
veiller à l'exécution de la présente. »
On peut prendre une cuite les diman-
ches ft jours de fêtes dans cet heureux
pays' : ça ne coûte que la moitié !
Claude Villechaud.
NOUVELLES
BRêVE S- ,
&
EN FRANCE:
Le bureau du sceau du ministère de la jus-
lice
Les services du bureau du sceau du mi-
nistère de la justice seront transférés le
mercredi 20 octobre, 24, rue de l'Universi-
té, dans l'immeuble qui leur a été affecté
par décret du ?! septembre dernier.
Au Quai d'Orsay
M. Briand, ministre des affaires étran-
gères, a reçu hier matin M. Rakowsky,
ambassadeur des républiques socialistes;
soviétiques. L'ambassadeur de l'U. R. S.
S. a entretenu M. Briand de la prochaine
reprise des négociations relatives à la dct..
le russe envers la France.
La Russo-asiatique
Congrès général des créanciers de la<
Russie. — Assemblée des Associations des
porteurs de fonds russes et du « Comité
d'action pour le règlement des intérêts fran-
çais en Russie » ; Assemblée, spéciale des-
membres de « l'Association des action-
naires de la « Banque russo-asiatique » :
nomination du délégué général : M. Albert
Favre, ancien sous-secrétaire d'Etat. —
Résolutions à prendre en vue de l'assem-
blée des créanciers ; ù: la mairie du IVe
arrondissement, place Baudoyer, à 14 h.'
30, le dimanche 24 octobre 1026.
Les grands débats du Faubourg
Au Çluto du Faubourg, lundi soir, 18 oc-
tobre, salle Wagram, Henri Barbusse ex-
posera : u Pourquoi j'ai écrit u Les Bour-
reaux r,
M. Painlevé à Versailles et à Villacoublay
Le ministre de la guerre a visité 'hier
le centre d'études aéronautiques de Ver-
sailles et la commission des essais prati- -
ques de l'aéronautique de Villacoublay.
A l'Institution nationale des Invalides
M. Louis Marin, ministre des pensions,
a visité hier après-midi, sous la direction
du général Mariaux, l'Institution nationale
des Invalides.
A L'ETRANGER
Le procès Yvan de Justh
Une quarantaine de témoins ont été cités,
à comparaître à Genève au procès Yvan
de Justh, le Hongrois qui frappa le comte
Bethlen dans les couloirs de la Société des
Nations.
Au nombre des témoins de la défense fi-
gurent MM. Aulard et Victor Basch, pro-
fesseurs à la Sorbonne, et le comte An-
drassy.. oU
Le prince Carol redeviendrait prince hé-
ritier
Le « New York Herald » croit savoir de
source très avertie et touchant de près à
la personne du prince Carol de Roumanie,
que celui-ci-ne tardera pas à retourner au-
près de la princesse Hélène, sa femme,
et reprendra ses droits de prince héritier,, ,
LE CAMBRIOLAGE v":
du château de Chantilly
Les inspecteurs Février et. Lespinasse
poursuivent activement leurs investiga-
tions à Chantilly et dans la région. C'est
ainsi qu'ils ont déjà pu savoir où les deux,,
échelles qui ont servi aux cambrioleurs
pour atteindre à la hauteur de la salle
des Gemmes avaient été dérobées. ,
: C'est tout près de la station du champ
de courses, dans jun chantier à côté du
pont de la Morlaye, à un kilomètre et de-
mi du château- 1
Le propriétaire du chantier, M. Guyot,
de Creil qui se déclare sûr de son person-
nel ouvrier, a consenti cependant à faire
dresser la liste des maçons et des manœu-
vres qu'il n'employa que quelques jours,
voire quelques heures, depuis un mois ail-
moins. -
Munis de cette liste, les policiers vérir"
fient les indications qu'elle leur a procu-
rées. Déjà plusieurs ouvriers italiens, qui"
ne travaillèrent que dix ou vingt heures
au chantier du pont de la Morlaye, sont
recherchés.
D'autre part, la scie égoïne brisée trou-
vée près du poteau d'arrivée du -champ de
courses par un employé, M. Colset, a été
reconnue, à-Paris, par les vendeurs d'un
grand bazar proche de l'Hôtel de Ville",
grâce à la mention U/9 portée au crayon
sur sa poignée restée intacte.
Scotland Yard
recherche les ravisseurs du diamant rose
Depuis quarante-huit heures, les inspec-
teurs de Scotland Yard explorent Londres
à la recherche du diamant rose. Tous les
clubs, cabarets et asiles où fréquentent la
haute et la basse pègre ont été visités pen-
dant la nuit. Des détectives surveillent les
abords du quartier de Hatton Garden, où
se trouve concentré le commerce des pier-
res précieuses. Divers receleurs bien con-
nus de la pôlice font l'objet d'une surveil-
lance constante. Aucu. indice n'indique
jusqu'ici que le bijou ait été apporté à-
Londres.
Des photographies des empreintes rele-
vées sur la vitrine aux bijoux ont été re-
çues à Scotland Yard, où des recherches
sont opérées parmi les fiches du bureau
criminel. On s'occupe d'établir les mouve-
ments, au cours de ces dernières semaines,
de deux individus suspects.
FEUILLETON DE L'HOMME LIBRE DU 15 OCTOBRE 1926 - 7 -
Umm
L'HOMME DE PAILLE
(Chronique de 1913)
GRAND ROMAN INEDIT
par COEURJOtE
CHAPITRE III
Le jeune homme examina ce grand
espace avec sympathie. 11 ouvrit deux
panneaux de la baie,. et l'air nocturne
balaya les odeurs mortes du grenier.
Le souvenir des héros de théâtre, que
Taverny l'avait accusé d'imiter fit plai-
samment désirer à Claude de rêver sur le
balcon silencieux : il ne lui manquait
point d'illusions à poursuivre, ou da
plans àrtracer- Mai il était trop soulagé,
ijop heureux de se croire entouré de vbra-
~"es cœurs, un métier dans les mains, le
pied à l'étrier, pour vaincre le sommeil
qui payait cette journée fatigante; c'est
la douleur ou le souci qui nous tiennent
éveillés ; la sécurité, la joie nous acca-
blent.
Découvrant son lit de fer et débouclant
ses valises, Claude jeta ses habits pêle-
mêle sur le canapé ; mais il avait dlabord
caché toute sa fortune, .quatre louis, dans
le ti- ir d'un guéridon ; puis sans même
fermer sa porte à la clef, se tournant vers
le mur pour ne plus voir aucune lumière,
il s'endormit comme un soldat.;
'V ■
CHAPITRE IV
La réverbération du jour sur les mu-
railles obliques éveilla Claude dès quatre
heures. Mais cet aecourcissement imprévu
de son repos ne lui fut point désagréable :
il se souvint 'du régiment, où il n'avait
point éprouvé tant de sympathie pour les
personnes que pour les choses, pour la
monotonie d'une vie fortifiante et pour la
discipline.
Dans le brouillard du demi-sommeil, ces
réminiscences le conduisirent à une rêve-
rie plus vaste, qui s'étendait du passé vers
l'avenir. La traditionnelle méditation qui
prélude aux efforts, à laquelle sa fatigue
ou sa joie l'avait empêché de se li'vrer sur
le balcon, il la fit tout die même, en comp-
tant de son lit les fleurs roses du papier.
Toutes les figures qui lui étaient ap-
parues familièrement se confondaient dans
sa mémoire : il voyait sauter Noche et la
patronne, il entendait Valorcs : « I will
drinh. I am a Frcnchman », et les con-
seils, les promesses, les plaintes du maî-
tre à danser ; puis il écoutait ses propres
réponses, si gauches, et il était honteux de
I s'être aussi mal présenté.
1 .« Quelle, impression a dû faire l'histoi-
re de ma vie ! pensa-t-il en se réveillant
davantage. Qui m'obligeait surtout d'ana-
lyser mon caractère ? Un ambitieux ti-
mide ! - Autant leur dire : « Exploitez-
moi ». D'ailleurs, sais-je moii-iméme ce
que je serai ? Je n'ai jamais navigué sans
pilote, et me voici pour la première fois
responsable ; je ne m'inspire pas une
folle confiance ». •
Ces reflexions, furent suivies de bien
d'autres : Claude, qui avait l'esprit de se
juger, reconnaissait en soi des tendances
cpntraires. Ses vertus presque féminines,
une modestie, une coquetterie malicieuses
et tendres, juraient avec l'ambition assez
vulgaire dont les accès le tourmentaient,
comme ceux drune odieuse, mais inguéris-
sable maladie, et que relevait à peine un
sens ironique du nnonde.
Il tâchait, d'expliquer cette antinomie
par une distraction du hasard : il s'ima-
ginait volontiers être né après l'heure
car les arénérations contigués sont vouées
alternativement à l'action et à la pensée,
comme les robes des femmes, qui vont à
intervalles réguliers de la crinoline au
fourreau.
Qui! dominerait en Claude, dans les lut-
tes perpétuelles que soutiennent la pares-
se et notre volonté, l'homme pratique ou
le rêveur ? Il doutait de soi : Imais au-
dessus d'une relative médiocrité, cette dé-
fiance est commune aux ambitieux et aux
spéculatifs.
Tout dépendait de la première campagne.
Aussi l'intelligence mobile de Claude cri-
tiquait tour-à-lour mille pians ; au mi-
lieu de ces discussions intimes, plus ab-
sorbantes que le sommeil, il eut le sen-
timent que l'on frappait à la porte : elle
s'ouvrit en effet, Mme Orbonne passa la
tète et mummira :
— « C'est qu'il dort toujours ! »
Avant que le jeune homme eût secoué
son engourdissement, la cuisinière péné-
tra tout-à-fait idans l'atelier, parvint au
lit, et fit un cri léger en voyant les yeux
bien ouverts de celui qu'elle croyait as-
soupi.
— Oh ! dit-elle. je vous demande par-
don, monsieur Valentin. En me levant, à
cinq heures, je suis entrée déjà, vous dor-
miez comme un bienheureux.
— Moi ? je me suis éveillé à quatre heu-
res ! dit Claude en prenant sa montre.
— Allons donc ! répliqua Mme Orbonne.
Vous ne savez pas qu',il en est six ?
— Ah! mon Dieu! s'écria le jeune hom-
fIIl'e, qui ne croyait poitot avoir médité si
longtemps. On né m'a pas fixé l'heure à
laquelle je dois être prêt.
— Ah! répondit Mme Orbonne, les Ta-
verny descendront dans deux heures.
Mais je suis plus inatinale. J'occupe la
chambre au fond, sur le même palier que
vous. Je voulais m'assurer que rien ne
vous manquait. et. Mme Taverny m'a
promis que vous me rendriez quelques pe-
tits services. On n'obtient pas des filles
du pays, quand elles veulent encore bien
s'engager comme domestiques, qu'elles
arrivent avant huit heures du matin.
— Mais. dit uiauae surpris, misant un
geste pour se lever, je suis tout à vos
ordres. ».
— Ne vous hâtez pas, dit la cuisinière,
qui! s'ftistalfa dans un fauteuil.
Aujourd'hui, nous nous arrangerons.
Vous vous habillerez quand je serai par-
tie. Dites donc. Comment les avez-votus
trouvés ?
— Qui ?
- Les patrons, les pensionnaires.'
- Ce sont de charmantes gens, dit pru-
demment Claude.
— Bah ! reprit la cuisinière, ne faites
pas le diplomate avec. moi. D'abord, mon
garçon, je pourrais être votre maman, et
puis je ne les porte point dans mon cœur,
les Taverny. De mon vrai métier, je suis
couturière, à Paris. Madame, qui m'em-
ployait en journées, savait que je fricote
gentiment. Elle m'a fait voir monts et mer-1
veilles pour me décider à les suivre. Ah !
ouiche ! Vingt sous par jour et par convive,
voilà ce qu'on me donne, et débrouille-toi.
Dix bouches affamées, dix francs, gages
non compris, comme de raison, mais pen-
sez ce qu'il reste. J'y met du mien.
Pour faire le poids, on ne me marchande
pas les vexations. Je suis veuve et j'ai une
fillette de dix ans, monsieur, silencieuse,
et mignarde, et qui m'aiderait déjà. Oh !
je ne l'ai pas laissée à Paris, bien sûr.
Mais le Taverny a tant fait de musique,
lorsqu'il nous a vues venir, que j'ai confié
ma petite à des épiciers au Tréport. Je ne
la vois que le dimanche, croyez-vous.
Hier soir, VQus avez entendu comme on me
parle. C'est un fou, ce baladin-là, ses
danses lui ont tapé sur le cerveau. Je suis
ébaubie qu'il ne se soit jamais brouillé
avec sa femme, qui est encore la plus ai-
mable. Et ce n'est pas faute de se cha-
mailler. Vous verrez, quand il lui - repro-
che 1 ami de la maison, Valorès. La Co-
prescu s'en mêle, comme elle se mêle de
tout, cette née-sous-les-ponts, toujours
criant, jamais contente, encore plus fière
et chipie que sa fille, le phénomène ! Nico-
las, au moins, est un brave homme, lui,
généreux, et gai. Sa belle-même aussi est
une digne femme, Mme Tirard. S'il n'y
avait qu'elle et les Guttmarai ! Voilà des
personnes discrètes et polies 1 Seulement,
ils ne sont point toqués de la cerba, le
patron ne les caresse pas comme les autres,
quoi qu'ils soient de ses amis d'enfance.
« Ah ! mais ! s'écria la bavarde, saisie
de la froideur de Claude, vous n'irez pas
leur rapporter ce que je vous dis ? Ne vous
faites pas illusiooi : nous sommes du même
parti, Mlle Bourdon, vous Pt moi, de ceux
qu'ils exploiteraient, si nous n'y mettions
obstacle. Faut pas non plus vous impres-
sionner 1, Il vous en arrivera de cruelles,
mais vous êters jeune : ça dresse les hom-
mes.,. Vous avez débarqué à l'heure du
1 urs ? -
— A la fin, répondit Claude.
— Oh ! elles attendaient bien pour vous
dévisager toutes les pimbêches, les bon-
nes élèves, les chéries du patron, Mme Tu-
bingue, Mme Chocardelle, Mme Cattiot.
- Ne m'en dites pas de mal, s'écria la
jeune homme en riant, je dois faire leur"
éloge dans l'Echo de la Plage !
— Bon, dit la cuisinière, je m'en vais
vous édifier.
La médisante Paxisienne renseigna
Claude avec tant de verve, que lorsqu'elle
descendit, après lui avoir répété qu'il
devait la rejoindre à la cuisine, l'infoi;-,,,
tuné sentait sa - belle confiance ruinée par
une 'terreur invincible, et désespérait
d'écrire le panégyrique de tous ces i-nonse..,
itres.
Qu'il eût souhaité la (désinvolture d'un
camarade d'escadron, dans le civil rédac-
teur de faits divers, et qui maniait impu-
demment les liux-communs de la presse !
Tout en s'habillant, il ne pouvait s'empê-
cher de rire des obligations qui s'ajou-
taient à son' emploi.
Soudain, comme il arrive aux journa-
listes débutants, Claude sentit naître une
banale, mais irrésistible inspiration : il..
entrevit le moyen d'utiliser ses impres--
sions de la veille, et de retourner les bro-,,
cards de Mme Orbonnc.
Dans une de ses valises, il prit du pa-
pier. un crayon, et en phrases qui trahis-i
saient le collégien ou le brigadier-fourrier;"
il ébaucha un naïf tableau de l'arrivée dit
violoniste et des danses au milieu du sou."
per, conjura les infidèles de se rallier à
la cerba, vanta le charme de Mme Taver-
ny, les talents du professeur, la conviction
de Nicolas et de Loulou, la précociité de
Noche ; puis s'amusant lui-même à distri-
buer les louanges aux clientes dont ît ,.
savait les noms il vit le terrible article à
moitié fait en un clin d'œil.
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